Dette: A peine la France hors du radar, l'Italie en ligne de mire
LONDRES (Reuters) – Sans même attendre le résultat du second tour de l’élection présidentielle française, les investisseurs s’inquiètent des risques posés par l’Italie, promise à des élections générales au début de l’année prochaine au plus tard.
L’arrivée du candidat d’En Marche!, Emmanuel Macron, en tête du premier tour de l’élection présidentielle française a dissipé les craintes d’une sortie de la France de l’Union européenne et de la zone euro, prônée par sa rivale du second tour, Marine Le Pen, qu’il devrait battre largement selon tous les sondages d’intentions de vote.
Pour l’Italie, où la défiance vis-à-vis de l’euro est plus forte qu’en France, le soulagement qui a suivi la premier tour de la présidentielle française a déjà commencé à s’estomper: les obligations d’Etat italiennes ont figuré mardi parmi les pires performances au sein des dettes souveraines de la zone euro.
L’écart de rendement à 10 ans entre la dette souveraine italienne et celle de l’Allemagne dépasse mercredi les 190 points de base, deux jours après un plus bas de sept semaines à 180 points de base.
« Une élection en Italie est l’événement potentiellement le plus dangereux en Europe actuellement en raison de la situation politique fragile et changeante en Italie », a dit Lorenzo Codogno, professeur associé à la London School of Economics et chef économiste de Macro Advisors.
« Ce qui inquiète le plus les marchés financiers, c’est une sortie de l’Italie de l’union monétaire et le risque de l’arrivée au pouvoir d’un mouvement anti-système », a poursuivi Codogno, ex-économiste en chef du Trésor italien, en référence au Mouvement 5 Etoiles (M5S) qui veut organiser un référendum sur la participation de l’Italie à l’euro.
MAILLON FAIBLE
Alors que d’autres partis eurosceptiques ont le vent en poupe, des économistes et des analystes soulignent que l’Italie, caractérisée par une croissance faible, un système bancaire plombé par les créances douteuses et un niveau d’endettement élevé, a rapidement supplanté la France sur l’échelle des risques politiques à venir.
« Le risque est important en Italie, peut être même plus qu’en France parce que les sondages indiquent que les citoyens italiens sont moins favorables à l’euro que les français », a dit Geoffroy Lenoir, responsable des taux souverains chez Aviva Investors. « S’il y avait une élection aujourd’hui, le M5S pourrait l’emporter. »
Le Parti démocrate (PD), à la tête de la coalition gouvernementale mais fragilisé par la scission récente d’une partie de ses troupes, désignera son dirigeant dimanche et si l’ancien président du Conseil, Matteo Renzi, l’emporte, il pourrait plaider pour des élections anticipées.
« Mon interprétation de la situation en Italie, c’est que si vous mettez Renzi de côté, le pays n’est pas prêt à de grandes réformes et que, pour être honnête l’option facile de la sortie de l’euro est toujours d’actualité, donc je ne pense pas que le populisme soit mort en Italie », a dit David Hussey, gérant chez Manulife.
L’agence Fitch a abaissé vendredi la note souveraine de l’Italie à BBB contre BBB+ auparavant. S&P, qui accorde aussi une note BBB à Rome avec une perspective stable, doit la revoir le 5 mai et une dégradation pourrait accentuer la pression sur les coûts de financement du pays.
UNE DETTE SOUVERAINE « PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLE »
La dette souveraine italienne est « particulièrement vulnérable » aux risques politiques, à la faiblesse de l’économie et au niveau élevé d’endettement du pays, prévient Kim Liu, stratégiste taux chez ABN Amro.
ABN s’attend à ce que l’écart de rendement à 10 ans entre l’Italie et l’Allemagne atteigne 240 points de base d’ici la fin de l’année, soit 50 points de plus qu’aujourd’hui.
Signe de la défiance croissante des investisseurs, le coût d’assurance contre un risque de défaut de la République italienne, mesuré par les swaps sur les dérivés de crédit (CDS) est supérieur à celui de certains émetteurs souverains émergents comme la Russie ou l’Indonésie.
Russell Investments a récemment réduit son exposition au risque de crédit en Italie en raison du risque politique, a expliqué David Vickers, gérant au sein de la société de gestion.
« L’élargissement des spreads de crédit n’est tout simplement pas suffisant pour compenser les risques », a-t-il dit. « Et avec le début de ralentissement des achats de la BCE, j’ai du mal à voir un nom dans l’univers du crédit italien qui tire son épingle du jeu. »
L’amélioration des perspectives de la zone euro et la dissipation du risque politique français ont conforté les anticipations d’une politique monétaire moins accommodante de la Banque centrale européenne dont les achats d’actifs ont largement contribué à la réduction des primes par rapport à l’Allemagne.
La réduction des achats de titres de la BCE, à 60 milliards d’euros par mois contre 80 milliards auparavant, devrait se traduire par un creusement des écarts de rendements, estiment plusieurs spécialistes du marché.
« Sans la BCE, les obligations italiennes vont être délaissées », a dit Vickers.
(par Dhara Ranasinghe. avec Danilo Masoni à Milan, John Geddie à Londres, Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)