Audition de l'ex-chef du FBI potentiellement gênante pour Trump
WASHINGTON (Reuters) – L’ancien directeur du FBI James Comey devrait confirmer jeudi lors de son audition devant la commission du Renseignement du Sénat américain que Donald Trump lui a demandé de mettre fin à une enquête sur les liens entre son ex-conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, et la Russie.
L’ancien patron de la police fédérale américaine, brutalement limogé le 9 mai sur ordre présidentiel, devrait en revanche affirmer que Trump ne fait pas l’objet d’investigations le concernant personnellement. L’audition publique doit débuter à 10h00 (14h00 GMT) et être suivie par une session à huis clos.
Cette audition, attendue comme l’une des plus importantes organisées par le Congrès depuis des années, pourrait avoir des conséquences pour la présidence Trump, empoisonnée depuis l’investiture de l’homme d’affaires le 20 janvier par des soupçons de collusion entre des membres de son entourage et des responsables russes.
Le département de la Justice a désigné le 17 mai un procureur spécial, Robert Mueller, chargé de conduire l’enquête sur l’ingérence de responsables russes dans la campagne présidentielle américaine afin de favoriser la candidature de Donald Trump, considéré par le Kremlin comme plus favorable aux intérêts russes.
Dans une déposition écrite publiée mercredi soir par la commission sénatoriale du Renseignement, James Comey explique que Donald Trump lui a demandé de « dissiper le nuage » provoqué par l’enquête sur l’ingérence russe qu’il considérait comme une entrave à l’exercice de son mandat de chef de l’Etat.
James Comey ajoute que, lors d’un tête à tête le 14 février dans le bureau Ovale de la Maison blanche, Donald Trump lui a demandé d’abandonner l’enquête sur Michael Flynn qui avait omis de faire part de ses relations avec l’ambassadeur de Russie à Washington. Flynn avait été contraint de démissionner mi-février.
QUESTION DE LOYAUTÉ
James Comey ajoute que lors d’un dîner en tête à tête, le 27 janvier, Donald Trump lui a demandé de lui garantir sa « loyauté », requête à laquelle l’ancien directeur du FBI a répondu en promettant une « honnêteté loyale ».
La relation entre ces deux personnalités antagonistes a pris fin le 9 mai lorsque le président américain a brusquement annoncé qu’il limogeait le patron de l’agence fédérale qu’il qualifiait de « fanfaron » et de « poseur ».
Les élus démocrates, mais également certains républicains, devraient saisir l’occasion de cette audition pour obtenir des précisions sur les tentatives de Donald Trump d’intervenir dans l’enquête sur la Russie.
« Je suis très troublé par le fait que la loyauté était la condition exigée de Comey pour qu’il conserve son poste, ce qui pour reprendre les termes de Comey revient à une ‘relation de favoritisme’. C’est un autre moyen pour le président d’entraver l’enquête », a commenté le sénateur démocrate Ron Wyden.
« Je veux en savoir plus sur les entretiens du président avec M. Comey concernant l’enquête contre Michael Flynn. Les mots exacts, le ton du président, le contexte de la conversation peuvent faire une grande différence », a expliqué la sénatrice républicaine Susan Collins.
Pour Marc Kasowitz, avocat de Donald Trump, ce dernier se sent « totalement blanchi » par la déposition de James Comey qui reconnaît avoir affirmé à trois reprises au président américain qu’il ne faisait pas personnellement l’objet d’une enquête de la police fédérale.
QUESTION DE PERSONNALITÉ
Lors de cette audition, la personnalité de James Comey pourrait jouer un rôle déterminant. D’un tempérament prudent, connu pour noter par écrit le contenu de ses entretiens officiels, l’ancien directeur du FBI a la réputation de s’en tenir aux faits alors que Donald Trump a démontré qu’il était d’un caractère impulsif et colérique.
« Une des choses que vous n’entendrez jamais au sujet de Comey est que les gens pensent qu’il ne dit pas la vérité. Il apporte une grande crédibilité », a expliqué l’un de ses proches, Benjamin Wittes, membre de la Brookings Institution, un centre de réflexion politique réputé à Washington.
Les relations entre Trump et Comey ont toujours été compliquées. Lors de la campagne, le candidat républicain avait vilipendé le policier après la décision de ne pas engager de poursuites contre la candidate démocrate Hillary Clinton pour avoir utilisé sa messagerie électronique privée et non la messagerie sécurisée du département d’Etat lorsqu’elle dirigeait la diplomatie américaine.
A son arrivée à la Maison blanche, Trump avait maintenu James Comey à son poste et lui avait même donné l’accolade lors d’une réception à la Maison blanche en janvier. Pourtant, deux jours après l’avoir renvoyé, le milliardaire reconnaissait que c’était à cause de « cette histoire de Russie ».
Il est peu probable que James Comey offre des détails inédits à la commission sénatoriale. L’ancien patron du FBI a discuté de son témoignage avec l’équipe du procureur spécial Robert Mueller afin qu’il ne gêne pas l’enquête en cours.
« Vous savez qu’il y a une chose qu’il ne fera pas, c’est de tirer des conclusions (sur la légalité des initiatives de Trump). Il n’évoquera pas l’enquête en cours », a dit Stephen Ryan, ancien procureur fédéral.
Ce que les observateurs ignorent en revanche c’est l’attitude que va observer Donald Trump qui pourrait une nouvelle fois se servir de son compte Twitter pour faire part de ses réactions à ses quelque 31,8 millions d’abonnés, peut-être même directement pendant l’audition de James Comey.
(par Warren Strobel et Patricia Zengerle. Pierre Sérisier pour le service français)