Connaissez-vous la ligne Magistrale Baïkal-Amour ? L’autre Transsibérien

Trois ans et demi de travaux pour 4287 kilomètres de ligne

C’est en 1932 qu’est décidée la construction de cette ligne hautement stratégique. En 1929, un bref conflit opposant la Chine à l’URSS avait mis en lumière la dépendance des Russes envers le Transsibérien, seul transport permettant d’effectuer la liaison entre Moscou et ses provinces de l’Est lointain. Située à proximité de la frontière chinoise, la ligne du Transsibérien se devait d’être doublée pour plus de sécurité. De plus, le trajet emprunté par la BAM traverse des régions qui recèlent de minerais tous plus précieux les uns que les autres.

En trois ans et demi, le chantier sera bouclé, prédit Staline qui, pour pallier[JS1]  à la main d’œuvre défaillante, recourt massivement aux prisonniers du goulag. 180.000 détenus y sont envoyés.

« Grand chantier pan-soviétique »

Il faudra donc attendre jusqu’en 1989 avant que la ligne ne soit inaugurée au terme d’un chantier pharaonique. Le permafrost instable, l’amplitude thermique déformant les rails, les onze fleuves et rivières traversées et les tunnels à percer auront constitué autant d’obstacles qu’une armée d’ouvriers ont dû affronter. Tombé dans l’oubli après la mort de Staline, le chantier aura repris de plus belle en 1974, sous l’impulsion de Brejnev. Déclarés d’intérêt national, les travaux mobilisent une partie de la jeunesse soviétique attirée par un salaire deux fois plus élevé que la moyenne.

Si l’exploitation des gisements constitue toujours un facteur de motivation, le projet de la BAM est alors vu comme un défi digne d’une URSS capable de triompher sur la nature. Des sommes considérables sont investies et des villes nouvelles sont érigées afin d’héberger les ouvriers qui, une fois la ligne achevée, préféreront toutefois rentrer dans leurs villes d’origine. Peu à peu, les régions desservies se vident de leur population et la ligne devient sous-utilisée.

Une renaissance économique

Sous-exploitée dans les années 1990, la BAM est dénoncée pour son manque de rentabilité. Il faudra attendre le mitan des années 2000 pour qu’elle connaisse un regain d’intérêt : le gouvernement d’alors entreprend de relancer les exploitations de charbon et de minerais qu’elle traverse. Décidant même, avec l’aide de capitaux privés, de doubler la ligne actuelle. Coût estimé de l’opération : 10 milliards d’euros afin de multiplier la capacité de fret.

Les sols de Sibérie recèlent de richesses insoupçonnées. À Nerioungri, l’un des plus importants sites miniers de la zone, on trouve « l’ensemble du Tableau périodique des Eléments » indique Igor Piskun, chef du Centre opérationnel des chemins de fer de la région. Du charbon au cuivre ou aux minerais de fer, les grands fleurons de l’industrie russe opèrent sur la zone et contribuent au redressement économique de la région. On pense notamment aux entreprises du groupe Ural Mining and Metallurgical Company (UMMC) fondé et présidé par Iskander Makhmudov, à la Siberian Coal Energy Company, fondée par Andreï Melnitchenko ou encore à Rusal, géant mondial de l’aluminium.

Une renaissance facilitée également par l’implication des grands acteurs du secteur ferroviaire russe en faveur de ce projet. RJD tout d’abord : la compagnie nationale des chemins de fer russe réinvestit en effet un tracé auparavant déserté. Loco Tech Service ensuite, filiale de Transmashholding (grand acteur de l’industrie ferroviaire russe fondé par Iskander Makhmudov et Andrey Bokarev) qui s’occupe de l’entretien des rames fabriquées par cette même entreprise.

87 ans après le début de sa construction, la ligne Baïkal-Amour semble enfin avoir trouvé son utilité !