La riposte s'organise après les décisions US sur l'acier et l'aluminium
WASHINGTON (Reuters) – Le Canada, le Mexique et l’Union européenne ont tour à tour annoncé jeudi des mesures de représailles après la décision de Washington d’instaurer des droits de douane sur l’importation d’acier et d’aluminium, alimentant les craintes de guerre commerciale.
Les Etats-Unis imposeront des droits de douane de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium importés aux Etats-Unis par l’Union européenne, le Canada et le Mexique à compter de 04h00 GMT ce vendredi.
La décision américaine met fin à deux mois d’exemptions accordées à ces trois partenaires de Washington par le président Donald Trump afin d’encourager des discussions plus générales sur les échanges commerciaux.
Pour le président français Emmanuel Macron, il s’agit d’une décision « illégale » et d’une « erreur ».
« Je déplore la décision américaine de confirmer des tarifs sur l’acier et l’aluminium », a dit le chef de l’Etat français à des journalistes à l’Elysée avant de s’entretenir dans la nuit avec son homologue américain auprès duquel il a réitéré ses critiques.
Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a regretté l’annonce de Washington qui va selon lui à l’encontre des règles internationales.
« Ce n’est pas un bon jour pour les relations transatlantiques », a-t-il dit. « Cette décision unilatérale est mauvaise et, à mon avis, bafoue la législation internationale. »
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a pour sa part déploré un « mauvais jour pour le commerce mondial ».
La Bourse de New York a accueilli fraîchement ces annonces, les investisseurs redoutant le déclenchement d’une guerre commerciale. L’indice Dow Jones y a chuté soit 1,02% tandis que le S&P-500 a cédé 0,69% alors que le Nasdaq Composite a limité son recul à 0,27%.
RIPOSTES
La Commission européenne a promis de répliquer en prenant « des contre-mesures dans les prochaines heures » et de saisir l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).
Le Canada imposera des droits de douane sur l’équivalent de 12,8 milliards de dollars américains (11 milliards d’euros) de marchandises importées des Etats-Unis, a annoncé jeudi la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland après la décision des Etats-Unis d’instaurer des droits de douane sur l’acier et l’aluminium en provenance de l’Union européenne, du Canada et du Mexique.
Ottawa entend aussi contester la taxation de l’acier et de l’aluminium dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a ajouté la ministre.
Le Mexique a lui aussi rétorqué en imposant des droits « équivalents », notamment sur les produits sidérurgiques et agricoles américains. Ces mesures resteront en vigueur tant que le gouvernement américain n’aura pas supprimé les droits de douane annoncés, a indiqué le ministère mexicain du Commerce.
Le ministère chiffre à quatre milliards de dollars les exportations mexicaines concernées par les droits de douane américains.
WASHINGTON AFFICHE SA SERENITE
Washington assure avoir anticipé ces mesures de représailles et leur ampleur et le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, s’est dit persuadé que l’économie américaine sera en mesure de les absorber.
« Nous sommes impatients de poursuivre les négociations, d’une part avec le Canada et le Mexique, d’autre part avec la Commission européenne, car il y a d’autres questions qui doivent être réglées », a encore déclaré Wilbur Ross, en visite à Paris, lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes.
Le président Donald Trump a imposé le 23 mars dernier des droits de douane de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur les importations d’aluminium aux Etats-Unis en invoquant la section 232 du Trade Expansion Act de 1962, qui permet de restreindre les importations de biens jugées préjudiciables à la sécurité nationale.
Outre l’UE, le Canada et le Mexique, des exemptions avaient été accordées au Brésil, à l’Australie et à l’Argentine.
Ces taxes, qui sont déjà contestées par certains pays devant l’OMC, sont censées permettre une remontée du taux d’utilisation des capacités de production dans l’acier et l’aluminium aux Etats-Unis à plus de 80%.
Les tensions commerciales ont pesé sur Wall Street à l’ouverture, mais les valeurs des producteurs d’acier et d’aluminium ont logiquement grimpé.
LES VOITURES DE LUXE ALLEMANDES DANS LE COLLIMATEUR
Autre sujet d’inquiétude pour les Européens, l’administration de Donald Trump menace également de taxer les importations d’automobiles aux Etats-Unis.
Selon le magazine allemand Wirtschaftswoche, le président américain a dit en avril à son homologue français Emmanuel Macron qu’il comptait interdire les voitures de luxe allemandes aux Etats-Unis.
Parallèlement, Washington est engagé dans des négociations avec la Chine pour tenter de réduire son déficit commercial avec Pékin qui atteint annuellement environ 375 milliards de dollars.
Wilbur Ross est attendu vendredi dans la capitale chinoise où il s’emploiera à conclure des accords pour exporter davantage de produits américains sur le marché chinois.
A Paris, le secrétaire américain au Commerce a rencontré jeudi le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, qui l’a mis en garde contre une taxation des importations européennes d’acier et d’aluminium.
« La responsabilité en incombe entièrement aux autorités américaines, à elles de décider si elles veulent oui ou non entrer dans un conflit commercial avec leur partenaire le plus proche », a déclaré Bruno Le Maire qui doit rencontrer ses homologues du G7 à Whistler, en Colombie Bitannique, vendredi et samedi.
La Commission européenne réclamait que l’UE soit exemptée de manière permanente, arguant que l’UE est une alliée des Etats-Unis et qu’elle n’est en rien responsable de l’engorgement des marchés de l’acier et de l’aluminium.
L’exécutif européen a fait savoir que l’UE imposerait des droits de douane sur 2,8 milliards d’euros (3,4 milliards de dollars) d’exportations américaines, dont le bourbon, le beurre de cacahuètes, les Harley Davidson et les jeans, si ses exportations de métaux vers les Etats-Unis, d’une valeur de 6,4 milliards d’euros, étaient finalement soumises à des droits de douane.
par Jason Lange et Ingrid Melander
(Eric Walsh avec Simon Carraud à Paris; Nicolas Delame et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Bertrand Boucey)