Imaginez 1,3 million de mètres carrés de déchets à ciel ouvert atteignant 75 m de hauteur par endroit. Ce désastre écologique existe bel et bien à Rio de Janeiro dans le quartier de Jardim Gramacho, tristement réputé pour accueillir la plus grande décharge d’Amérique du Sud !
En activité depuis 34 ans la « poubelle de Rio » a accumulé des milliers de tonnes de déchets en tout genre parmi lesquels on trouve des matières toxiques. À la suite du sommet de Rio sur le développement durable en mai 2012, le gouvernement a pris des mesures en vue d’accélérer la fermeture de la « décharge de la honte ». Seulement voilà, cette nouvelle fut à l’origine d’un véritable drame social pour des milliers de personnes qui vivaient de l’activité engendrée par la décharge.
La décharge faisait vivre des dizaines de milliers de Brésiliens!
Résultat d’une expansion urbaine mal encadrée doublée d’une profonde négligence environnementale, la décharge Gramacho s’est débarrassée de ses recycleurs et ramasseurs d’ordures en même temps que ses déchets. Les Catadores, comme on les appelle, furent les premières victimes de la fermeture et tentent aujourd’hui de revendiquer leur cause. Les retombées sociales ont également durement affecté les favelas qui s’étaient développées en marge de la décharge rassemblant près de 40 000 personnes, hommes, femmes et enfants confondus.
Afin d’éviter l’explosion sociale, les derniers Catadores ont reçu une indemnité de la part de la mairie de Rio. L’argent versé provient directement des bénéfices de la vente de gaz produit à partir des résidus en décomposition de la décharge. Exactement 1603 Catadores ont reçu chacun l’équivalent de 5,500 euros ; une certaine somme quand on situe le salaire moyen au Brésil aux alentours de 430 euros mensuels. Cette indemnité de départ est néanmoins très insuffisante face à la surexposition quotidienne au danger et au facteur risque omniprésent.
Des hommes et des femmes dans un enfer postmoderne
Le métier de Catador oblige les travailleurs à manipuler toutes sortes de déchets y compris les plus toxiques et radioactifs. En l’absence de protections cette exposition a des effets graves sur la santé puisqu’elle endommage les organes vitaux jusqu’à entraîner la mort. Mais c’est l’absence totale de sécurité lors des déplacements des tracteurs à chenilles qui coûta l’infirmité et la vie de plusieurs d’entre eux. Le nombre de tués sur les montagnes de détritus demeure inconnu à ce jour puisque personne ne sait exactement combien furent employés à la décharge.
Face à cette injustice sociale les Catadores décidèrent de s’organiser il y a une quinzaine d’années. En 1998 naissait une petite coopérative revendiquant la légitimation du statut de Catador et la mise aux normes du travail. Deux ans plus tard des milliers de manifestants se réunissaient dans les rues de Rio. L’accès à la formation, l’éducation et la santé furent également plaidés par les Catadores, en vain.
Leur véritable malheur est pourtant celui de quitter la décharge!
C’est avec fierté que les Catadores définissent leur travail qu’ils considèrent autant nécessaire à leur survie qu’à celui de la communauté et de l’environnement. Dessaisis de leur gagne-pain c’est avec tristesse que les Catadores ont dû quitter la décharge de Gramacho. Les favelas construites autour de la décharge se sont dépeuplées de plus de la moitié de leurs habitants. Un grand nombre d’entre eux a quitté la région dans l’espoir de trouver un travail ailleurs. Néanmoins il réside toujours une petite force militante qui continue à défendre sur place la cause des Catadores exploités, jetés et oubliés!
Vik Muniz, l’artiste brésilien, a suivi les catadores, les a photographiés pendant près de 3 ans et a créé des œuvres issus des déchets de Jardim Gramacho. La réalisatrice Lucy Walker en a fait un documentaire saisissant « Waste Land ». A voir absolument!
Sources :
France 24 – « Brésil : Jardim Gramacho, la décharge de trop » http://www.france24.com/fr/20120619-objectif-espoir-bresil-rio-jardim-gramacho-decharge-sommet-developpement-durable-catadores-recyclage-ordures-collecte (28/06/2012)
L’Humanité – « Rio jette ses catadores avec l’eau de la décharge »
http://www.humanite.fr/environnement/rio-jette-ses-catadores-avec-l%E2%80%99eau-de-la-decharge-499809. (29/06/2012)
Le Monde – « Rio de Janeiro : Jardim Gramacho, la plus grande décharge d’Amérique du Sud »
http://www.lemonde.fr/planete/portfolio/2012/05/17/rio-de-janeiro-jardim-gramacho-la-plus-grande-decharge-d-amerique-du-sud_1702498_3244.html (17/05/2012)
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