Si l’on a entendu parler (malheureusement pas assez) de la Birmanie ces dernières années et de « l’Orchidée de fer », surnom donné à Aung San Suu Kyi en référence à la fleur portée dans ses cheveux comme un symbole de résistance face au régime politique en place, le monde découvre aujourd’hui la Plume d’Or de Than Htut Aung. La Birmanie ne cesse donc d’être populaire pour ses fortes personnalités, au plus grand déplaisir de la junte militaire !
La Plume d’Or, récompense remise par l’Association mondiale des journaux et éditeurs de médias d’information (Wan-Ifra), a pour but d’honorer les écrivains, éditeurs, patrons de presse, journalistes et autres métiers de la branche. Plus particulièrement ceux qui ont osé exprimer leurs opinions dans un climat politique souvent difficile ponctué de pressions, de menaces ou de peines de prison.
La Plume d’Or de la liberté 2013, une affaire birmane
Et cette année, la Plume d’Or de la Liberté 2013 a été attribuée au patron du groupe Birman Eleven Media, Than Htut Aung pour avoir su braver les restrictions gouvernementales à la liberté d’expression. Faut-il voir cette volonté d’opposition comme l’héritage birman transmis par la très célèbre Orchidée de Fer?
En tout cas, s’opposer par voie de presse au régime imposé par la junte militaire est une affaire birmane cette année!
De l’Orchidée de Fer à la Plume d’Or, en passant par la révolution de papier
Si braver les interdits devient apparemment une tradition nationale en Birmanie, cela s’explique par le règne d’un demi-siècle d’une junte militaire et l’instauration d’une dictature. Et après sa très attendue dissolution en mars 2011, notamment grâce au mouvement d’opposition menée par l’Orchidée de Fer, la junte a finalement transmis ses pouvoirs à un gouvernement d’anciens militaires qui a depuis multiplié de timides réformes.
La censure a été abolie dans la forme, les journalistes emprisonnés libérés et les quotidiens privés se sont multipliés dès le mois d’avril de cette même année. Commence alors ce que Reporters Sans Frontières appelle la « révolution de papier », frêle transition entre le Fer et l’Or… car le pays reste encore très mal placé dans le classement 2013 de la liberté de la presse (151ème sur 179).
La peur et la pression, vecteur de succès ?
Than Htut Aung qui reste sceptique face aux réformes du gouvernement, semble penser que la route vers la démocratie sera longue et semée d’embuches. Il confie vivre encore sous la pression et dans la peur. Ce sont pourtant ces nouvelles libertés assorties d’interdictions (à transgresser!) qui sont un vecteur de succès et mettent au défi les journalistes birmans.
Pour Erik Bjerager, président du Forum mondial des éditeurs, Than Htut Aung «en construisant ses journaux à partir de rien, a fait face à une forte pression du gouvernement », sa plume bravant toujours la censure.
La Plume d’Or birmane doit notamment cette répression à son encontre et sa prestigieuse récompense, à un fâcheux épisode sportif … Créé il y treize ans comme un journal sportif, Eleven Media Group a, en effet, fait paraître, à propos d’une rencontre de football en 2010, un article qui a été retiré pendant deux semaines pour avoir caché, dans un titre, l’annonce de la libération de résidence surveillée de l’opposante Aung San Suu Kyi !
Malgré sa lente accession à la démocratie et sa timide ouverture sur le monde, la Birmanie attire donc de plus en plus de touristes curieux et intrigués désormais peut être autant pour sa Plume que pour son Orchidée…