Afrique du Sud: L'ANC décide de révoquer le président Zuma
par Alexander Winning et James Macharia
JOHANNESBURG (Reuters) – Le comité exécutif du Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, a demandé au président Jacob Zuma de renoncer à ses fonctions mais n’a pas fixé de date pour son départ, a dit mardi le secrétaire général du parti.
Lors d’une conférence de presse, Ace Magashule a précisé que le comité exécutif, après treize heures de « discussions approfondies » lundi, n’avait pu se mettre d’accord sur une date précise pour le départ de Jacob Zuma.
Ce dernier a évoqué, lors d’un entretien mardi, une démission d’ici trois à six mois, mais cette hypothèse a été rejetée par l’ANC, a-t-il ajouté. « Un délai ? Non. Le comité exécutif estime qu’il s’agit d’une affaire urgente qui doit donc être traitée avec urgence », a dit le secrétaire général de l’ANC.
Ace Magashule s’est dit convaincu que le président donnerait sa réponse mercredi.
Selon la chaîne privée eNCA TV, Zuma tiendra une conférence de presse à 10h00 (08h00 GMT), mais selon un présentateur de la chaîne publique SABC, la présidence a démenti l’information.
Ace Magashule a souhaité que le vice-président Cyril Ramaphosa succède à Jacob Zuma à la tête de l’Etat.
Le traditionnel discours sur l’état de la nation sera d’ailleurs prononcé par Cyril Ramaphosa à une date qui n’a pas été précisée, a ajouté le secrétaire général de l’ANC.
Jacob Zuma, 75 ans, est affaibli par une série d’affaires de corruption depuis son accession au pouvoir en 2009, tandis que les difficultés économiques s’amoncellent.
Il a déjà perdu la présidence de l’ANC en décembre au profit de Cyril Ramaphosa et, depuis lors, les appels à sa démission se sont faits plus pressants.
L’un des plus hauts responsables du parti, l’ancien secrétaire général Gwede Mantashe, a déclaré lors d’un meeting dans la province du Cap que l’ANC avait sommé Jacob Zuma de choisir entre accepter de démissionner ou faire face à une motion de censure, rapporte l’Independent sur son site internet.
Le Parlement doit déjà débattre le 22 février d’une motion de censure déposée par le groupe d’opposition Economic Freedom Fighters. L’ANC pourrait y joindre ses voix s’il perd patience, mais ce serait embarrassant pour le parti au pouvoir et accentuerait ses divisions internes, souligne John Ashbourne, économiste du cabinet Capital Economics.
Jacob Zuma, dont le mandat officiel court jusqu’à la mi-2019, n’a pour l’instant jamais dit en public s’il envisagerait de démissionner volontairement.
LE PRÉCÉDENT MBEKI
En 2008, peu après avoir pris la tête de l’ANC, Jacob Zuma avait lui-même organisé la destitution de Thabo Mbeki de la présidence.
Thabo Mbeki avait aussi été révoqué par l’ANC, après neuf années au pouvoir sous le sceau de la prospérité économique mais entachées par des accusations d’abus de pouvoir.
Les affaires ont émaillé la présidence de Jacob Zuma.
Certains membres de l’ANC et de l’opposition accusent la famille Gupta, trois frères d’origine indienne amis du président, d’avoir profité de ses relations avec lui pour remporter des contrats publics et influencer les nominations au sein du gouvernement.
La banque indienne Bank of Baroda, qui compte les Gupta parmi ses clients, a fait connaître lundi son intention de quitter l’Afrique du Sud.
Depuis qu’il a accédé à la tête de l’ANC en battant l’ex-épouse de Jacob Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma, Cyril Ramaphosa a mis l’accent sur la lutte contre la corruption et la relance de l’économie.
L’ancien syndicaliste de 65 ans a dit qu’il ne voulait pas humilier Jacob Zuma, ce qui ne l’empêche pas d’oeuvrer depuis un certain temps en coulisses pour son départ anticipé.
(Avec Mfuneko Toyana à Johannesburg, Danielle Rouquié et Guy Kerivel pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)