L'AfD inflige un camouflet à Merkel dans son fief L'AfD inflige un camouflet à Merkel dans son fief L'AfD inflige un camouflet à Merkel dans son fief
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L'AfD inflige un camouflet à Merkel dans son fief

Publié le 5 septembre 2016,
par Reuters.
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BERLIN (Reuters) – Le parti anti-immigration Alternative für Deutschland (AfD) a réussi son pari dimanche dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale en devançant l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel aux élections régionales, remportées par les sociaux-démocrates du SPD.

Ces élections, organisées un an jour pour jour après la décision de la chancelière fédérale d’ouvrir les frontières de l’Allemagne aux dizaines de milliers de réfugiés bloqués en Hongrie, avaient une valeur symbolique très forte: c’est dans ce Land du nord-est de l’Allemagne, à la frontière polonaise, que Merkel a entamé sa carrière politique après la chute du mur de Berlin.

Avec 20,8% des suffrages, selon les premiers résultats préliminaires, la formation de droite radicale repousse le parti de la chancelière à près de deux points.

Frauke Petry, sa coprésidente, s’est félicité de la « claque » infligée à la chancelière fédérale. « Les électeurs ont clairement rejeté la politique désastreuse de Merkel en matière d’immigration », a-t-elle dit. « Nous avons renvoyé la CDU dans les cordes. »

 

POUR LA CDU, UN RÉSULTAT AMER MAIS ATTENDU

Créé en 2013 initialement contre les plans de renflouement financier dans la zone euro, l’AfD s’est mué en un parti anti-immigration, incarnant une ligne opposée à celle de Merkel.

En mars dernier, il en avait engrangé les premiers fruits aux régionales dans les länder du Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat et surtout de Saxe-Anhalt où, avec plus de 24% des voix, il était devenu la deuxième force politique régionale, talonnant la CDU. Mais jamais encore il n’avait devancé la droite allemande dans une élection régionale.

Le SPD, qui gouverne depuis 2006 ce Land rural du bord de la Baltique dans le cadre d’une « grande coalition » la CDU, conserve sa première place avec 30,6% des voix, mais est en net recul par rapport au précédent scrutin, en 2011, qui l’avait vu réunir 35,6% des voix. Le score de la CDU passe de 23% à 19%.

Les autres partis reculent aussi. Quatrième, la formation de la gauche radicale Die Linke perd un tiers de ses électeurs, obtenant 13,2% contre 18,4% en 2011. Les Verts, crédités de 8,7% en 2011, sont donnés à 4,8% et disparaîtraient du Parlement régional (le seuil de représentation est fixé à 5%). Avec 3,5% contre 6% en 2011, le parti d’extrême droite NPD disparaît de l’assemblée régionale où il siégeait depuis 2006.

La participation, en nette hausse par rapport aux précédentes élections (61,5% contre 51,5%), a surtout favorisé l’AfD.

« Ce résultat, de même que la forte présence de l’AfD, est amer pour beaucoup, pour nous tous au sein du parti », a constaté Peter Tauber, secrétaire général de la CDU. « Mais il était également évident que le bon bilan du gouvernement régional ne jouerait aucun rôle aux yeux de nombreux électeurs », a-t-il poursuivi.

 

RÉFÉRENDUM SUR LA POLITIQUE D’ACCUEIL ?

Car toute la campagne électorale a tourné autour de la politique d’accueil des réfugiés décidée par Merkel, à laquelle l’AfD s’oppose frontalement. D’après un sondage ZDF sur la motivation des électeurs, la question des réfugiés a été essentielle alors même que le Land n’héberge, selon le ministère de l’Intérieur, que 23.000 réfugiés enregistrés sur une population totale de 1,7 million d’habitants.

Lorenz Caffier, qui conduisait la liste locale de la CDU, a déploré que les élections se soient jouées « autour d’une seule thématique: les réfugiés ».

Malgré leur recul, la coalition sortante que forment le SPD et la CDU pourrait être reconduite. Elle disposera de 42 des 71 élus dans le prochain parlement. Mathématiquement, une coalition SPD/Die Linke serait également possible, avec un total de 37 élus. L’AfD enverra pour sa part 18 élus à Schwerin, où siège le Parlement régional.

Angela Merkel, qui a effectué samedi un ultime déplacement de campagne à Bad Doberan, une petite localité de son land d’origine, avait mis en garde contre la « politique de la peur » qu’incarne à ses yeux l’AfD.

« Chaque voix va compter », avait-elle dit. « Cette élection porte sur l’avenir de ce Land », avait poursuivi la chancelière, appelant les électeurs à passer outre les slogans de campagne et de mesurer les effets de la politique menée par la coalition sortante, à laquelle participe la CDU, qui a divisé le chômage par deux et encouragé le développement du tourisme.

Elle n’a visiblement pas été entendue.

Dans les sondages nationaux, à un an des prochaines législatives, l’AfD est crédité de 12% des intentions de vote, ce qui en fait la troisième force politique et lui permettrait, surtout, d’accéder pour la première fois au Bundestag, le parlement fédéral.

 

(par Andrea Shalal et Thorsten Severin. avec Erik Kirschbaum et Klaus-Peter Senger; Jean-Stéphane Brosse, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)