Arménie - Le chef de l'opposition au pouvoir après une révolution pacifique
EREVAN (Reuters) – Le chef de l’opposition arménienne Nikol Pachinian a été élu mardi par le Parlement au poste de Premier ministre, à l’issue d’une révolution pacifique marquée par des manifestations de masse contre la corruption, le népotisme et les difficultés économiques.
La Russie, qui a conservé une base militaire dans cette ex-république soviétique située stratégiquement entre l’Iran, la Turquie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, pouvait craindre un scénario à l’ukrainienne, profondément anti-russe, mais Nikol Pachinian a affirmé qu’il n’avait aucune intention de rompre avec le Kremlin.
Ancien journaliste âgé de 42 ans, Nikol Pachinian a dirigé le mouvement de protestation qui a forcé le mois dernier l’ancien président Serge Sarkissian à renoncer à son nouveau poste de Premier ministre et a fini par convaincre le Parti républicain au pouvoir, majoritaire au Parlement, de soutenir, à la deuxième tentative, son élection à la tête du gouvernement.
Lors du scrutin de mardi au Parlement, 59 députés, dont plusieurs membres du Parti républicain, ont appuyé la candidature de Pachinian, qui était le seul candidat. Quarante-deux élus se sont prononcés contre le chef de l’opposition.
Des dizaines de milliers de partisans de Pachinian se sont rassemblés sur la place de la République, dans le centre d’Erevan, la capitale, pour suivre en direct le vote sur des écrans géants. Au cri de « Nikol ! », ils ont laissé éclater leur joie à l’annonce du résultat, lâchant des colombes blanches dans le ciel en signe de paix.
« PAS DE RUPTURE AVEC MOSCOU »
Le mouvement de protestation a gagné en puissance le mois dernier quand Serge Sarkissian, empêché par la Constitution de briguer un nouveau mandat présidentiel, est devenu Premier ministre.
Entre-temps, il avait considérablement réduit le rôle du chef de l’Etat, devenu principalement protocolaire, au profit de celui du Premier ministre.
Pour une grande partie de la population, Serge Sarkissian, qui était resté à la tête de l’Etat pendant dix ans, cherchait tout simplement à garder le pouvoir.
Dans un discours au Parlement avant le vote des députés, Nikol Pachinian a appelé tous les Arméniens à se rassembler derrière le nouveau gouvernement. « Il faut tourner la page de la haine », a-t-il lancé, ajoutant: « Que Dieu nous vienne en aide ».
Le Kremlin, qui est resté neutre dans la crise politique de ces dernières semaines, a félicité Pachinian pour son élection et le président russe Vladimir Poutine a dit son espoir de voir se renforcer encore les liens entre les deux pays.
Nikol Pachinian, dont les partisans ont évité lors des manifestations de lancer des slogans anti-russes ou pro-occidentaux, a assuré mardi que l’Arménie resterait membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) qui rassemble, sous l’égide de la Russie, six Etats de l’ancienne Union soviétique.
Vahram Baghdassarian, chef du Parti républicain au Parlement, a déclaré avant le vote de mardi que sa formation soutenait la candidature de Pachinian afin de préserver l’unité du pays mais il n’a pas caché son scepticisme sur la capacité du chef de l’opposition à diriger le pays.
« J’ai toujours des doutes », a-t-il dit. « J’espère que je me trompe… »
par Margarita Antidze et Hasmik Mkrtchyan
(Avec Polina Ivanova à Moscou; Danielle Rouquié et Guy Kerivel pour le service français)