L’influent monsieur Daul L’influent monsieur Daul L’influent monsieur Daul
Politique

L’influent monsieur Daul

Publié le 7 juin 2014,
par VisionsMag.
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Joseph Daul, président du groupe du Parti populaire européen, va quitter ses fonctions : mais qui, en France, connait cet homme qui est pourtant l’un des plus puissants du Parlement Européen ?

Un homme discret et incontournable. Quelqu’un qui tutoie Angela Merkel, et qui peut se permettre de l’appeler sur son portable à trois heures du matin. Un bourreau de travail, dont les décisions se répercutent sur les 505 millions d’habitants que compte l’Union européenne. Joseph Daul est un homme d’influence.

Une grande figure du Parlement

C’est un personnage tout en rondeur, cheveux blancs, avec de grosses mains de paysan. Homme incontournable du Parlement européen, Joseph Daul y présidait, depuis 2007, le groupe du Parti populaire européen (PPE), de tendance conservatrice ou démocrate-chrétienne. Et être à la tête d’un groupe rassemblant 265 députés issus des partis venant de toute l’Europe nécessite des qualités dont cet Alsacien n’est pas dépourvu. Des nerfs d’acier, une patience à toute épreuve, un talent certain pour arrondir les angles et parvenir au consensus figurent parmi ses atouts. Ainsi qu’une volonté inébranlable, lui permettant plus d’une fois d’avoir raison de ses interlocuteurs lors de négociations serrées. Ce sens aigu de la tactique politique, Joseph Daul a su l’exercer très tôt dans une carrière impressionnante.

Parcours d’un homme pressé

Né le 13 avril 1947 à Strasbourg, Joseph Daul est diplômé de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN). A vingt ans, il s’installe comme éleveur de bovins en reprenant l’exploitation familiale. Très ancré dans sa région alsacienne, il y milite pour la défense des agriculteurs et y développe un sens de l’engagement qui ne le quittera plus. Prenant la vice-présidence du syndicat professionnel des jeunes agriculteurs, puis de la FNSEA, les années 1990 verront Joseph Daul endosser des postes de responsabilités régionales, nationales, et internationales (organisations professionnelles, coopératives, chambres d’Agriculture, Conseil économique et social). Une hyperactivité professionnelle qui ne l’empêche pas d’entreprendre une carrière politique dans sa commune de Pfettisheim, dont il est maire de 1989 jusqu’en 2001 sous l’étiquette UMP. Cumulard, Joseph Daul ? Le fait est qu’il quittera la plupart de ses fonctions après avoir été élu député européen en 1999. Seules exceptions : il demeure adjoint au maire de sa commune jusqu’en 2008, vice-président de la Communauté de Communes et président de la coopérative de gestion de l’abattoir de Strasbourg (160 salariés).

Tremplin pour la politique

Peu à peu, Joseph Daul devient un personnage incontournable de la filière agricole. Omniprésent, il se forge une culture du compromis, de la pédagogie, comprend les rouages des fluctuations tarifaires du lait et de la viande. Alors qu’il préside la Fédération nationale française des producteurs de viande bovine, ainsi que le Groupe européen « Viande bovine », il doit affronter la crise de la vache folle. Il se démène, propose des solutions, et y gagne le respect de ses pairs. Et se fait remarquer par la classe politique. Lorsqu’on lui propose de rejoindre la liste L’Union pour l’Europe (RPR/DL) lors des élections européennes de 1999, il accepte. Menée par Nicolas Sarkozy et Alain Madelin, la liste obtient 2 263 201 voix, la plaçant en deuxième position derrière la liste PS . Joseph Daul est prêt, il a acquis assez d’expérience et de maturité pour affronter les méandres du Parlement européen.

L’Europe, la grande affaire

Dans les couloirs de Strasbourg et de Bruxelles, l’homme trouve enfin de quoi alimenter sa démesure, puisqu’il occupe la fonction de président de la commission de l’agriculture et du développement rural entre 2002 et 2007. Un poste éminemment stratégique, d’où il peut observer les aléas de la Politique agricole commune (PAC), 40% du budget européen. Il s’y forge de solides relations, ainsi qu’à la Conférence des présidents des commissions, qu’il supervise. Lorsqu’en 2007, le PPE organise des élections pour désigner un successeur à Hans-Gert Pöttering, Joseph Daul fait partie des quatre candidats en lice. Germanophone, défenseur d’une Europe fédérale fondée sur l’axe franco-allemand, il obtient l’appui des puissantes alliances chrétiennes-démocrates allemandes (CDU/CSU). Et est élu.

Le PPE de Joseph Daul

Entre commissions, réunions et négociations, Joseph Daul sait jouer de ses talents de fin tacticien, et les exerce pour faire entendre son parti. Un travail de chef d’orchestre car bien que le Groupe PPE soit le plus important de l’hémicycle, il n’est néanmoins pas détenteur de la majorité absolue. A Joseph Daul de négocier avec la gauche, les libéraux, ou les eurosceptiques pour statuer sur les législations soumises au Parlement. Il lui faut aussi maintenir cohérence et cohésion au sein de son groupe. Rassemblant 70 partis de droite ou de centre droit, issus de 26 pays, le Groupe PPE compte parmi ses rangs l’UMP, le CDU d’Angela Merkel, le PDL de Sylvio Berlusconi, mais aussi le Fidesz de Viktor Orban, le premier ministre populiste hongrois. Herman van Rompuy, le président du Conseil européen, et José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, sont également tous deux membres du PPE.

Un engagement très européen

Depuis son entrée au Parlement, les coups de gueule, les combats et les réalisations de Joseph Daul ne se comptent plus. Il a contribué à la réforme de la PAC en 2003, alors qu’il présidait la commission de l’agriculture et du développement rural. Il a assisté à l’élargissement de l’Europe, étudiant sur place les systèmes agraires des pays candidats et leur proposant les réformes adéquates. Et a participé aux négociations de l’OMC aux sommets de Seattle (1999), de Doha (2001) et de Cancun (2003). Mais Joseph Daul veut aussi défendre sa vision de l’Europe. « La construction européenne est complexe. Il ne peut en être autrement, tant il est objectivement difficile de faire s’entendre, de façon volontaire et sur des sujets de plus en plus importants, 27 Etats membres et autant de cultures nationales. Elle n’en est pas moins indispensable, et nos concitoyens ont bien compris que sur des sujets comme la sécurité, l’économie, les migrations, le climat ou l’énergie, nous ne pouvons influencer la mondialisation qu’en étant unis. ».

Un homme de contacts

Au fil des ans et des responsabilités exercées, Joseph Daul a su se construire un solide réseau relationnel. Très proche d’Angela Merkel, qu’il tutoie, il peut se permettre, durant des négociations houleuses en 2013 sur le budget, de l’appeler à trois heures du matin pour lui manifester son désaccord. Et lorsque Daul pense sérieusement à retrouver une vie tranquille à Pfettisheim, en 2008, c’est Nicolas Sarkozy qui lui déclare : « Je vais appeler ta femme et on va te convaincre d’y retourner. ». Etre en contact permanent avec les grands de l’Europe, mais aussi avec les ambassadeurs, les députés, les ministres, parlementer, rassurer, négocier, telles sont les prérogatives que Joseph Daul a exercé jusqu’à son retrait. Il devrait être remplacé par le Bavarois Manfred Weber.

 

Le groupe PPE sans Daul

Mais Joseph Daul ne quitte pas tout à fait le Parlement européen. Certes, il cède sa place de Président de Groupe, mais sera désormais Président du PPE. Elu par 112 voix sur 124, il prendra la suite de Wilfried Martens, ancien premier ministre belge décédé en octobre dernier. Quoi qu’il en soit, 2014 est une année charnière pour le PPE ainsi que pour l’Europe. Le parti politique a en effet tenu congrès à Dublin début mars et a officialisé ses orientations politiques pour la période 2014-2019 . Au lendemain des élections européennes dans les 28 pays membres, les effectifs de la Commission européenne vont être renouvelés et un successeur à son président actuel, José Manuel Barroso, devra être désigné au plus tard en octobre.

Méconnu en France

Qu’un Français puisse occuper une telle fonction aurait dû pourtant titiller la fierté nationale. Mais les médias français sont frileux concernant l’Europe, et ne s’attardent souvent que sur les mesures les plus spectaculaires. Une forme de désintérêt et d’incompréhension, alors que des décisions de premier ordre sont prises à Strasbourg et à Bruxelles. Et puis, il y a le tempérament de Joseph Daul. Discret face aux journalistes, il a appris à s’effacer et à ne pas se mettre trop en avant. Modestie ou simple manière de se protéger ? Peut-être l’expression d’un bon sens paysan qui ne l’a jamais quitté.

L’influent monsieur Daul
Joseph Daul, président du groupe du Parti populaire européen, quitte ses fonctions : mais qui, en France, connait cet homme qui est pourtant l’un des plus puissants du Parlement européen ?
L’influent monsieur Daul

Annexe / Parcours professionnel

1967 : reprise de la ferme familiale.
1976-1980 : Vice-Président du Centre National des Jeunes Agriculteurs (CNJA)
1981 : obtention du diplôme de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale.
1987 : Officier du Mérite agricole.
1989-2001 : Maire de la commune de Pfettisheim, Bas-Rhin.
1990-1999 : Président de la Fédération nationale bovine (FNB)
1991-1999 : membre du Conseil économique et social.
1993-1999 : Président de la Confédération nationale de l’élevage (CNE).
1993-1999 : Vice-président de la FNSEA.
1994 : Chevalier du Mérite national.
1995-1999 : Président de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev).
1996-1999 : Président du Centre d’information des viandes (Civ).
1996-1999 : Président de la Coopérative des producteurs de viande d’Alsace (Copvial).
1996-1999 : Président de la Fédération de la coopérative d’Alsace.
1996-1999 : Président du groupe viande au sein du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne.
1997 : Chevalier de la Légion d’honneur.
1999 : élu député européen sur la liste RPR/DL, réélu en 2004 et 2009.
2001-2008 : adjoint au maire de Pfettisheim et vice-président de la communauté de communes du Kochersberg.
2002-2007 : Président de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen.
2007 : élu président du groupe du Parti populaire européen (PPE).

Sources photos: www.thumbnail.ymlp.com / www.europarl.europa.eu / www.2.bp.blogspot.com /