Des acteurs hollywoodiens aux personnages politiques et autres hommes d’affaires influents, la philanthropie s’exporte et semble toucher toujours plus de têtes célèbres. Simple publicité ou engagement réel ?
En 2014, l’acteur américain Léonardo di Caprio était nommé « messager de la paix pour l’ONU » en raison de son engagement écologique. À la tête de sa propre fondation depuis 1998, il combat le réchauffement climatique en accordant des subventions à des projets prometteurs et novateurs sur le secteur des énergies renouvelables mais également de la communication sur le sujet. Ce combat pour l’avenir de la planète, et donc de l’humanité, est beaucoup moins connu du public. Pourtant, il a un impact réel.
En effet, grâce aux 15 millions de dollars accordés à une trentaine d’organisations de protection de l’environnement sur chaque continent, il participe à l’un des efforts de protection les plus coûteux. Il est en effet estimé que depuis 2010, sa fondation a permis à 70 projets de voir le jour dans le monde.
Beaucoup de célébrités qui se sont adonnées à la défense de certaines causes sont vivement critiquées. On leur reproche souvent de ne pas changer réellement les choses et de ne s’engager que pas intérêt. Est-ce vrai ?
Coup de pub’
Affirmer cela c’est oublier qu’il s’agit de leur image que les célébrités engagent. N’agir que pour un coup de publicité – dont elles n’ont plus vraiment besoin – reviendrait à y porter atteinte et donc à décrédibiliser le combat qu’elles mènent et à remettre en doute leur sincérité.
Beaucoup de critiques s’accordent à dire que les célébrités agissent par pur intérêt personnel, plutôt que de s’engager dans un combat sur le long terme. Une certaine hypocrisie leur est souvent reprochée, comme celle de mener un train de vie exubérant et de distribuer leur argent dans les pays pauvres pour se donner bonne conscience. Certaines d’entre elles avouent parfois être prises au piège de l’aide qu’elles peuvent accorder. En effet, alors qu’elles distribuent des millions de dollars pour des projets, on leur reprochera toujours de ne pas tout donner pour vivre dans le minimum de luxe possible. C’est également de cette manière que l’on a reproché à Angelina Jolie, qui a créé une fondation avec son mari Brad Pitt en 2006, d’adopter un enfant cambodgien, alors que l’argent réservé à cette adoption aurait pu servir à améliorer les conditions de vie des centaines d’orphelins. Les stars qui s’engagent et combattent pour un monde meilleur n’ont-elles finalement pas le droit d’être égoïstes?
Service mutuel rendu
L’actrice américaine Audrey Hepburn fut la première célébrité féminine à devenir ambassadrice de l’UNICEF en 1954. Aujourd’hui, on compte plus de 200 d’entre eux pour cette même organisation et plus de 2 000 stars engagés dans l’action humanitaire sur le seul territoire américain. En 2008, George Clooney s’est rendu clandestinement au Darfour avec son père pour réaliser un documentaire sur les conditions de vie dans le pays. Quand il rentra aux États-Unis, il fut invité à la tribune de l’ONU pour parler en tant que « messager de la paix ».
Si les têtes célèbres s’engagent auprès de causes, physiquement et financièrement, les différentes organisations dont ils portent le message les instrumentalisent également. Ces dernières bénéficient de leur pouvoir médiatique et d’une réputation favorable auprès d’un public qu’elles ne ciblent pas d’ordinaire. Voilà qui est peu négligeable dans un monde où l’on doit être vu pour exister.
La communication des organisations humanitaires et des organismes de développement s’est très largement transformée ces dernières années, devenant parmi les plus professionnelles qui soient. Toujours plus « marketées » et pensées en chœur avec des agences de communication, les actions humanitaires deviennent une garantie de confiance envers leurs adhérents. La règle du jeu devient simple : attirer la star la plus célèbre pour qu’elle morde à la cause. Le plaidoyer est ainsi plus aisé à réaliser et l’impact d’une campagne immédiat.
Un tremplin vers la politique ?
Conscientes de ces abus, les célébrités préfèrent donc parfois créer leurs propres structures. Bono, le chanteur du groupe U2, en est l’un des exemples les plus parlants. En créant son organisation ONE, il s’est fait le porte-parole des « populations les plus pauvres et les plus vulnérables ». Mais avec cette organisation, il a également aidé à mobiliser les voix pour que le Royaume-Uni préside le congrès du G8 en 2013. Plus que de simples bailleurs de fonds, certaines stars deviennent ainsi des acteurs politiques investis d’une autorité, même symbolique, pour se battre en faveur de leur cause.
Plus récemment, par exemple, on a vu Sean Pen s’exprimer aux côtés du président François Hollande à New-York pour mettre en valeur l’importance des enjeux de la conférence COP21 organisée à Paris début décembre afin de décider de l’avenir écologique de la planète.
Le revers de la médaille est simple et provoque la colère des professionnels du secteur du développement. Sous-prétexte que les pays les plus pauvres ou les causes les plus perdues ont trouvé des porte-paroles télégéniques, on ne les invite plus aux tribunes politiques et ils n’ont plus voix au chapitre. C’est ce que certains universitaires, comme le Canadien Ilan Kapoor, dénonce la situation en appelant ce phénomène « l’humanitarisme star » et les « ONGs spectacle ».
Ce dernier va plus loin et montre qu’avec ce type d’engagement de la part des célébrités vient la propagation d’une idéologie, qui sert l’agenda politique des institutions occidentales. Pour lui, il s’agit de servir à la mise en valeur d’une marque qui contribue au consumérisme et au corporatisme capitaliste, allant à l’encontre de ce que les stars prétendent défendre. La confusion des terrains d’Hollywood et de la politique est en réalité un moyen de dépolitiser les grands problèmes du monde contemporain et de les rendre consensuels, plutôt que de trouver des solutions politiques.
Sources des photos : thecatholiccatalogue.com / newint.org / kapuscinskilectures.eu