Philippe Muray, le poète noir hyperfestif Philippe Muray, le poète noir hyperfestif Philippe Muray, le poète noir hyperfestif
Biographie

Philippe Muray, le poète noir hyperfestif

Publié le 19 juin 2013,
par VisionsMag.
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« Rien n´est jamais plus beau qu´une touriste blonde. Qu´interviewent des télés nippones ou bavaroises. Juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe. Sous la hache d´un pirate aux façons très courtoises. » Vous voulez connaître la suite ? Plongez-vous dans l’œuvre du très politiquement incorrect Philippe Muray.

Tombeau pour une touriste innocente, poème d’où sont tirés ces quelques vers, n’est qu’un des très nombreux textes d’une œuvre conséquente, laissée par Philippe Muray, essayiste et romancier français décédé en 2006 à l’âge de 60 ans.

Une œuvre pour le moins atypique

On aime bien, en général, mettre les gens et les choses dans des cases bien établies pour essayer de les définir au mieux. C’est commode et rassurant. Car tout ce qui sort des schémas établis fait peur, déroute, interpelle. Or Philippe Muray et son œuvre ne peuvent justement être catégorisés. Comment mettre des mots sur son style, son état d’esprit, sa pensée ? Voyons ce qu’en disent certains.

Dans sa biographie officielle, Philippe Muray est présenté comme analysant ce qu’il nomme « la mutation anthropologique en cours ».  Se situant, comme il l’a dit, « quelque part entre Hegel et Desproges », il décrit notre époque comme celle de la « festivisation généralisée » et de l’engloutissement de « l’ancien monde historique » dans le trou noir de « l’hyperfestif ». »

Un polémiste farouchement indépendant

Sa vision de la société est désespérément noire et il se plaît à déconstruire tous les idéaux optimistes visant à améliorer notre existence. Pour lui, l’art pour tous, le festif collectif sont des abstractions vides de sens qui nous éloignent du réel et nous obligent insidieusement à nous couler dans un moule liberticide. (Lou Grézillier)

Sa biographie officielle le décrit comme rejetant toute affiliation et défendant farouchement sa voie singulière. Son goût de la liberté et sa passion du libre examen l’éloignent du conformisme de ceux qu’il nommera plus tard les « mutins de Panurge », « rebelles de confort » et autres « artistocrates ».

Et de fait, au fil de sa carrière, il s’est peu à peu écarté des principales maisons d’édition et de ses acolytes successifs, avec plus ou moins de fracas. L’épisode le plus notable étant sans doute sa rupture avec Philippe Sollers, dont il fut très proche et avec qui il avait publié en 1981 un essai très polémique sur Louis-Ferdinand Céline.

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Un auteur et une œuvre qu’on aime ou qu’on déteste

Tous deux furent, du vivant de l’auteur, à la fois adulés par les uns et conspués par d’autres, chacun y allant de sa propre analyse. Et chacun désignant l’ouvrage qui, à son sens, représente l’œuvre majeure de Philippe Muray. Nous avons au choix : XIXe Siècle à travers les âges, L’Empire du bien, On ferme, Exorcismes spirituels, Après l’Histoire.

Un certain microcosme parisien politico-journalistico-littératuro-philosophique semble lui vouer une admiration sans borne. Ainsi, Aude Lancelin, dans Le Nouvel Observateur, parle de « verve éblouissante ». Et rajoute : « Personne n’avait autant que Muray la capacité de faire surgir les angles morts, de créer des rapprochements inouïs. Son style fonctionnait comme une canonnade étincelante, un rail de nitroglycérine spirituelle, un grand fou rire libérateur. » Rien que ça. Elle décrit ses «Essais» comme « 1800 pages de satires géniales et de blasphèmes hilarants contre l’époque. (…) Toutes les vaches sacrées de l’époque s’y voient égorgées, tous les Tartuffe de la morale droits-de-l’hommiste, démasqués. »

Dans le camp adverse, on y voit un imposteur indigne de faire partie de leur cercle : « Philippe Muray c’est la giclée de Tabasco dans l’œil, la ponction lombaire ratée, le réac’ bougon-bougon. Dans l’Empire du Bien, il s’adresse à nous, les Justes, les Altruistes, les Égalitaristes, les Droits-de-l’Hommistes. Bref, à nous qui sommes du côté du Bien. (…) Nous nous égayons benoîtement dans la purée festive de notre ère sirupeuse, affirme-t-il… »

Daniel Lindenberg aussi y a mis du sien et dans un ouvrage publié en 2002 (Le Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires), qui fera polémique, où il rapproche Philippe Muray de Michel Houellebecq, entre autres, et les définit comme de « nouveaux réactionnaires ».

Une œuvre démocratisée par Fabrice Lucchini

Son œuvre semble immense et ne laisse personne qui l’a lue indifférente. Et pourtant, en dehors d’un petit milieu très fermé, qui la connaît ? Et d’ailleurs, qui connaît Philippe Muray ?

En 2010, Fabrice Luchini a lu, au Théâtre de l’Atelier à Paris, des textes de Philippe Muray. L’œuvre de l’un dite avec le talent et la fougue de l’autre, forcément ça attire ! Et de fait, une certaine presse s’est jetée dessus pour en faire un phénomène médiatique, toutes sensibilités confondues.

Philippe Muray est ainsi devenu branché, un comble au regard de ce qui vient d’être dit sur son compte. Pierre-André Taguieff précise d’ailleurs: « Je ne peux m’empêcher de supposer (…) que la promotion médiatique d’un écrivain et penseur a-médiatique, voire anti-médiatique comme Muray a pour origine un contresens ou une méprise. »

Et que continue la polémique ! Quoiqu’il en soit, Philippe Muray est, enfin diront certains, apparu au grand public. Parisien en tout cas…