Les femmes décidées à bousculer le sexisme dans le journalisme
Et si la Ligue du LOL avait été le déclic ? La révélation au mois de février 2019 de l’existence de ce groupe Facebook composé d’une trentaine de journalistes ou communicants masculins parisiens déclenche de vives réactions au sein des communautés féminines du monde médiatique. Et pour cause, les hommes qui étaient derrière la Ligue du LOL se sont amusés à cyber-harceler de nombreuses consœurs pendant plusieurs années. Elles ont décidé de réagir à la hauteur des attaques dont elles ont été victimes et elles sont soutenues par de plus en plus d’hommes, dégoûtés eux aussi par les agissements de certains de leurs confrères.
Il y a déjà les sanctions amorcées par les dirigeants des journalistes qui ont été identifiés comme faisant partie de ce sinistre groupe : deux membres de la rédaction en chef des Inrocks, Vincent Glad et Alexandre Hervaud, font déjà l’objet d’une procédure de licenciement. D’autres sont encore mis à pied en attendant de connaître leur sort. Ceux qui ne seront pas renvoyés voient leur image complètement écornée et seront à jamais étiquetés comme ayant appartenus à cette ligue qui n’a décidément rien de « lol ».
Une dynamique pour que les femmes s’expriment
De lourdes sanctions sont tombées et c’est déjà révélateur de l’ampleur prise par cette affaire qui a au moins le mérite de poursuivre le réveil des consciences. L’affaire Weinstein, « Me-too », « Balance ton porc »… Il existe depuis deux ans une dynamique autour de la prise de parole des femmes qui sont ou ont été victimes de sexisme, de violences physiques ou de harcèlement.
Les femmes prennent conscience qu’elles peuvent dénoncer et elles se structurent pour mieux aider celles qui n’arrivent toujours pas à s’exprimer. Le collectif « Prenons la Une » vient d’annoncer qu’il se transforme en une association. D’abord créé en 2014 pour défendre une meilleure représentation féminine dans les médias, il va maintenant aider les femmes victimes d’agressions ou de harcèlement au sein des rédactions. L’association accompagnera les victimes dans leurs démarches juridiques visant à dénoncer leurs agresseurs.
Jusqu’à aujourd’hui, le collectif ne pouvait pas aller plus loin que dénoncer les abus sexistes ou relayer les démarches entreprises par les victimes qui ne pouvaient être soutenues que par les syndicats traditionnels. L’affaire de la Ligue du LOL aura donc contribué à accélérer le changement de statut de « Prenons la Une » dont le conseil d’administration sera composé d’une quinzaine de journalistes qui s’attacheront aux questions spécifiques concernant les droits des femmes, des LGBT, le cyber-harcèlement… La base de la future association sera toujours organisée autour des sympathisants du collectif, déjà membres depuis cinq ans.
Le sondage #EntenduALaRedac
Egalité des rémunérations, représentativité à la tête des rédactions, comportements déplacés au quotidien… « Prenons la Une » souhaite rouvrir de nombreux débats et revaloriser les compétences de femmes qui doivent faire face à une oppression silencieuse et culturelle. En compagnie de « Paye ton journal » et « Nous toutes », deux autres collectifs qui défendent la place des femmes au sein des rédactions, « Prenons la Une » a lancé à la fin du mois de février 2019 un sondage anonyme afin que des journalistes, hommes ou femmes, s’expriment sur ce qu’ils ont vu ou entendu au sein des rédactions dans lesquelles ils ont travaillé.
Intitulé « #EntenduALaRedac », ce sondage révèle de nombreuses atrocités qui ont l’habitude de fuser au sein des rédactions. L’étude démontre un nombre considérable d’attaques sexistes au sein des rédactions ainsi que des propos discriminatoires. On y apprend aussi que si une femme n’est pas de couleur blanche, ses chances de subir des attaques sexistes sont augmentées. Ces comportements honteux sont notables dès l’école de journalisme où l’ambiance est similaire à ce que les élèves retrouveront ensuite dans les rédactions où ils seront embauchés.
Métier de réseaux, le journalisme reste un milieu où il est difficile d’exprimer un mal-être personnel au risque de se faire déclasser par un supérieur hiérarchique. D’autant plus lorsqu’on est une femme car le journalisme, au contraire des autres métiers de la communication, reste très masculin. Les femmes peinent à occuper les postes importants ou à atteindre les mêmes niveaux de rémunération que les hommes pour des compétences égales.
« Prenons la Une » veut saisir la fenêtre médiatique qui s’est ouverte pour en finir avec des décennies de comportements sexistes, machistes et misogynes.
Sources des photos : leparisien.fr / sandrine70.files.wordpress.com / carolinelanglois.over-blog.com / 66.media.tumblr.com