Un Breton de 30 ans qui a déjà navigué 80 000 kilomètres avec une poule s’apprête à se lancer dans des courses prestigieuses comme le Vendée Globe ou la Route du Rhum. Portrait d’un aventurier des temps modernes.
Les aventuriers hors-normes existent encore. Parmi eux, un Breton de 30 ans, Guirec Soudée. Son patronyme, révélateur de son attachement à sa région de naissance, ne l’empêche pas d’aimer vivre loin de sa Bretagne. Lorsqu’il la quitte, c’est pour suivre les courants et naviguer sur les mers en compagnie de sa poule. L’histoire de Guirec Soudée est en effet étroitement liée à Monique, probablement la première volaille à parcourir autant de kilomètres sur un voilier : 80.000, au total à travers les mers du Nord et du Sud !
Avant de se lancer de tels défis, le jeune homme originaire de l’île d’Yvinec, située dans les Côtes d’Armor, s’est envolé pour l’Australie dès ses 18 ans. Il dort d’abord sur un banc à Sydney, jusqu’à trouver un travail en s’embarquant sur un crevettier. Ensuite, il file à vélo sur les routes de la Côte Ouest, pour un périple de plus de 2 000 kilomètres. Au bout du monde, il apprend à vivre avec très peu de moyens et nourrit le fantasme de parcourir le monde avec un voilier : profitant de ses économies acquises en Australie, il s’achète à son retour en France un voilier, qu’il baptise Yvinec, du nom de son île natale.
Un hivernage au Groenland
Alors qu’il n’a jamais navigué à bord d’un voilier habitable, il file en direction du Groenland en 2014 avec pour but de passer l’hiver enfermé dans les glaces, en totale autonomie. Lors d’une étape sur les îles Canaries, des amis lui offrent une poule. C’est cette poule rousse, Monique, qui va attirer l’attention du grand public. Résistante, généreuse – elle pond des œufs pour son maître en pleine mer –, attachante et sociable, Monique devient l’objet de curiosité des suiveurs à distance et des gens que rencontre Guirec Soudée lors de ses escales.
Après le Groenland, Monique et Guirec longent le pôle Nord d’Est en Ouest, en traversant les mers du nord canadien. Ce périlleux endroit, appelé « Passage du Nord-Ouest » emprunte le détroit de Davis, la baie de Baffin et la mer de Beaufort dans des mers glacées. Guirec devient alors le premier marin à traverser ce passage en solitaire – si l’on considère que Monique ne participe pas aux manœuvres !
Arrivés au nord de l’océan Pacifique, les deux compères filent alors vers le Cap Horn, à l’autre bout du continent américain. Ils longent les côtes canadiennes et américaines avant de prendre un peu le large pour repiquer au sud du Chili et débarquer sur l’île de la Déception, située en Antarctique. Soumis à des avaries sur son bateau, il doit réparer rapidement avant l’arrivée de la saison des tempêtes. Guirec réalise alors trois transatlantiques pour rentrer en passant par l’Afrique du Sud, l’île de Sainte-Hélène, le Brésil, la Guyane, les Caraïbes et les Açores. Le 15 décembre 2018, il arrive en Bretagne, attendu sur le quai par des centaines de curieux.
Une transat à la rame
Il faut dire qu’au cours de ses quatre années de périple, Guirec fait parler de lui. Ses aventures sont suivies aujourd’hui par 200 000 personnes sur les réseaux sociaux et il en tire même trois ouvrages en livre ou en bande dessinée ainsi qu’un documentaire. Il raconte ainsi de manière brute et sans analyse scientifique le dérèglement climatique, la solitude de la mer et la beauté des expériences.
Après toutes ses péripéties, le marin et sa poule s’offrent une petite pause en Bretagne mais Guirec Soudé repart finalement en 2021, seul, à la rame, pour une transat en direction des Caraïbes. Il y parvient en 197 jours, non sans frôler la mort lorsque son embarcation se retourne. Peu de temps après son retour, il devient papa d’une petite fille. Ce nouveau voyage plus personnel ne l’empêchera pas de poursuivre ses objectifs de devenir un marin reconnu en participant à de prestigieuses courses : la route du Rhum en 2022 et le Vendée-Globe 2024-2025. S’il a déjà racheté le bateau de Benjamin Dutreux – 9e du dernier Vendée Globe –, Guirec Soudée sait aussi qu’il ne pourra pas emporter Monique avec lui. Le règlement, intransigeant, stipule qu’un skipper ne peut embarquer aucun animal sur le bateau.
Photos : radiofrance.fr – ouest-france.fr