La Commission veut annuler des amendes contre Madrid et Lisbonne
par Jan Strupczewski
BRUXELLES (Reuters) – La Commission européenne a proposé mercredi d’annuler des amendes qui auraient pu être infligées à l’Espagne et au Portugal en raison de leurs déficits budgétaires jugés excessifs et a donné à Madrid deux années de plus, et à Lisbonne une année supplémentaire, pour revenir dans les normes communautaires.
Cette proposition atteste de la réticence de l’exécutif européen à imposer la discipline budgétaire alors qu’un sentiment anti-UE se développe et que la croissance économique reste molle. La proposition a l’appui de l’Allemagne, ont précisé des responsables.
La Commission avait pareillement été coulante l’an passé avec la France sur cette même question.
Pour l’Espagne et le Portugal, elle a appuyé sa décision sur une clause de circonstances exceptionnelles, après avoir été saisie par les deux pays qui réclamaient de sa part de la compréhension.
« Prenant en considération les efforts passés de l’Espagne et du Portugal, un environnement qui est actuellement difficile et les arguments exposés dans de récentes requêtes, le collège (des commissaires) a décidé aujourd’hui de proposer l’annulation des amendes à la fois pour l’Espagne et pour le Portugal », a déclaré Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, lors d’une conférence de presse.
Le droit communautaire stipule que les déficits budgétaires des Etats membres ne doivent pas dépasser 3% du produit intérieur brut (PIB), une disposition qui vise, entre autres choses, à préserver l’euro.
Les ministres des Finances de l’Union européenne avaient endossé la semaine dernière l’opinion de la Commission selon laquelle ni l’Espagne ni le Portugal n’avaient pris les mesures nécessaires pour remplir les objectifs budgétaires convenus avec l’ensemble de l’UE et qu’ainsi la prochaine étape devait prendre la forme d’une amende représentant 0,2% du PIB.
SCHÄUBLE FAIT PENCHER LA BALANCE
Si le déficit dépasse 3%, l’exécutif européen et les ministres de l’Union européenne fixent un délai pour normaliser la situation. Si l’Etat concerné ne fait rien pour améliorer les choses, il encourt une amende.
Le Portugal devait ramener son déficit à moins de 3% l’an dernier mais n’avait pu faire mieux que 4,4%. Pour l’Espagne, l’objectif avait été fixé pour cette année mais le déficit risque de rester au-dessus de 3% cette année et la suivante, selon les prévisions de la CE.
Mais la Commission était partagée entre magnanimes et rigoristes et c’est finalement Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances habituellement lui-même inflexible, qui a fait pencher la balance en faveur des premiers, ont dit des responsables européens.
Selon eux, le ministre allemand a appelé plusieurs commissaires de sa famille politique, le Parti populaire européen (droite), et leur a demandé d’aider le président du gouvernement espagnol par intérim Mariano Rajoy, lui-même de droite.
Le Portugal, dont le gouvernement est socialiste, a bénéficié de la même faveur car il aurait très compliqué de mettre à l’amende un pays et pas l’autre, ont ajouté les responsables européens.
Wolfgang Schäuble avait dit la semaine dernière que suspendre les fonds structurels de l’UE pourrait être plus efficace pour la discipline budgétaire qu’infliger des amendes.
De fait, la CE a dit qu’elle ouvrirait en septembre des discussions en vue de geler partiellement les fonds structurels auxquels l’Espagne et le Portugal peuvent prétendre en 2017. D’ici là, le Parlement européen, qui doit être consulté, sera revenu de sa pause estivale.
De son côté, le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem s’est dit déçu par la décision de la Commission.
« Il est décevant de constater que la conclusion, selon laquelle l’Espagne et le Portugal n’ont pas pris de mesures efficaces pour consolider leurs budgets, n’ait pas été suivies par des actes », a-t-il déclaré dans un communiqué.
« Il doit être clair qu’en dépit de tous les efforts déjà réalisés, l’Espagne et le Portugal sont toujours en danger. »
Il a ajouté qu’il attendrait que l’exécutif européen clarifie sa position et qu’il discuterait également avec d’autres pays de la zone euro.
(Avec Jan Strupczewski, Wilfrid Exbrayat et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)