Gene Sharp, théoricien de la révolution pacifiste! Gene Sharp, théoricien de la révolution pacifiste! Gene Sharp, théoricien de la révolution pacifiste!
Biographie

Gene Sharp, théoricien de la révolution pacifiste!

Publié le 28 octobre 2013,
par VisionsMag.
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Il est dit que l’un des ouvrages de Gene Sharp aurait circulé parmi les révolutionnaires de la place Tahrir au Caire et les aurait ainsi directement inspirés. Au-delà de la formule journalistique, qui contribue à la légende, les travaux de ce docteur en philosophie de la théorie politique, penseur de la résistance civile non-violente, ont effectivement eu une influence majeure sur bon nombre d’insurrections des vingt dernières années : des « révolutions de couleur » en Europe de l’Est, à la Birmanie, en passant par l’ex Yougoslavie, les pays baltes et la Géorgie. Portrait.

Ce fils de pasteur itinérant, né en 1928, qui vit aujourd’hui presque reclus chez lui à Boston, est l’auteur de travaux lus aujourd’hui dans le monde entier et d’ouvrages traduits dans plus de quarante langues. Il trouve ses sources notamment auprès de personnages tels qu’Aristophane, Aristote, Machiavel, Karl Deutsch ou encore Liu-Ji, sage chinois du XIVème siècle. Mais c’est très probablement les pensées de Gandhi qui marquèrent le début de sa réflexion, alors que, étudiant en sociologie dans les années 1950, il purgea une peine de neuf mois de prison pour avoir refusé de s’engager dans la guerre de Corée.

L’Institution Albert Einstein

En 1983, Gene Sharp créa cet organisme de recherche, avec pour mission de faire progresser au niveau international l’étude et l’utilisation stratégique de l’action non violente lors des conflits. Il est rapidement devenu l’un des centres de la recherche mondiale en matière de résistance civile de masse (ou défense basée sur les civils).

Après la chute du communisme, beaucoup de chercheurs cessèrent cette recherche car l’hypothèse d’une défense de l’Europe par résistance des civils devenait, semble-t-il, sans objet. Or, l’Institution Albert Einstein conserva cet axe d’activité et bien lui en pris car les résistances de masse sont de plus en plus utilisées dans le monde et avec succès.

Un scénario digne d’une fiction

Robert Helvey, vétéran du Vietnam et attaché militaire à l’ambassade américaine de Rangoon, fut totalement converti à la pensée de Sharp et aux travaux de son institution, qu’il suivit avec assiduité. Il joua alors un rôle crucial : il prit sa retraite et alla enseigner la résistance pacifique à des guérilleros dans la jungle birmane. Il finit par convaincre Gene Sharp de le rejoindre, lequel entra clandestinement en Birmanie par bateau, en 1992. Jusqu’alors, ses publications avaient été très théoriques. On lui demanda d’en écrire une version plus courte. C’est ainsi que sortit en 1993 «De la dictature à la démocratie».

Quatre ans plus tard, des copies traduites de l’ouvrage circulèrent un peu partout dans les Balkans et furent notamment utilisées par le mouvement Otpor (résistance), à qui Robert Helvey donna justement des cours de révolution. L’activisme d’Otpor fut déterminant dans le départ de Slobodan Milosevic.

« De la dictature à la démocratie »

Ce livre de 137 pages, gratuitement téléchargeable sur le site de l’Institution Albert Einstein, est un véritable guide pratique de la lutte pacifiste contre les pouvoirs autoritaires voire de la révolution non-violente. Il propose plus de 150 types d’actions : «méthodes de protestation et de persuasion» (parmi lesquelles on notera les «prix satiriques», les «gestes grossiers», les «fausses funérailles» ou les «visites récurrentes à un fonctionnaire»), «méthodes de non-coopération» (on retiendra notamment la «grève du sexe») et méthodes d’intervention concrètes.

L’idée est de permettre aux populations oppressées par une dictature, victimes d’un coup d’État ou d’une agression violente, d’engager une lutte non-violente et surtout de vaincre. Elle s’adresse à des pays, notamment en Afrique où, trop souvent, la violence est la seule voie connue pour résister. Ils oublient que leur propre point fort réside dans la force d’une population déterminée et la force intrinsèque de l’action non-violente bien maîtrisée. La mise en œuvre de cette force ne s’improvise donc pas. Il ne s’agit pas, comme beaucoup le pensent, de descendre dans la rue par milliers, voire même par millions. Il ne s’agit pas seulement de résister. Il s’agit de réussir. Ce qui est bien autre chose : plus qu’une résistance, c’est une stratégie !

Ces travaux ont leurs détracteurs…

Le régime syrien et les adeptes des théories du complot en font partie. De même que l’Iran, où Sharp était en 2008 désigné à la population comme un agent de la CIA par la propagande du régime. L’ancien président du Venezuela, Hugo Chavez, l’accusait pour sa part d’encourager un coup d’Etat dans son pays. Sharp lui avait alors conseillé la lecture d’un autre de ses livres, «L’anti-coup d’Etat».

Gene Sharp, théoricien de la révolution pacifiste!
Il est dit que l’un des ouvrages de Gene Sharp aurait circulé parmi les révolutionnaires de la place Tahrir au Caire. Pas étonnant car ce philospohe americain a inspiré plus d'un soulevement!

…et pourtant, deux exemples récents montrent leur pertinence

En Libye, les rebelles ont voulu renverser la dictature par les armes. Or, selon Sharp, il ne sert à rien de combattre une dictature avec ses propres armes, c’est-à-dire la force. Les combattants libyens ont été inspirés par les autres pays arabes. Mais à ce jeu, ils sont quasi certains de perdre. Et de fait, sans l’aide de la puissance de feu occidentale, ces derniers auraient été très probablement anéantis.
En Syrie, la force utilisée par les rebelles a amené la guerre civile dans un pays transformé en un immense champ de bataille. Cette force semble la seule option utilisée par l’opposition au régime, laquelle est désunie et désorganisée. Aucune issue ne semble se profiler pour le moment.

Les occasions de tester la pertinence de ces travaux ne manquent malheureusement pas. Les peuples biélorusses et cambodgiens par exemple seraient légitimes à s’en inspirer…