Le modéré Moon Jae-in prend la présidence de la Corée du Sud
par Ju-min Park, Joyce Lee, Se Young Lee et Cynthia Kim
SEOUL (Reuters) – Le nouveau président sud-coréen de centre gauche, Moon Jae-in, a officiellement pris ses fonctions mercredi au lendemain de sa large victoire électorale, se fixant pour mission d’apaiser les tensions avec la Corée du Nord et de tourner la page de la retentissante affaire de corruption qui a secoué le pays.
Avocat et défenseur des droits de l’homme âgé de 64 ans, militant démocrate sous la dictature, il a prêté serment lors d’une cérémonie sans ostentation organisée au siège de l’Assemblée nationale.
Dans son premier discours de président, il a annoncé qu’il s’emploierait sans attendre à désamorcer les tensions dans la région. « S’il le faut, je m’envolerai directement pour Washington. J’irai à Pékin et à Tokyo et, si les conditions sont réunies, à Pyongyang aussi », a-t-il dit.
Moon, issu du Parti démocrate (Minjoo), a nommé le gouverneur de la province de Jeolla du Sud, Lee Nak-yon, au poste de Premier ministre et a confié la direction des services du renseignement (NIS) à un ancien de la maison, Suh Hoon, qui a passé 28 ans dans les services.
Ces deux personnalités ont activement participé à la « politique du rayon de soleil » (Sunshine Policy) du début des années 2000.
Cette période de détente avec la Corée du Nord a abouti à la tenue de deux réunions au sommet entre les dirigeants de Séoul et de Pyongyang, en 2000 puis 2007, sous les présidences de Kim Dae-jung, prix Nobel de la paix en 2000, et de Roh Moo-hyun, le mentor de Moon.
« JE PRENDS MES FONCTIONS LES MAINS VIDES
ET JE LES QUITTERAI LES MAINS VIDES »
Il s’agit pour Moon de mettre fin rapidement au vide du pouvoir consécutif à la destitution en mars dernier de la précédente présidente, Park Geun-hye, impliquée dans une affaire de corruption et d’abus de pouvoir qui a ébranlé les structures politiques et économiques du pays.
Selon les résultats définitifs du scrutin à un tour communiqués par la commission des élections, Moon Jae-in a remporté 41,1% des suffrages, contre 24% à son rival conservateur Hong Joon-pyo et 21,4% au centriste Ahn Cheol-soo. Le taux de participation, de 77,2%, est le plus élevé depuis vingt ans.
Le nouveau chef de l’Etat, dont les parents sont nés au nord de l’actuelle zone démilitarisée (DMZ) mais ont fui vers le sud pendant la guerre, prône une politique d’apaisement avec la Corée du Nord. « Lorsque adviendra une réunification pacifique, la première chose que je veux faire est d’emmener ma mère de 90 ans dans sa ville natale », écrit-il dans un livre publié en janvier.
Moon Jae-in devra aussi calmer les inquiétudes de la Chine, irritée par le déploiement sur le sol sud-coréen du système antimissile américain THAAD, destiné à protéger le pays de son voisin nord-coréen mais considéré par Pékin comme une menace pour sa sécurité. Lui s’est prononcé en faveur d’un report du projet.
Le président chinois Xi Jinping a félicité son nouvel homologue, a annoncé l’agence de presse officielle Chine nouvelle. La Chine, a dit le numéro un chinois dans son message, souhaite traiter de façon appropriée le différend avec la Corée du Sud, sur la base de la confiance et d’une compréhension mutuelle.
Le nouveau locataire de la Maison bleue, le siège de la présidence, veut aussi réformer les « chaebols », ces conglomérats familiaux comme Samsung ou Hyundai qui contrôlent l’économie sud-coréenne et dont le scandale Park Geun-hye a mis en lumière les travers.
Promettant d’en finir avec les relations étroites entre le monde des affaires et la classe politique, il s’est présenté en président incorruptible. « Je prends mes fonctions les mains vides et je les quitterai les mains vides », a-t-il promis.
ALLIANCES
Il souhaite aussi créer 500.000 emplois par an.
Il devra pour cela constituer des alliances, son parti ne comptant que 119 des 299 élus à l’Assemblée nationale.
Moon Jae-in avait été battu de justesse par Park Geun-hye en 2012. Confirmée en mars, la destitution de sa rivale, une première pour un dirigeant démocratiquement élu en Corée du Sud, lui a offert une nouvelle chance d’accéder à la fonction suprême.
Né le 24 janvier 1953, Moon, étudiant en droit dans les années 1970, a été arrêté à deux reprises lors des manifestations pour la démocratie sous la dictature de Park Chung-hee, le père de Park Geun-hye, et de son successeur, Chun Doo-hwan.
De 2003 à 2008, il a été conseiller du président Roh Moo-hyun, dont les tentatives de rapprochement avec le Nord ont été symbolisées par l’ouverture du parc industriel intercoréen de Kaesong en 2004 et par le sommet de 2007 avec Kim Jong-il.
C’est le suicide de son mentor en 2009, impliqué dans une affaire de corruption après la fin de son mandat, qui l’a conduit à briguer une fonction élective, remportant en 2012 un siège de député à Busan mais échouant à l’élection présidentielle la même année.
Le département d’Etat américain a dit vouloir poursuivre « une coopération étroite, profonde et constructive » avec le prochain président de la Corée du Sud.
Le président américain Donald Trump a promis d’empêcher le régime de Pyongyang de se doter de missiles balistiques intercontinentaux aptes à transporter une charge nucléaire dans un rayon englobant le territoire des Etats-Unis.
(avec Christine Kim et Hyunjoo Jin; Gilles Trequesser, Danielle Rouquié et Henri-Pierre André pour le service français)