Jérôme Valcke, l’énigmatique secrétaire général de la FIFA
Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA est l’un des français les plus puissants au monde. D’ici quelques mois, il devrait se présenter à la présidence de la fédération internationale. Un aboutissement après une carrière mouvementée.
Dire que Jérôme Valcke est un personnage atypique relève de l’euphémisme. Secrétaire général de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), il est l’un des français les plus puissants de la planète. Pourtant son nom reste largement inconnu du grand public. Mais c’est surtout par ses déclarations iconoclastes que l’homme se distingue. Là où d’autres jouent leur carrière – on a vu récemment le patron de Firefox éconduit suite à une déclaration tendancieuse– Jérôme Valcke lui traverse les tempêtes médiatiques sans chanceler.
« Le Brésil doit se botter les fesses »
Mars 2012, Jérôme Valcke tente d’alerter les brésiliens organisateurs de la coupe du monde 2014, sur le retard enregistré dans la construction des stades. « Le Brésil doit se botter les fesses », écrit-il dans une chronique parue sur le site de la FIFA. Le gouvernement de Brasilia goûte si peu le conseil fleuri du français qu’il cesse aussitôt toutes relations avec la fédération internationale. Il faudra des excuses officielles de Jérôme Valcke, qui incriminera une mauvaise interprétation de ses propos due à la traduction; pour que les choses reviennent à la normale. Aujourd’hui Jérôme Valcke est reçu comme un chef d’Etat à chacune de ses visites d’inspection sur les chantiers du Mondial.
C’est aussi, selon lui, une mauvaise interprétation de ses propos qui sera responsable d’une vive polémique en 2011. C’est un mail du secrétaire général qui met le feu aux poudres. « Ils ont acheté la Coupe du monde », y est-il écrit à propos du Qatar qui vient de se voir attribuer l’organisation de la Coupe du monde 2022. Alors que de forts soupçons de corruption et de pots de vin entachent la procédure d’attribution de cette compétition, l’affirmation fait scandale. Jérôme Valcke s’en sortira indemne en invoquant le ton « léger et informel » du mail, qui n’avait pour objectif, selon lui, que de constater la puissance financière des qataris.
Avec Charlize Theron
Dernier exemple en date, avril 2013, en pleine conférence de presse, Jérôme Valcke stupéfait la presse mondiale en assurant que les dictatures sont préférables aux démocraties pour assurer l’organisation d’un évènement tel que la coupe du monde. Un tel écart de langage aurait dû le conduire à se retirer de la plus puissante ONG du monde. Jérôme Valcke ne tremble même pas. Il demeure le chef opérationnel de la FIFA, ainsi que son « Monsieur média ». C’est à ce titre d’ailleurs qu’il était apparu aux cotés de Charlize Theron pour procéder au tirage au sort de la Coupe du monde 2010.
Cette solidité à toutes épreuves ne manque de susciter de nombreuses interrogations. D’autant que la carrière de Jérôme Valcke est à l’image de son exposition médiatique. Elle est ponctuée de scandales qui auraient sonné la fin des ambitions de n’importe quel autre dirigeant. « Les employés de la FIFA qui ont mené des négociations avec Visa et Mastercard ont été accusées de malhonnêteté répétée. La FIFA ne peut accepter de telles conduites parmi ses propres employés », c’est par ce communiqué que la fédération internationale met fin en 2006 aux fonctions de Jérôme Valcke comme directeur du Marketing de la fédération. L’affaire concerne un contrat de sponsoring que Jérôme Valcke vient de signer avec Visa, au détriment de Mastercard partenaire de la fédération depuis plusieurs années. Les négociations sont rondement menées, sauf que Mastercard attaque la FIFA en justice. Un tribunal de New-York va débouter la fédération internationale en annulant le contrat nouvellement signé avec Visa. C’est un camouflet.
La FIFA n’a pas l’habitude d’être ainsi montrée du doigt et encore moins l’habitude de perdre. Pour beaucoup cette défaite signifie l’arrêt définitif des ambitions de Jérôme Valcke au sein de la fédération. Pour beaucoup, sauf pour lui semble-t-il. Quelques mois plus tard, Jérôme Valcke fait son retour au sein de la fédération comme secrétaire général. Loin d’avoir été écarté, il a été promû ! Entre temps, il se sera même permis une pige à 100 000 dollars en conseillant la fédération brésilienne pour sa candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2014.
La Ferrari de Cruyff
Ce n’est pas la première fois que Jérôme Valcke doit faire face à un communiqué incendiaire de la FIFA. En 2001, alors qu’il est directeur de Sport+, une filiale de Canal+ chargée de négocier les droits TV, Jérôme Valcke, tente avec Pierre Lescure de racheter ISL une société de marketing sportif proche de la FIFA. A l’époque ISL possède les droits pour les Coupes du monde 2002 et 2006. L’affaire tourne si mal que le président de la fédération internationale, Sepp Blatter, se fend d’un communiqué adressé à l’avocat de Canal +. « La FIFA ne cédera jamais sous la pression de quelque menace ou quelque chantage que ce soit » peut-on y lire. Voilà qui en dit long sur le climat des négociations. Deux ans plus tard, en juin 2013 Jérôme Valcke devient directeur du Marketing au sein de la FIFA.
Une telle capacité à rebondir impressionne même ses détracteurs. Ses partisans décrivent un négociateur hors pair ; ultra compétant, un séducteur qui s’est constitué un réseau impressionnant au cours de sa carrière. Jérôme Valcke a débuté en 1984 comme journaliste à Canal+. En 1991, il devient directeur adjoint du service des sports. En 1997, il est nommé directeur de Sport+, filiale nouvellement créée. En 2000, il travaille pour Jean-Claude Darmon, à l’époque le grand argentier du football français. Il ira même quelques mois en Espagne au sein de Mediapro, la société qui détient alors les droits du championnat espagnol. En remerciement de ses services, Mediapro lui offrira une Ferrari ayant appartenu à Johan Cruyff. A l’époque, le business des droits médiatiques connaît une croissance spectaculaire. A titre d’exemple, les droits télévisuels pour la coupe du monde 1998 s’élevaient à 135 millions de francs suisse (110,7 millions d’Euros), huit ans plus tard, pour la coupe du monde 2006, ils se montent à 1500 millions de francs suisses (1230 millions d’Euros). On comprend mieux pourquoi les compétences de Jérôme Valcke ont séduit la FIFA.
Futur président de la FIFA
De l’homme qui va bientôt avoir 54 ans, on connait peu de choses. Son goût pour les Ferrari, son amitié avec Ricardo Teixeira, personnage sulfureux, ancien président de la fédération brésilienne de football. Ses liens avec Sandro Rosell, ancien président du FC Barcelone, qu’il rejoint souvent dans sa villa le week-end. Derrière ce personnage passionné, existe un autre être plus contemplatif qui aime les ballades dans la nature, la lecture, la musique classique.
Aujourd’hui Jérôme Valcke se consacre entiérement à l’organisation de la Coupe du monde. Mais dès que le coup de sifflet final sera donné, c’est un autre match qu’il préparera. En 2015, la FIFA va procéder à l’élection de son président. Joseph Blatter ne devrait pas se représenter, la porte est donc ouverte pour un nouveau prétendant. Bien qu’il s’en défende, Jérôme Valcke travaille activement sur cette échéance. Il y a quelques jours, lors d’un séminaire en Afrique du Sud, il s’est engagé à mettre tout en œuvre pour qu’une équipe africaine atteigne prochainement la finale de la Coupe du monde. Un candidat en tournée électorale ne ferait pas mieux. Pour cette future élection, Jérôme Valcke devrait être opposé à deux compatriotes : Jérôme Champagne, ancien N°3 de la FIFA et Michel Platini, actuel président de l’UEFA. Face à l’ancien capitaine des « bleus », Jérôme Valcke ne part pas favori, mais avec cet homme rien ne semble impossible.
Sources photos :www.i.telegraph.co.uk / www.ouest-france.fr / www.courrierinternational.com