Les doutes de Trump sur le climat pèsent sur le Conseil de l'Arctique
FAIRBANKS, Alaska (Reuters) – Le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson s’apprête à accueillir ce jeudi en Alaska ses homologues des pays du conseil de l’Arctique dans une situation inconfortable, Donald Trump n’ayant toujours pas fait connaître sa décision sur le maintien ou non des Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat.
Le président américain avait initialement fait savoir qu’il se prononcerait avant le sommet des pays du G7, programmé les 26 et 27 mai en Sicile. Mais plusieurs réunions préparatoires qui avaient été annoncées par la Maison blanche ont été repoussées, et Sean Spicer, le porte-parole de la présidence, a déclaré mardi que la décision serait prise après le sommet du G7.
Or le réchauffement est une préoccupation centrale du Conseil de l’Arctique, forum intergouvernemental de coopération et de coordination sur les questions liées à l’environnement, à l’économie et au développement durable dans la région polaire qui regroupe les Etats-Unis, la Russie, le Canada et cinq autres pays (Norvège, Danemark, Islande, Suède et Finlande).
Car cette région du globe se réchauffe plus rapidement que partout ailleurs sur la planète, avec fonte du permafrost, ces sols dont la température se maintient en permanence sous les 0°C, et recul de la banquise, qui n’a jamais été aussi réduite à la fin de l’hiver que cette année, selon une étude récente de l’université allemande de Brême.
Le Canada et les pays scandinaves ont souligné l’importance de l’accord de Paris. Négocié fin 2015 lors de la COP-21, cet accord international visant à contenir l’élévation des températures moyennes « bien en dessous des 2°C » est entré en vigueur en novembre dernier, grâce notamment à sa ratification par l’administration Obama.
Mais contrairement à son prédécesseur démocrate, Trump a exprimé ses doutes sur la réalité des causes humaines du réchauffement, et a qualifié naguère le « concept de réchauffement » d’invention de la Chine « pour empêcher l’industrie américaine d’être compétitive ».
Difficile dans ces conditions de prédire ce que pourrait être la déclaration finale de la réunion du conseil de l’Arctique ce jeudi à Fairbanks.
Il est « d’une importance capitale que les Etats-Unis continuent à faire partie » de l’accord de Paris, a déclaré cette semaine à Reuters le ministre norvégien des Affaires étrangères, Borge Brende.
DES ÉTÉS SANS BANQUISE DÈS LES ANNÉES 2030 ?
Dans un rapport publié en novembre dernier, le Conseil de l’Arctique note que « la glace fond, le niveau de la mer monte, les zones côtières s’érodent, le permafrost dégèle et les zones où vivent les plantes et les animaux se déplacent ».
Le document identifie 19 « changements de régime » qui sont survenus ou pourraient survenir dans l’Arctique, d’un basculement vers des étés libres de glace à l’effondrement des stocks de poissons.
Une autre étude commandée par le Conseil de l’Arctique et publiée le 25 avril estime à plusieurs milliers de milliards les coûts potentiels du réchauffement d’ici la fin du siècle.
De l’Alaska à la Sibérie, le dégel du permafrost fragilise notamment les infrastructures (routes, bâtiments ou installations pétrolières dont les fondations deviennent moins résistantes). Sur le gisement gazier de Bovanenkovo, en Russie, il est responsable d’une augmentation du nombre de glissements de terrain; en Alaska, les champs pétrolifères de North Slopes ont été le théâtre d’inondations, phénomène rare, pendant trois semaines en 2015.
« L’Arctique se réchauffe plus vite que toute autre région de la planète et se change rapidement en un environnement plus chaud, plus humide et plus variable », écrivent les 90 chercheurs associés à cette étude. « L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines constitue la principale cause sous-jacente », écrivent-ils.
Les températures enregistrées sur la période 2011-2015 ont été les plus chaudes observées depuis les premiers relevés, au début du XXe siècle. Et la perspective d’étés sans banquise pourrait se concrétiser dès les années 2030.
Le réchauffement ouvre aussi de nouvelles voies maritimes, permet l’accès à des réserves d’hydrocarbures et facilite les campagnes de pêche, intensifiant la course aux ressources de l’Arctique lancée depuis des dizaines d’années et aiguisant les appétits des puissances concernées.
Mardi sur la place Rouge de Moscou, les forces arctiques ont tenu la vedette lors du défilé militaire annuel commémorant la victoire de 1945 contre le régime nazi. C’est la première fois que l’armée russe présentait des systèmes de défense anti-aérienne conçus pour supporter des températures polaires.
(par Timothy Gardner. avec Alister Doyle à Oslo; Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)