Diplomatie du masque : la Chine profite du Covid-19 pour placer ses pions
La Chine tente de tirer profit de la pandémie de Covid-19 en vantant la façon dont elle participe généreusement à équiper le monde entier de matériel destiné à lutter contre la propagation du virus. Une stratégie qui vise clairement à détenir le leadership en matière de géopolitique.
Même au cœur d’une des grandes pandémies de l’Histoire, il n’y a pas de répit quand il s’agit de défendre ses intérêts, bien au contraire. La Chine le prouve depuis plusieurs semaines à travers ce que l’on pourrait appeler une « diplomatie du masque ». L’empire du Milieu, premier touché par le Covid-19, s’est remis sur pied en quelques mois et en profite désormais pour apporter un soutien logistique partout autour du globe. Une aide largement diffusée sur les canaux de communication avec, en toile de fond, un but bien précis : accentuer sa domination dans le jeu des relations internationales.
Les masques constituent donc l’un des plus gros enjeux car Pékin en exporte par millions vers les pays qui en manquent. Résultats de cette grande vague de générosité : un million de masques chinois envoyés en France, des kits de dépistage aux Philippines, 300 spécialistes médicaux en Italie, l’installation d’un laboratoire de dépistage en Irak ou encore vingt millions de dollars de dons à l’OMS. Giuseppe Conte, le premier Ministre italien n’hésite pas à renvoyer l’ascenseur à ses « bienfaiteurs » chinois en évoquant « les routes de la soie de la santé ». Le président serbe, Alexander Vucic, remercie quant à lui « la Chine qui nous sauve ».
La guerre contre les Etats-Unis
Ces déclarations venues d’Occident sont du pain béni pour la propagande chinoise. En relayant ces messages de sympathie, en montrant l’aide internationale qui provient de chez elle et en publiant d’étonnants chiffres de réussite en ce qui concerne le traitement de l’épidémie, Xi Jinping répond à deux enjeux majeurs.
Premièrement, le parti communiste chinois (PCC) se redonne du crédit en faisant oublier sa mauvaise gestion au début de la crise. Ensuite, aux yeux du monde entier, c’est une façon de décrédibiliser les démocraties occidentales qui comptent des morts par milliers. Et surtout d’affaiblir les Etats-Unis, son ennemi numéro un avec qui il est en guerre commerciale.
Face à Donald Trump, le président américain qui hurle au « virus chinois », Pékin relaie abondamment des articles accusant les militaires américains d’avoir introduit le Covid-19 au sein de son territoire. Le tweet de l’ambassade chinoise en France daté du 28 mars est également sans équivoque : « lorsque l’épidémie a commencé à faire rage partout, c’est à la Chine que le monde entier a demandé de l’aide et non pas aux États-Unis, « phare de la démocratie ». C’est la Chine qui a tendu une main secourable à plus de 80 pays. Ce ne sont pas les États-Unis. »
Paris a vite réagi et l’a rappelé à l’ordre en répondant que « la solidarité, ça ne s’instrumentalise pas ». Peu importe, les pions chinois sont déjà avancés sur l’échiquier mondial et peu importe les conséquences de leur stratégie.
Vanter le système autoritaire
Cependant les forts soupçons qui pèsent sur la véracité des chiffres officiels du nombre de morts liés au Covid-19, s’ils s’avéraient exacts, pourraient bien se retourner contre Xi Jiping. Mais la riposte des puissances occidentales se fait pour l’heure de manière discrète pour ne pas jeter de l’huile sur le feu dans un contexte où la priorité est de sauver des vies. La Chine, qui a bénéficié du soutien logistique de pays européens ou de l’Iran lorsque pour elle l’épidémie atteignait son pic, a tout de même pris le soin de remercier pour ces aides avant de vanter sa générosité.
Pourtant elle n’est pas la seule à avoir su gérer la crise, Taïwan et la Corée du Sud semblent avoir pris également les bonnes décisions mais sans en faire une campagne de propagande. Mais la république populaire de Chine met tout en œuvre pour montrer que c’est elle qui détient la clé du redressement mondial. Cette victoire criée peut être un trop vite, devient ainsi une arme pour défendre son système autoritaire. Ce dernier aurait, d’après le PCC, prouvé son efficacité face à l’épidémie, en omettant bien sûr de rappeler qu’il a aussi fait taire les scientifiques lanceurs d’alerte avant la propagation du virus.
From Russia and China with love
Finalement, la tactique chinoise répond à une logique implacable et elle n’est pas la seule à le faire. Ainsi sur chaque carton que Moscou envoie aux Italiens pour les aider face à la crise, sont collées des étiquettes affichant « from Russia with love » .
Mais certains experts estiment déjà qu’ils crient victoire un peu trop tôt, et que l’histoire que Pékin veut réécrire en s’adjugeant le beau rôle, n’est pas finie.
Photos : letemps.ch / ladepeche.fr / rfi.fr