Grèce: Dette allégée moyennant de saines politiques
WASHINGTON (Reuters) – La zone euro réfléchit à un plan d’allègement de la dette de la Grèce qui l’incite à ne pas faire marche arrière sur les réformes et à s’en tenir à une politique budgétaire prudente, ont déclaré de hauts fonctionnaires de l’Union européenne (UE).
La Grèce doit en finir avec son troisième programme d’aide international le 20 août et revenir sur les marchés de capitaux après huit années passées à vivre de prêts à bon marché de la zone euro en échange d’une sévère politique d’austérité. Les investisseurs n’ont plus voulu prêter à la Grèce en 2010 en raison du gonflement de son déficit budgétaire et de sa dette.
Une fois sortie de la procédure d’aide internationale, la Grèce pourra mettre en oeuvre sa propre politique économique, ce que veut à tout prix un pays qui a dû imposer des réformes douloureuses à sa population, dictées par la zone euro et le Fonds monétaire international (FMI).
Mais bon nombre de responsables politiques redoutent qu’avec le temps, le gouvernement soit pressé de toutes parts de relâcher les cordons de la bourse et c’est pourquoi ils cherchent une solution de compromis alliant générosité et prudence.
« Il faut que le gouvernement grec s’en tienne aux réformes mises en oeuvre et à la trajectoire budgétaire post-programme, ce qui veut dire dégager régulièrement d’importants excédents primaires sur une période prolongée », a dit à Reuters Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne.
Une proposition d’allègement de la dette bien calibrée inciterait Athènes à ne pas s’écarter de la voie des réformes et à dégager des excédents primaires, c’est-à-dire tout solde budgétaire entendu avant imputation du service de la dette, de 3,5% du Produit intérieur brut (PIB) jusqu’en 2022 au moins.
« Nous pensons que c’est tout à fait faisable », a déclaré Dombrovskis.
Une autre façon de s’assurer que la Grèce respecte l’orthodoxie budgétaire serait de lui accorder une ligne de crédit de précaution par l’intermédiaire du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce type de crédit étant assorti de conditions.
Et c’est bien pour cette raison que la Grèce n’en veut pas et que les autres pays de la zone euro ne peuvent ni ne veulent lui imposer une nouvelle forme d’aide déguisée.
INJUSTE ET ILLÉGITIME
« Pour moi c’est hors de question; c’est quelque chose qui serait injuste, qui ne serait pas légitime », a dit à Reuters Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, en marge des assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale.
« Nous devons trouver un allègement de la dette qui soit convaincant », a-t-il ajouté, précisant qu’il pourrait se fonder sur une proposition française liant remboursement de la dette et croissance du PIB; en l’espèce, plus l’économie grecque croîtrait, plus les remboursements de la dette seraient élevés.
Des responsables jugent que la proposition de la zone euro devrait instaurer un premier allègement immédiat puis un allègement étalé dans le temps.
Dans la mesure où la Grèce n’aura pas utilisé tout l’argent dispensé par le dernier plan de renflouement, le reliquat pouvant atteindre les 27 milliards d’euros, la zone euro pourrait l’employer à substituer aux prêts du FMI ses propres crédits qui auraient l’avantage d’être bien moins coûteux pour la Grèce.
Alors qu’une réduction de la valeur faciale de la dette grecque ne semble pas à l’ordre du jour, Athènes pourrait en revanche se voir rétrocéder les bénéfices engrangés par les banques centrales de la zone euro sur leurs avoirs en dette grecque, tout en bénéficiant d’une prolongation des échéances et des délais de grâce des crédits octroyés par la zone euro.
Dans la perspective d’une proposition d’allègement de la dette, le gouvernement grec doit présenter la semaine prochaine à l’Eurogroupe, soit l’ensemble des ministres des Finances de la zone euro, son propre plan de stimulation de la croissance économique.
C’est un point crucial de l’initiative, soulignent de hauts fonctionnaires de la zone euro, car si la Grèce elle-même ne croit pas aux pistes suggérées, aucune incitation extérieure au suivi d’une politique économique saine ne pourra être efficace.
Le dernier obstacle à franchir pour pouvoir prétendre à un allègement de la dette est de mettre en oeuvre 88 « actions prioritaires », soit des réformes définitives convenues avec les créanciers, d’ici la fin mai, de façon à ce que l’Eurogroupe puisse faire le point et donner son quitus lors de sa réunion du 21 juin.
« Lorsque nous aurons conclu ce chapitre, cela signifiera la fin non seulement matérielle mais aussi symbolique de 10 années de crise », a observé Moscovici.
par Jan Strupczewski
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Eric Faye)