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Le hashtag : nouvelle arme contre le terrorisme

Publié le 9 février 2015,
par VisionsMag.
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« Etre Charlie » ne suffira pas à endiguer le terrorisme. Fort d’une popularité renforcée et à la lueur d’un semblant d’unité nationale, le gouvernement Valls lance une grande campagne de communication contre le terrorisme et l’embrigadement. Nom de code #stopdjihadisme.

Une effrayante vidéo (interdite aux moins de douze ans) met en contradiction les promesses faites par les groupes djihadistes et la réalité du terrain, utilisant les contrastes couleurs / noir et blanc et jouant sur une bande sonore et une typographie dignes de films d’horreur. C’est ce qui apparaît à l’ouverture du nouveau site Internet mis en place par le gouvernement français, www.stop-djihadisme.gouv.fr, et qui se veut une contre-offensive aux réseaux de recrutement djihadistes qui semblaient avoir pris une longueur d’avance sur l’Etat en terme de contrôle des réseaux sociaux.

Le Djihad se joue sur Twitter

Avec des hashtags en pagaille, tels que #stopdjihadisme ou #antiterrorisme, le gouvernement espère à la fois lancer un élan populaire de résistance via les réseaux sociaux, et jouer sur le même terrain que les groupes djihadistes qui utilisent principalement ces canaux dans le recrutement de nouveaux membres. Cela n’est pas sans rappeler le programme américain « Think Again Turn Away », grand créateur de hashtags, et qui tente de contrer la communication de DAECH et d’autres mouvements terroristes par une information contradictoire, des photos choc et une déconstruction point par point de l’argumentaire de recrutement de ces groupes.

Le gouvernement utilise les mêmes codes lorsqu’il communique sur les dérives sectaires en présentant les personnes embrigadées comme des victimes fragiles et mal informées. Les séquences sont courtes et peu informatives. On vise l’efficacité. De brèves explications textuelles ou vidéos font intervenir des experts de la délinquance et de la lutte antiterroriste, une anthropologue, ou encore un porte-parole du ministère de l’Intérieur venu défendre la mise en place d’un numéro vert mis à disposition pour prévenir et conseiller des proches inquiets.

Une campagne pas toujours efficace

Le gouvernement français a bien compris que l’embrigadement se faisait via Internet et les réseaux sociaux et que c’est par ce biais qu’il devait s’attaquer à ce problème. Communiquer sur les réseaux sociaux, créer des mots clés, c’est avant tout s’engager dans une compétition dont on ne connaît pas l’issue. L’un des risques est de se voir voler la vedette et de perdre le jeu que l’on a soi-même créé. Ainsi, il semblerait que le site de Dieudonné, farouche opposant au gouvernement Valls, soit nettement mieux répertorié sur Google pour les mots clés « stop djihadisme » que le site officiel du gouvernement qui revendique pourtant ce nom. Un grand revers puisque le site de l’ « humoriste » se complait justement à contester la stratégie de communication gouvernementale.

Lorsqu’un gouvernement communique, il est forcément critiqué par certains de ses détracteurs, mais aussi par les personnes qui ne sont pas ciblées par le message envoyé. On ne communique pas de la même manière selon que l’on s’adresse à des enfants, des adolescents, des adultes ou des personnes d’origines ethniques ou sociales différentes. Il est donc impossible d’envoyer un message qui soit audible par tous.

De plus, le problème ne tient pas seulement dans le message, mais aussi dans sa transmission. En effet, tout comme dans les campagnes de prévention sur le tabagisme, la sécurité routière ou les violences conjugales, les campagnes gouvernementales convainquent prioritairement les personnes qui ne sont pas concernées par ces problématiques, à savoir les non fumeurs, les célibataires et les personnes n’ayant pas le permis de conduire. Toute la difficulté ici sera sûrement d’établir une communication entre l’appareil étatique et de potentiels candidats au djihad, eux-mêmes souvent en rupture et en opposition avec l’Etat et les médias « traditionnels ». Certes le gouvernement tente de faire intervenir des intermédiaires tels que l’école ou les représentants d’institutions religieuses dans le dialogue qu’il entend entamer avec les personnes à risque, mais le chemin s’annonce long.

Justifier les politiques antiterroristes

Le site n’est pas qu’un outil de prévention destiné à décourager ou débusquer les candidats à la « Guerre Sainte ». Il est également l’occasion de justifier les actions gouvernementales en matière de lutte contre le terrorisme ainsi que le possible virage sécuritaire et le contrôle des médias et d’Internet (notamment des réseaux sociaux) qui accompagnent ce combat.

On peut suivre sur les « Actualités » en bas de page les mesures prises au jour le jour, telles que l’interdiction de sortie du territoire pour les personnes de nationalité française soupçonnées de vouloir participer à des actions terroristes à l’étranger, un suivi quotidien des opérations antiterroristes menées en France et à l’étranger ou encore les mesures de préventions prises en milieu scolaire.

Le hashtag : nouvelle arme contre le terrorisme
« Etre Charlie » ne suffira pas à endiguer le terrorisme. Fort d’une popularité renforcée et à la lueur d’un semblant d’unité nationale, le gouvernement Valls lance une grande campagne de communication contre le terrorisme et l’embrigadement. Nom de code #stopdjihadisme.

Ouvrir un débat plus que dicter une conduite

Certains aspects de la communication gouvernementale peuvent paraître simplistes, et peuvent même parfois prêter à sourire. Les médias français et étrangers n’ont pas manqué par exemple de tourner en dérision un tableau intitulé « Radicalisation djihadiste, les premiers signes qui doivent alerter », expliquant à l’aide de neuf pictogrammes les signes avant-coureurs d’une radicalisation religieuse, tels que le changement brutal de régime alimentaire ou de mode vestimentaire, ou le fait de ne plus regarder la télévision. Le site d’information Rue 89 a par exemple singé ce tableau en titrant « Dérive autoritaire, les premiers signes qui doivent alerter », mettant ainsi en garde ses lecteurs contre le risque que soit utilisée la lutte contre le terrorisme comme alibi à une restriction des libertés individuelles (notamment d’expression) en France.

En étant caricaturée de toutes parts, la campagne de communication du gouvernement fait parler d’elle. Et le but finalement n’est il pas là, qu’un débat démocratique soit ouvert sur le terrorisme, ses causes, ses effets et ses implications ? Espérons toutefois que cette campagne de communication ne soit prise que comme un dispositif de sensibilisation et de prévention et ne devienne un outil de délation à grande échelle sur fond de paranoïa généralisée et de replis identitaires exacerbés.

Sources des photos: cache.media.education.gouv.fr / news-images.vice.com