Carole Cadwalladr : journaliste tendance activiste
A l’heure où le journalisme est de plus en plus déconsidéré, du fait du manque d’indépendance des principaux organes de presse, Carole Cadwalladr fait figure d’exception. En 2018, elle obtient du jour au lendemain une notoriété sur la scène internationale en faisant tomber la société Cambridge Analytica à l’issue d’un véritable travail d’investigation.
Dans une grande enquête publiée dans le Guardian, elle accuse la société Cambridge Analytica d’avoir utilisé les données personnelles de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook dans le but de cibler des messages favorables au Brexit, au Royaume Uni, ou encore favorables à l’élection de Donald Trump en 2016. Cette série d’articles signera la mise en faillite et la disparition de Cambridge Analytica, dont les algorithmes et dirigeants sont aujourd’hui chez Emerdata ltd.
Cette enquête vaudra à Carole Cadwalladr le prix Orwell, prestigieux prix britannique de l’écriture politique, ainsi qu’une nomination en finale pour le fameux prix Pulitzer.
Si Carole Cadwalladr n’a jamais accordé d’importance aux prix, elle reconnaît cependant que ce prix Orwell lui a donné « une sorte de poids et de gravité qui m’ont fait défaut jusqu’à présent et c’est vraiment utile. Parce qu’il y a tellement de tentatives de miner ma crédibilité. (…) Cela aide simplement à les faire reculer » explique-t-elle, parlant de ses détracteurs, dans une interview publiée dans politicalquarterly.blog.
Entre féminité et rébellion
Carole est une grande et belle femme de cinquante et un ans, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, dont le style résulte en un harmonieux mélange de force, de féminité et de rébellion. On la voit souvent vêtue d’une veste en cuir noir sur un haut moulant.
Cadwalladr à ses fans pour qui elle est un modèle d’irrévérence, de courage, une infatigable chercheuse de vérité. Mais elle a aussi ses adversaires, nombreux, qui la voient comme une théoricienne du complot, prête à tout pour obtenir de qu’elle veut, une « femme chatte enragée » pour reprendre les termes misogynes du journaliste de la BBC Andrew Neil.
Carole Cadalladr est née en 1969 à Taunton, Sommerset. Elle étudie à Hertfort College à Oxford. Elle commence sa carrière de journaliste au Daily Telegraph avant d’intégrer le groupe The Guardian. Elle écrit pour The Observer depuis 2005, où elle s’attaque à tout, des déchets alimentaires aux effets des « drogues intelligentes » en passant par Marilyn Manson ou Adele.
C’est en 2016 qu’elle commence à consacrer son espace hebdomadaire à une série explorant comment les plateformes de médias sociaux, en particulier Facebook et Google, ont fait preuve d’une négligence frisant la malveillance concernant leur pouvoir accumulé et les responsabilités démocratiques qui en découlent.
Auteur d’un roman à succès
Elle publie dans The Observer une série d’articles faisant état de malversations des militants de Brexit, et du financement illicite de Vote Leave, lors du référendum sur l’adhésion à l’UE en 2016. Elle y dénonce encore des liens présumés entre Nigel Farage, la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016 et l’influence russe sur l’élection présidentielle de 2016. Ces allégations donneront lieu à une enquête aux États-Unis, même si le rapport Mueller relatif à cette enquête démentira finalement qu’il y ait des preuves de cette ingérence russe.
A côté de ses activités de journaliste d’investigation, Carole Caldwell est aussi écrivain. Son premier roman, « The Family Tree », est d’emblée un succès. Il est sélectionné pour le prix des écrivains du Commonwealth 2006, ainsi que de nombreux autres prix. Il est également diffusé en cinq épisodes sur BBC Radio. Aux États-Unis, il fait partie de la sélection du New York Times Book Review Editor’s Choice.
Une idée « têtue » de la justice
« Dans la conversation, elle est bavarde, agréable et gentille ; son personnage en ligne, cependant, est plus combatif. Sur Twitter, elle lance des boules de feu à ses détracteurs, qui comprennent des personnalités influentes de la politique, des affaires et de la Silicon Valley. » décrit Elisabeth Zerofsky, qui l’a interviewée pour le Columbia Journalism Review. Elle a une idée « têtue » de la justice, ce qui pour certains, la rend grincheuse quand d’autres sont frustrés parce qu’elle a raison… tout simplement!
Ironie du sort, Carole Caldwalldr, nouvelle icône du journalisme d’investigation, possède à la base une formation à l’écriture de reportage. C’est sur le terrain qu’elle est entrée dans le journalisme d’investigation où elle s’est fait indéniablement une place de choix.
Photos : thedrum.com et guim.co.uk