Denis Robert : un road-movie entre rage et tendresse Denis Robert : un road-movie entre rage et tendresse Denis Robert : un road-movie entre rage et tendresse
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Denis Robert : un road-movie entre rage et tendresse

Publié le 10 janvier 2014,
par VisionsMag.
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Dans son dernier ouvrage, « vue imprenable sur la folie du monde », Denis Robert nous offre un portrait sans concession du monde actuel. En plongeant dans une région dévastée par la mondialisation, la Lorraine, l’auteur s’interroge sur le pouvoir, l’argent, la vérité, l’utilité des combats. Entre fiction et reportage, l’ouvrage livre un témoignage tendre et désabusé sur une société où l’homme semble désormais complètement ignoré.

Tout en haut des hauts fourneaux de la vallée de la Fencsh, nichent aujourd’hui des cigognes. Comme un défi à l’absurdité des hommes, les oiseaux se font un nid douillet des anciens bâtiments incandescents de la métallurgie. On ne sait si l’image est véridique, Denis Robert l’évoque dans son dernier livre, comme une boutade, pour dire la calamité du travail écrasé. L’ouvrage est un témoignage, tout de rage et de tendresse, sur ce que l’auteur appelle la folie du monde. Une terre où l’argent serait devenu une idole toute puissante et les hommes de simples pions sur un échiquier incompréhensible.

Vieux à 45 ans

Tout commence par une victoire au goût de défaite. Février 2011, Denis Robert est blanchi de toutes les accusations qui pesaient sur lui suite à ses enquêtes sur la banque Clearstream. C’est plus d’une vingtaine de procès qui s’achèvent ainsi. Denis Robert a gagné. David a vaincu Goliath. Pourtant rien n’a changé. Comme si la vérité était devenue absolument vaine. Pour échapper à l’amertume d’un tel constat, Denis Robert refait son paquetage et part sur les routes de sa terre natale, la Moselle des haut-fourneaux. L’idée du reportage est empruntée à la sagesse orientale : en observant une goutte d’eau, on peut voir tout l’océan. En sillonnant les routes de Lorraine, Denis Robert regarde toute la folie du monde.

Le livre se présente sous la forme d’une fiction-reportage. On y suit le périple d’un homme avec son fils, à travers la vallée de la Fensch, ce pays des hommes aux « mains d’or » comme le chante Lavilliers. Tout au long de ce road-movie journalistique, le récit évoque une région dévastée. Une terre où les anciens laminoirs se dressent tels de grands cimetières, quand ils ne sont pas transformés en musée ou tout simplement démontés pour être exportés en Chine ou au Vietnam.

Un pays où l’on est vieux à 45 ans, condamné à une retraite en forme de petite mort. Une région, où même à huit euros le repas, les restaurants ne trouvent plus de clients. Du coup, la population se gave de malbouffe et l’obésité envahit les rues. Tous les signes d’un monde fou, d’un monde qui serait comme un grand navire sans capitaine, ne cessent de se dresser face au regard sans concession de l’auteur.

Comme dans les nouvelles de Raymond Carver

Mais le livre n’est pas qu’une simple enquête. Le style qui oscille entre reportage et roman permet à Denis Robert de nous offrir une galerie de portraits attachants. Amis, marchands de fleurs, élus, retraités, y compris même d’improbables mafieux, habitants de cette terre de folie. On voit alors tout le désarroi d’une humanité laissée à l’abandon. Mais aussi toute la beauté de ces cœurs qui, malgré tout, ne cessent de rêver et d’espérer. Au hasard de ces portraits, on pense parfois aux nouvelles de Raymond Carver, et ces infimes détails qui disent la folie et la splendeur des destinées humaines.

Au rythme des rencontres et des voyages, l’ouvrage est aussi l’occasion d’une réflexion sur l’avenir du monde, sur les combats d’un homme, sur la transmission d’un père à son fils, sur l’espoir à préserver en dépit de tout. Et l’on retrouve alors les multiples facettes de Denis Robert. Sa rage de combattre telle qu’elle s’exprime dans son travail de journaliste d’investigation. Son goût d’esthète et de gourmand, comme il apparaît dans son œuvre de romancier. Bien avant « Fifty shades of grey », Denis Robert est l’auteur d’un « best-seller érotique » : « le bonheur ». Mais aussi ses doutes d’homme tels qu’ils s’exposent dans son œuvre de peintre.

Denis Robert : un road-movie entre rage et tendresse
Dans son dernier ouvrage, « vue imprenable sur la folie du monde », Denis Robert nous offre un portrait sans concession du monde actuel.

La région la plus massacrée du monde

Au terme de ce périple dans une des régions les plus massacrées du monde, comme le dit Denis Robert, le constat est sans concession. Ce monde est devenu fou. Le pouvoir de l’argent semble en avoir pris définitivement le contrôle sans qu’il y ait plus rien à faire. Heureusement, la plume de l’auteur nous rappelle la beauté des destins ordinaires. Cette beauté du cœur des hommes, qui, on peut l’espérer, demeurera invincible.