La Russie face à une crise majeure de dépopulation
En l’espace de six mois, la Russie vient de perdre l’équivalent de la population municipale de Reims. Face à cette dépopulation importante, le Kremlin tente de remettre en place une politique de natalité qui peine à porter ses fruits. Les risques d’une grave crise économique sont énormes et la perspective des vingt prochaines années est loin d’être enthousiasmante.
Entre août 2018 et avril 2019, la Russie vient de perdre 170.000 habitants. A ce rythme-là, le pays de Vladimir Poutine comptera 20 millions de personnes en moins en 2050 (sur une population totale de 143 millions en 2019). Ces chiffres alarmants sonnent l’urgence démographique au sein d’un pays immense qui sonne de plus en plus creux.
Historiquement, par rapport à l’étendue de son territoire (17 millions de km²), la densité de la Russie a toujours été faible (8,57 habitants par km² contre plus de 100 h/km² pour la France). Les zones rurales sont de plus en plus abandonnées au profit des aires urbaines mais la tendance générale est à une dépopulation grave et menaçante pour le système d’un pays qui est depuis longtemps confronté à ce problème.
Un trou démographique russe entre 1989 et 1993
Pour comprendre l’origine de la crise démographique russe, il faut faire un petit bond en arrière de presque 30 ans. Entre 1989 et 1993, aux abords de la chute du rideau de fer et de la fin de l’URSS, le nombre de naissances en Russie est divisé par deux. La moyenne de procréation des femmes russes se situe entre 25 et 34 ans, c’est donc cette génération née dans le début des années 1990 qui est aujourd’hui en âge d’avoir des enfants. Comme elle est bien moins nombreuse que les précédentes, il y a forcément beaucoup moins de naissances.
En parallèle de cette baisse de la natalité, la Russie enregistre une hausse de la mortalité. Le nombre élevé d’accidentés de la route, le taux important de décès en prison (le plus élevé en Europe) ou encore l’alcoolisme et la dépendance aux drogues participent à ce désastre. En moyenne en Russie, l’espérance de vie d’un homme est de 12 ans inférieure à une femme (contre six ans en France).
Par ailleurs, la situation économique de la Russie constitue aujourd’hui un frein pour les jeunes couples désireux de créer une famille. L’accès à la propriété est presqu’impossible pour un salaire moyen et l’arrivée d’un nouveau-né est coûteuse. Une première politique gouvernementale nommée Capital Maternel voit le jour en 2007 avec une prime de l’Etat offerte à chaque famille donnant naissance ou adoptant un second enfant. Une initiative encouragée par la volonté du gouvernement de maintenir un seuil préservant la dépopulation (la moyenne limite se situe à 2,3 enfants par femmes étant en âge de procréer) mais finalement abandonnée dix ans plus tard, en même temps que de nombreuses autres aides sociales.
En septembre 2018, le Kremlin tente une nouvelle mesure nataliste avec le projet « Démographie » censé doter les jeunes ménages d’aides supplémentaires dès la naissance du premier enfant. Six mois plus tard, le flou demeure autour de cette aide et le contexte général de la Russie n’offre pas cet « optimisme social » indispensable au décollage des natalités. La fuite des cerveaux, la crise économique, la peur du chômage et des guerres font craindre des lendemains difficiles à une jeunesse désillusionnée.
Un recours nécessaire à l’immigration
Dans ce contexte, les dirigeants russes se retrouvent face à une impasse. Le vieillissement programmé de la population laisse craindre un futur difficile où les mécanismes de solidarité à destination des inactifs retraités seront soumis à rude épreuve si le nombre d’actifs baisse drastiquement. Cela pourrait engendrer dans un futur proche une paupérisation des générations aujourd’hui actives.
Face à l’échec de ses politiques de natalité, la Russie doit à nouveau regarder vers l’immigration qui a longtemps compensé la dépopulation. Mais les temps ont changé, la faute à une chute du rouble, à une attractivité économique inférieure mais aussi au faible déplacement des populations d’Asie centrale ou des anciennes républiques soviétiques fédérées, elles aussi touchées par la dépopulation et victimes des politiques migratoires russes.
Sous la pression de mouvements xénophobes et anti-migratoires venus des classes populaires qui prônent un repli sur elles-mêmes, l’assimilation et l’intégration des nouveaux venus est difficile. Pourtant, le salut de la Russie semble passer par cette manne venue de l’extérieur, à condition d’intégrer les migrants comme des Russes à part entière et de les considérer comme des sauveurs plutôt que comme des parias.
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