Accord de coalition en Allemagne, larges concessions au SPD
par Andreas Rinke et Michelle Martin
BERLIN (Reuters) – Les conservateurs du bloc CDU-CSU et les sociaux-démocrates du SPD ont conclu mercredi un accord de coalition en Allemagne, plus de quatre mois après les élections législatives.
Cet accord devra toutefois être soumis à l’approbation des quelque 464.000 membres du SPD, dont certains, notamment les jeunes, sont très hostiles à la reconduite d’une « grande coalition » (« GroKo »). Cette consultation se tiendra du 20 février au 2 mars et le résultat sera annoncé le 4 mars, dit-on au sein du parti.
Les sociaux-démocrates, qui dans un premier temps avaient choisi en septembre de se retirer dans l’opposition après leur pire résultat électoral de l’après-guerre, se sont ravisés et ont finalement obtenu de larges concessions de la part de la chancelière Angela Merkel, en quête d’un quatrième mandat à la tête du pays.
Le SPD, dont les négociateurs se disent « fatigués mais heureux », obtient ainsi le ministère des Finances, qui devrait échoir au maire de Hambourg Olaf Scholz, celui des Affaires étrangères, qui irait à son dirigeant Martin Schulz, et celui du Travail. Il pourrait également avoir la Justice et l’Environnement.
Conservateurs et SPD ont déjà gouverné deux fois ensemble au sein d’une « grande coalition », en 2005-2009 et 2013-2017, et à chaque fois le SPD en est sorti affaibli, ce qui expliquait sa réticence à renouveler l’expérience.
Lors des négociations, Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, a insisté sur la nécessité de relancer la dynamique européenne.
Face à des conservateurs réticents, il a réussi à imposer le principe d’un budget d’investissement pour la zone euro et a affirmé que l’accord conclu avec la CDU-CSU signifiait la fin de l' »austérité forcée ».
« TOURNANT POUR L’EUROPE »
Les négociateurs des trois partis – ils sont 91 – se sont retrouvés en début d’après-midi pour donner leur feu vert officiel à l’accord conclu après de longues et difficiles discussions.
A cette occasion, Angela Merkel a souligné lors d’une conférence de presse que l’accord était une base solide permettant de travailler dans la durée.
Le gouvernement se consacrera notamment à préserver la compétitivité économique du pays, a-t-elle dit, en soulignant la nécessité de « moderniser les infrastructures et de relever les défis de la technologie numérique ».
« Des finances solides, voilà la marque de notre gouvernement, a-t-elle lancé.
Elle a ajouté que le dossier des migrants avait été l’un des plus délicats à régler lors des négociations. « Mais nous avons finalement pu trouver un bon accord, une bonne série de mesures », a-t-elle affirmé.
Son allié bavarois, le chef de la CSU Horst Seehofer, a salué un accord « positif ». « Nous avons trouvé la bonne réponse aux résultats des élections du 24 septembre, qui ont été si dures pour nous tous, en montrant que nous avions compris (le message) et que les choses allaient changer », a-t-il dit.
Martin Schulz, pour sa part, a salué un « tournant », un « changement fondamental de direction en Europe » grâce à cet accord qui permettra selon lui à l’Allemagne de « retrouver un rôle actif et de premier plan dans l’Union européenne ».
Les investisseurs et les partenaires de l’Allemagne s’inquiétaient de voir le pays dans une impasse politique depuis les élections du 24 septembre.
Une première série de négociations sur une coalition inédite entre conservateurs, libéraux et écologistes avait échoué en novembre, poussant les sociaux-démocrates, après de nombreuses pressions, à revenir sur leur décision de se cantonner dans l’opposition.
HORST SEEHOFER À L’INTÉRIEUR
Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung, Martin Schulz, qui va devenir chef de la diplomatie allemande, va abandonner la tête du SPD. La présidente du groupe SPD au Bundestag, Andrea Nahles, devrait lui succéder à la direction du parti, tout en conservant son poste à la chambre basse du parlement.
Les chrétiens-démocrates de la CDU de Merkel auront les ministères de la Défense et de l’Economie.
Leurs alliés bavarois de l’Union chrétienne-sociale (CSU), très en pointe dans la lutte contre l’immigration, auront leur numéro un, Horst Seehofer, au ministère de l’Intérieur, selon la presse allemande.
L’agence de presse DPA rapporte que l’actuel ministre des Finances, le conservateur Peter Altmaier, deviendra ministre de l’Economie.
Selon un sondage Insa publié lundi, la chute du SPD se poursuit et il ne recueillerait que 17% des voix en cas de nouvelles élections, contre 20,5% en septembre dernier, ce qui était son pire résultat depuis 1933.
Le bloc conservateur CDU-CSU tombe à 30,5%, contre près de 33% aux dernières législatives.
Lors d’une dernière séance de négociations qui a duré toute la nuit, un accord a notamment été trouvé sur la durée maximale des contrats à durée déterminée (CDD), qui passera de 24 à 18 mois. Le nombre de renouvellements de tels contrats sera également limité.
Alice Weidel, dirigeante du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD, extrême droite) qui a fait son entrée au Bundestag en septembre avec 12,6% des voix et 92 élus, a jugé « insensé » cet accord de coalition, notamment à propos de l’immigration. « La situation ne pourrait être pire pour l’Allemagne », a-t-elle affirmé sur Twitter.
(Avec Holger Hansen, Thorsten Severin, Andrea Shalal, Joseph Nasr et Paul Carrel; Tangi Salaün, Arthur Connan et Guy Kerivel pour le service français)