C’est grâce aux images incroyables du photographe canadien Greg Girard, qui passa 5 ans à photographier la ville, que la Citadelle de Kowloon resurgit des oubliettes de l’histoire. D’abord convoité par tous pour sa position stratégique puis laissé à l’abandon, découvrez l’histoire fascinante de ce monolithe de béton qui fut dans les années quatre-vingt l’endroit le plus densément peuplé de la terre. Poste d’observation contre la piraterie, centre de production de sel, forteresse puis poste militaire et administratif, la Citadelle de Kowloon fut sous autorité chinoise jusqu’en 1898. La même année, l’enclave devint également propriété du gouvernement britannique qui signa un bail de 99 ans lors de la « Convention pour l’extension du territoire de Hong Kong ». C’est à la fin de la seconde guerre mondiale, après que l’armée japonaise détruise en grande partie la ville et expulse ses habitants, que la Citadelle de Kowloon devient un repère pour squatteurs. Désormais sans murs d’enceinte et indépendante de la juridiction hongkongaise et de sa police, l’ancienne cité devint une terre d’asile pour toxicomanes, escrocs et dentistes dans l’impossibilité d’exercer légalement sur le territoire chinois. La Citadelle et ses Triades
En 1949, lorsque la République populaire de Chine fut établie, des milliers de réfugiés s’ajoutèrent à la population locale, poussant les gouvernements chinois et britannique, sous forme de crise diplomatique, à se rejeter la responsabilité de ce bout de terre devenu ghetto. Tirant profit de ce contexte chaotique, les Triades chinoises – célèbre mafia mondialement réputée – prirent rapidement le contrôle de la Citadelle de Kowloon jusqu’au milieu des années soixante-dix.
Affaibli par de nombreuses descentes policières, le syndicat du crime organisé perdit de sa puissance et laissa La Citadelle de Kowloon dans le désordre le plus complet. L’architecture de la ville se développa de façon anarchique, donnant naissance à un gigantesque labyrinthe truffé de centaines de ruelles, d’un dédale de couloirs sombres éclairé uniquement par des néons fluorescents.
Afin de ne pas gêner le trafic aérien de l’aéroport voisin, deux règles étaient cependant imposées : construire des maisons de 14 étages maximum et être raccordé à un réseau électrique. Appartements dépourvus de fenêtre, allées claustrophobiques souvent obstruées de détritus, les toits devinrent rapidement un échappatoire et un 3ème poumon pour toute la population. Jusqu’à la démolition de la ville, nombreux furent les rires d’enfants étouffés par le bruit assourdissant des réacteurs d’avion.
La débâcle de la Citadelle
Dans les années 80, La Citadelle de Kowloon fourmillait de maisons closes, de fumeries d’opium et de cocaïne, de cabinets dentaires crasseux, de casinos, d’usines clandestines et de restaurants servant de la viande de chien au menu. A cette époque-là, 50’000 personnes étaient entassés sur 0,026 km2, soit une densité de 1’923’076 habitants au km², décernant à l’ancienne citadelle le triste record de la ville la plus densément peuplée au monde.
Contrairement à Hong-Kong qui devint au fil du temps une ville riche et moderne, les conditions sanitaires et le quotidien des habitants de La Citadelle de Kowloon empirèrent. Malgré l’installation d’un réseau d’eau potable et d’un service postal ainsi que le soutien de plusieurs associations caritatives et religieuses, les gouvernements chinois et britannique prirent la décision de parapher en 1984 la « Déclaration commune sino-britannique », signant la mise à mort définitive de la ville.
La fin de la Citadelle
L’évacuation ne débuta pourtant qu’en 1991 et dura près d’une année, malgré la protestation d’une poignée d’habitants. Le gouvernement dépensa près de 3 milliards de dollars hongkongais afin de reloger ses commerçants et ses habitants. A bout de souffle et seul contre tous, le monolithe disparut définitivement de la surface de la terre en 1993.
Moins d’une année après débuta la construction du « parc de la citadelle » sur le site d’origine. De style chinois, les jardins élégants offrent désormais un havre de paix aux touristes et curieux qui souhaitent découvrir les vestiges de ce qui fut jadis La Citadelle de Kowloon.
L’histoire inimaginable et étourdissante de La Citadelle de Kowloon est à des années-lumière des architectures immaculées à l’occidentale. De nos pavillons de banlieue à nos gratte-ciels
ultra-modernes, il est impossible d’imaginer le quotidien de ses habitants. Il va de soi que l’augmentation croissante de la population donnera naissance à d’autres citadelles chinoises et mondiales, laissant à son triste sort une planète qui étouffe déjà sous des tonnes de béton !