Fraude fiscale : ce que l’affaire des Panama Papers a changé
En avril 2016, l’affaire des Panama Papers a levé le voile sur l’opacité du monde de la finance offshore et des paradis fiscaux. Un scandale qui a ébranlé l’univers des grandes fortunes (dirigeants politiques, personnalités, hommes d’affaires…) éclaboussé par cette fuite de documents. Mais c’est aussi l’occasion de revenir sur les moyens de lutte contre la fraude fiscale.
En avril dernier, 110 médias étrangers et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) ont eu accès à environ 11 millions de documents d’archives provenant du cabinet d’avocats Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore. Ces documents révèlent que des responsables politiques, des hommes d’affaires, des figures de l’économie, du sport ou de la culture ont eu recours, se sont livrés, avec l’aide de certaines banques, à des montages de sociétés afin de dissimuler leur argent et bénéficier d’une fiscalité avantageuse en dehors de leur pays.
La France à l’épreuve des Panama Papers
En France, au lendemain de la publication du scandale, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête en collaboration avec le fisc, les douanes judiciaires et ses partenaires européens pour blanchiment et fraudes fiscales aggravées. Bien qu’encore à ses débuts, l’enquête a déjà donné lieu aux premières interpellations et de nombreux fraudeurs ont devancé le scandale en prenant contact avec la cellule des exilés fiscaux du ministère des finances.
Bercy a également sommé trois banques françaises (Société générale, Crédit agricole, BNP Paribas) de se justifier sur leurs activités offshore et leurs relations avec Mossack Fonseca. Parallèlement, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dite « gendarme des banques », a demandé aux établissements bancaires français des informations « complémentaires » concernant leurs activités dans les pays considérés comme des paradis fiscaux.
Le panama réinscrit sur les listes des paradis fiscaux
Au niveau politique, les réactions ne se sont pas fait attendre puisque la France a rapidement pris la décision de réinscrire le Panama sur sa liste noire des paradis fiscaux non coopératifs dont il ne faisait plus partie depuis le 1er janvier 2012. Nouvelle liste noire réactivée à l’issue de l’affaire des « Panama papers » : celle des paradis fiscaux opaques établie par les pays du G20 et supprimée en 2011.
A l’échelle européenne, le parlement a diligenté une enquête afin de déterminer les éventuelles failles de la Commission européenne et des Etats européens dans la lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Auparavant, le Parlement avait déjà lancé deux commissions d’enquête autour de la question des avantages offerts par certains États européens aux multinationales et avait notamment dénoncé l’illégalité des bénéfices fiscaux accordés par l’Irlande à l’entreprise Apple.
La chasse aux fraudeurs fiscaux
Certains pays se sont lancés dans une « chasse aux sorcières » afin de débusquer leurs contribuables impliqués dans les « Panama Papers » et coupables de fraude fiscale. C’est le cas du Canada où de nombreuses personnes font l’objet de vérifications spécifiques de la part l’Agence du revenu (ARC). Au Danemark, l’administration estime que la fraude fiscale a représenté un manque à gagner d’environ 1,65 milliard d’euros pour les finances publiques ces trois dernières années. Le gouvernement danois a alors pris la décision de débourser 900.000 dollars afin d’acheter les fichiers subtilisés au cabinet Mossack Fonseca et permettre ainsi l’identification des fraudeurs.
De son côté, la France a assuré qu’elle n’achèterait pas les données dans la mesure où la loi ne le lui permet pas. La Finlande a, quant à elle, engagé une procédure judiciaire pour contraindre les médias partenaires de l’enquête de lui transmettre leurs informations. Enfin, d’autres pays, tels que le Paraguay, le Venezuela et la Bolivie ont demandé directement aux autorités panaméennes de leur remettre les données saisies lors de leurs perquisitions chez Mossack Fonseca.
La réaction du Panama
Le gouvernement panaméen a dans un premier temps dénoncé violemment les annonces de réintégrations sur les listes noires et a menacé les pays concernés de représailles diplomatiques. Le Panama a d’ailleurs adopté un projet de loi visant à pénaliser les Etats critiques de sa fiscalité ou mettant en péril ses intérêts économiques.
Toutefois, menacé de sanctions internationales, le Panama s’est engagé à rallier le processus d’échange automatique d’informations fiscales dès 2018. En attendant, il mène conjointement au Venezuela une investigation pour débusquer les criminels des deux pays qui ont eu recours aux sociétés offshore pour du blanchiment d’argent.
Le gouvernement panaméen a annoncé récemment que les nouvelles dispositions mises en œuvre sur la transparence ont eu une incidence directe sur la création d’entreprises estimées à -20 % pour l’année 2016.
Sources des photos : Pulitzercenter.org / panamapapers.sueddeutsche.de/ rt.com