Vers un intense débat Berlin-Paris sur l'avenir de l'Europe Vers un intense débat Berlin-Paris sur l'avenir de l'Europe Vers un intense débat Berlin-Paris sur l'avenir de l'Europe
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Vers un intense débat Berlin-Paris sur l'avenir de l'Europe

Publié le 22 septembre 2017,
par Reuters.
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PARIS (Reuters) – La reconduction quasi certaine d’Angela Merkel au poste de chancelière après les élections législatives de dimanche ouvrira un intense débat sur l’avenir de l’Europe, qui testera le couple franco-allemand et les ambitions d’Emmanuel Macron.

Zone euro, Défense, politique étrangère, migrations, cas polonais, futures négociations sur le budget de l’UE ou Brexit, les défis sont nombreux. Sans compter les éventuelles crises.

Emmanuel Macron et Angela Merkel ont promis de chercher systématiquement un compromis, le président proclamant que « la symbiose entre la France et l’Allemagne est la condition nécessaire pour que l’Europe avance ».

Mais ils sont loin d’être d’accord sur tout et certains désaccords s’accentueront si Angela Merkel choisit de ne pas renouveler l’actuelle « grande coalition » avec les sociaux démocrates du SPD et de gouverner avec les libéraux du FDP.

Le président et la chancelière n’ont ni le même rythme – l’un est pressé, l’autre temporise – ni la même priorité – l’un veut avancer avec les Européens qui le souhaitent et l’autre préserver la cohésion de l’Union, ajoute Claire Demesmay, politologue à l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP).

Emmanuel Macron a organisé la présentation de ses propositions en fonction du calendrier allemand : ni trop tôt pour ne pas interférer avec le scrutin, ni trop tard pour qu’elles soient prises en compte dans les négociations de formation de la coalition, qui pourraient durer des mois.

« Ce sont eux qui décident, on ne va pas négocier l’accord de coalition mais il faut qu’ils sachent où est la France », explique un responsable français. Car une fois l’accord de coalition conclu, il sera très difficile d’y déroger.

 

PROPOSITIONS IMMINENTES

« La fenêtre de tir est là, il ne faut pas la rater », confirme à Reuters le directeur de l’Institut Jacques Delors, Sébastien Maillard.

Selon une source diplomatique, Emmanuel Macron dévoilera ses propositions mardi, une date que l’Elysée n’a pas confirmée.

Le président français a annoncé qu’il proposerait d’avancer sur une dizaine de sujets, dont un renforcement de l’Union économique et monétaire regardé avec perplexité en Allemagne.

Il veut créer un budget de la zone euro, doté un jour de centaines de milliards d’euros, associé à une capacité d’emprunt commune, piloté par un exécutif permanent et dont un Parlement contrôlerait l’usage. Une priorité que ne partage pas Berlin.

« Angela Merkel souhaite une zone euro qui reste telle qu’elle est, avec quelques ajustements, des budgets assainis et une économie qui a gagné en compétitivité avec des réformes structurelles », explique Claire Demesmay à Reuters.

Interrogée sur cette différence la semaine dernière, la chancelière a répondu : « Ce qui est important, c’est que les slogans – gouvernement économique, ministre des Finances européen, budget – soient remplis de sens ».

Angela Merkel soutient l’idée de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, de renforcer le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour en faire un Fonds monétaire européen. Un projet qui, pour les Français, ne peut remplacer un budget. Elle s’est aussi dite ouverte à un ministre des Finances européen.

 

QUELLE COALITION POUR RÉFORMER LA ZONE EURO ?

L’avenir de la réforme de la zone euro dépendra d’avec qui la chancelière, la CDU et la CSU, décideront de gouverner.

Trois possibilités sont évoquées.

Une nouvelle alliance avec le SPD serait la plus propice à un approfondissement de la zone euro. Mais elle suppose, outre un score plus important qu’attendu des sociaux démocrates, qu’ils acceptent de participer à nouveau au gouvernement, après avoir souffert de leur actuelle alliance avec Angela Merkel.

Dans l’hypothèse où elle permettrait une majorité, une coalition avec le FDP, allié historique de la CDU balayé en 2013, compliquerait le projet français, surtout si le score des Libéraux leur permettait d’obtenir le ministère des Finances.

Une coalition associant le FDP, les Verts, la CDU et la CSU donnerait à la chancelière une position d’équilibre. Mais FDP et Verts ne s’apprécient pas et s’opposent sur de nombreux sujets.

« Les Allemands seront assez coincés : personne ne souhaite l’échec d’Emmanuel Macron parce que la grande angoisse, c’est l’arrivée au pouvoir du Front national ou de Mélenchon », explique à Reuters Hans Stark, chercheur à l’Institut français des relations internationales et professeur à Paris-Sorbonne.

« Après, c’est les détails qui fâchent. Pour les Libéraux, c’est la solidarité financière », poursuit-il, en soulignant que le programme du FDP prévoit de bannir de la zone euro les pays qui ne respectent pas ses règles budgétaires.

Le leader des Libéraux, Christian Lindner, a été très clair : « Tout ce qui va dans la direction d’un transfert financier au niveau européen, que ce soit un budget de la zone euro ou une union bancaire, est une ligne rouge pour nous ».

« Si on trouvait Schäuble dur, on risque de trouver le FDP encore plus dur », résume Sébastien Maillard, selon qui les Libéraux pourraient entraver un autre projet d’Emmanuel Macron : le contrôle des investissements dans des secteurs stratégiques.

Avec une coalition CDU-FDP, « je pense que les réformes de Macron n’iraient probablement nulle part », estime quant à lui Christian Odendahl, représentant à Berlin du Centre for European Reform, dans un entretien diffusé jeudi par le think-tank britannique pro-européen.

 

ESPOIR SUR DÉFENSE ET MIGRATIONS

Si Emmanuel Macron a fait de la zone euro une priorité, d’autres dossiers devraient avancer plus facilement avec Berlin, en particulier les politiques de Défense et migratoires.

Les pressions russes et le doute sur l’engagement américain ont fait évoluer l’Allemagne. Angela Merkel défend l’objectif de porter son budget de Défense à 2% du produit intérieur brut et, première à répondre à l’appel à la solidarité après les attentats en France, elle a autorisé l’envoi de soldats au Mali.

« On assiste à une certaine convergence avec la France, avec bien sûr des différences énormes, des traditions très différentes », explique Claire Demesmay.

Le conseil des ministres franco-allemand de juillet a engagé une accélération de la coopération, dont le choix de construire un avion de combat commun est le symbole le plus spectaculaire.

« Pour la Défense, c’est le SPD qui pose problème », explique Hans Stark, car il est contre la hausse des dépenses à 2%, qui faciliterait la participation à des opérations extérieures.

Le FDP ne devrait pas bloquer la hausse des dépenses mais il s’était montré très réticent aux opérations extérieures lorsqu’il était au pouvoir entre 2009 et 2013, ajoute-t-il.

Après l’accueil de plus d’un million de migrants en Allemagne, qui explique en partie la force du parti d’extrême droite AfD, Paris a promis de répondre présent, en travaillant notamment à une réforme concertée des procédures d’asile.

« C’est une vraie préoccupation pour l’Allemagne qui a besoin d’alliés », souligne Claire Demesmay.

En cas de coalition avec le FDP, Hans Stark voit de fortes complications sur ce dossier, les Libéraux risquant selon lui de s’allier avec la CSU sur une position intransigeante.

 

JUNCKER FAISEUR DE COMPROMIS ?

L’attitude envers la Pologne, dans le viseur de la Commission européenne pour des atteintes à l’Etat de droit, est un autre défi, révélateur de priorités différentes.

« La première théorie, c’est ‘good cop-bad cop’, avec Angela Merkel plutôt en retrait qui veut poursuivre les discussions avec le gouvernement polonais et Emmanuel Macron qui est dans le clash », explique Claire Demesmay, qui discerne aussi à travers cette question deux visions de l’avenir de l’Europe.

« Emmanuel Macron veut avancer avec l’Allemagne, le noyau dur européen – et ceux qui ne veulent pas suivre : tant pis », dit-elle. « Ce qui préoccupe Berlin, c’est la cohésion de l’Union européenne. Il y a une grande inquiétude sur les forces centrifuges et l’idée de perdre des pays sur le bord du chemin. »

Une préoccupation qui rejoint celle du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a rejeté dans son grand discours annuel la semaine dernière les propositions françaises pour créer un budget et un Parlement de la zone euro.

« Nous n’avons pas besoin de structure parallèle », a-t-il dit, en plaidant pour « une ligne budgétaire forte de l’Eurozone dans le cadre de notre budget de l’Union ».

Pour Sébastien Maillard, le Luxembourgeois est la personne idéale pour faciliter des compromis entre Paris et Berlin.

« Il connaît par coeur le franco-allemand, il parle les deux langues, c’est dans son ADN d’être un faiseur de compromis franco-allemands », explique-t-il.

 

(par Jean-Baptiste Vey. édité par Yves Clarisse)