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Quand les réfugiés nord-coréens s’organisent

Publié le 9 décembre 2015,
par VisionsMag.
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Kang Chol-Hwan, un réfugié nord-coréen passé par la prison politique de Yodok, a fui son pays et décidé de créer en 2007 le North Korea Strategy Center, une organisation destinée à soutenir les personnes ayant fui la Corée du Nord et à promouvoir la libération du pays le plus isolé au monde.

La Corée du Nord subit depuis 70 ans le joug de la seule dynastie communiste qu’ait connue l’histoire. Celle-ci, créée en 1945 par Kim Il-Sung après la Seconde Guerre mondiale, cumule totalitarisme, famines et persécutions dans une stabilité invraisemblable, et ce malgré l’effondrement du bloc soviétique au début des années 90.

Si la situation du pays et son pouvoir ubuesque, désormais exercé par Kim Jong Un, font les choux gras de la presse internationale, l’accession du pays à la capacité de frappe nucléaire semble avoir gelé toute velléité concrète de déstabilisation du régime de la part des démocraties, occidentales ou non. Dans le même temps, l’endoctrinement forcené imposé à la population, allié à un arsenal répressif insensé, annihile totalement toute possibilité de soulèvement intérieur. Pas une seule manifestation hostile au régime n’y a été recensée depuis 1945.

Dans ces conditions, quelques rares réfugiés étant parvenus à fuir le pays ont décidé, sous la houlette de Kang Chol-Hwan, de prendre les choses en main et de s’organiser afin de, selon lui, « déstabiliser le régime criminel » nord-coréen.

Sortir la population de la Coree du Nord de son isolement

C’est ainsi qu’a été créé en 2007 le North Korea Strategy Center (NKSC – le Centre stratégique sur la Corée du Nord). Celui-ci s’est fixé différents objectifs bien précis. Disséminer l’information étrangère en Corée du Nord d’une part, afin de sortir le peuple de son isolement et de lui faire prendre conscience des mensonges de la tyrannie en place. Au delà de l’espoir – assumé – de susciter une agitation intérieure qui déstabiliserait le régime de Kim Jong Un, le but premier est bien de commencer à former les Nord-Coréens aux idéaux démocratiques, à leur fournir une éducation élémentaire sans laquelle tout changement ne saurait s’accompagner d’un bain de sang.

Selon Kang Chol-Hwan, l’endoctrinement est tellement profond en Corée du Nord que toute atteinte au régime rencontrerait une hostilité populaire très forte, excluant d’emblée toute solution pacifique. L’organisation est ainsi parvenue en 2013 à introduire dans le pays 2000 clés USB, 10 000 DVD et 200 radios, afin d’y diffuser des films et programmes étrangers, des documentaires ou des versions off-line de Wikipedia.

North Korea Strategy Center : former de futurs leaders d’opinion

De façon très pragmatique, il s’agit également de former de futurs leaders chargés de mener cette guérilla de communication, qui pourront par la suite guider et éduquer les nord-coréens si jamais les deux Corées venaient à être réunifiées dans le cadre d’une démocratie. Les différences culturelles sont en effet désormais cruellement marquées entre une Corée du Sud prospère, cultivée et développée et une Corée du Nord affamée et coupée du monde.

Une école de journalisme destinée aux réfugiés nord coréens a ainsi été créée afin que ceux-ci puissent partager au mieux leur histoire. Il faut d’ailleurs noter que ce partage est aussi destiné à la jeunesse internationale et particulièrement sud-coréenne, tout aussi peu consciente du gouffre la séparant de son homologue du nord.

Quand les réfugiés nord-coréens s’organisent
Kang Chol-Hwan, un réfugié nord-coréen a fui son pays et décidé de créer en 2007 le North Korea Strategy Center, une organisation destinée à soutenir les personnes ayant fui la Corée du Nord et à promouvoir la libération du pays le plus isolé du monde.
Quand les réfugiés nord-coréens s’organisent

Les réfugiés, une des rares sources d’information sur le régime

Enfin, ces réfugiés sont les seuls à avoir une connaissance du terrain suffisante pour commencer à mettre en place une contre-propagande destinée aux Nord-Coréens eux-mêmes et les sortir de l’isolement maintenu par le régime. Ils connaissent les endroits où la frontière est perméable, ont conservé des contacts de l’autre coté et savent quels sont les mots et les médias qui frapperont le plus surement les esprits de leurs compatriotes.

Ils constituent également une des rares sources d’information sur ce qui se passe réellement en Corée du Nord. Ils peuvent permettre de documenter les atteintes aux droits de l’homme perpétrées dans le pays afin de susciter une prise de conscience internationale sur le sujet, tout travail de presse libre y étant naturellement exclu. C’est d’ailleurs là la dernière tache que se fixe le NKSC : faire de sa cause une préoccupation à part entière pour la communauté internationale et la pousser à sortir de sa torpeur afin de soutenir cette « résistance par l’information ».

Il est important de souligner que même après avoir quitté le pays, les transfuges nord-coréens sont encore et toujours menacés par le régime de Kim Jong Un. Certains sont pourchassés au delà des frontières du pays, et des représailles sont exercées contre les proches et les familles des fuyards. Malgré ces risques, ces hommes et femmes ont choisi de tout risquer afin de faire évoluer la situation et de susciter une réaction concrète de la part de la communauté internationale.

Photos : youtube.com / smh.com.au / en.nksc.co.kr