Doutes sur le choix de Chevènement pour la Fondation de l'islam
PARIS (Reuters) – La possible nomination de Jean-Pierre Chevènement à la tête de la Fondation de l’islam de France suscite le scepticisme dans la classe politique, certains responsables jugeant le profil de l’ex-ministre de l’Intérieur peu adapté à la mission.
François Hollande a lui-même laissé filtrer mardi le nom de l’ancien sénateur pour diriger cette institution, en sommeil depuis 2005, dont l’objectif est de lever des fonds pour le financement des lieux de culte musulmans.
La décision n’est pas encore tranchée mais, dès mercredi, l’opposition a fait part de ses doutes concernant la préférence de l’exécutif pour Jean-Pierre Chevènement, connu davantage pour avoir animé les débats à gauche pendant plusieurs décennies que pour son expertise en matière d’islam.
Le centriste François Bayrou l’a qualifié jeudi de personnalité « respectable » tout en estimant que le choix d’un non musulman poserait « une grande interrogation ».
« En instaurant cette organisation pour le financement des lieux de cultes, on reconnaît que (les musulmans) ont leur place légitime dans la société française. Et on leur enlève le droit, la légitimité de s’occuper de cette question si sensible pour eux et si sensible pour la communauté nationale », a déclaré le maire de Pau sur iTELE.
Sur RTL, Brice Hortefeux, lointain successeur de Jean-Pierre Chevènement place Beauvau (2009-2011), s’est lui aussi étonné du choix d’un homme « totalement étranger à la religion musulmane ».
« C’est comme si, pour la présidence de la conférence des évêques de France, on faisait appel à un bouddhiste », a ironisé ce proche de Nicolas Sarkozy.
LAÏCITÉ EXIGEANTE
Pour justifier ce choix, le gouvernement met en avant l’attachement de Jean-Pierre Chevènement à une laïcité exigeante et l’autorité morale dont jouirait l’ex-député, âgé de 77 ans, qui ne dispose plus d’aucun mandat électif et se tient depuis plusieurs années à l’écart des querelles politiques.
L’ancien socialiste a déjà ouvert le dossier de l’islam en France lorsqu’il était ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin à la fin des années 1990 et, à ce titre, chargé des cultes.
En 1997, il s’est prononcé pour la naissance d’une instance représentative afin de « poser les bases des relations normales qui doivent s’établir entre l’Etat et l’islam de France » mais, à l’époque, son initiative est restée sans lendemain.
« C’est un sujet auquel je réfléchis depuis très longtemps », a dit mercredi Jean-Pierre Chevènement, interrogé par Le Monde, précisant toutefois qu’il ne donnerait pas de réponse avant « la rentrée de septembre ».
Pour autant, l’option privilégiée par l’exécutif ne fait pas l’unanimité au sein même du gouvernement.
Mercredi, la ministre des Familles, Laurence Rossignol, a dressé du candidat idéal un portrait très différent de celui de Jean-Pierre Chevènement.
« Le bon profil, selon moi, c’est d’abord quelqu’un de culture musulmane, qui ait une connaissance de la subtilité humaine de l’islam, quelqu’un de laïc, et peut-être, le meilleur profil, ce serait une femme », a-t-elle jugé sur France Info.
(Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)