Libye: Accord à Paris sur la tenue d'élections le 10 décembre
PARIS (Reuters) – Les quatre principaux acteurs de la crise politique libyenne sont convenus mardi à Paris de la tenue d’élections présidentielle et parlementaires le 10 décembre prochain dans le cadre d’une feuille de route qui vise à sortir la Libye du chaos, sept ans après la chute de Mouammar Kadhafi.
Ce document en huit points, fruit de longues discussions entre les différentes parties jusqu’à la dernière minute, a été lu à l’issue d’une conférence internationale organisée par la France sous les auspices des Nations unies, en présence d’une vingtaine de pays et de quatre organisations internationales.
Il a été approuvé – et non signé comme initialement envisagé – par le Premier ministre libyen Fayez Seraj, l’homme fort de l’est du pays le maréchal Khalifa Haftar, le président de la chambre des représentants Aguila Salah Issa et le président du Conseil d’Etat Khaled al Mishri.
Les quatre dirigeants libyens conviennent de mettre en place « la base constitutionnelle » pour les élections et d’adopter les « lois électorales nécessaire » d’ici au 16 septembre avant la tenue d’élections le 10 décembre.
Ils s’engagent également à « accepter les résultats des élections et à veiller à ce qu’un financement approprié et que des dispositions solides en matière de sécurité soient mises en place ». « Ceux qui enfreindront ou entraveront le processus électoral auront à en rendre compte », précise le texte, qui ne fait plus mention explicitement de sanctions contrairement aux versions précédentes consultées par Reuters.
Le texte prévoit également de « mettre fin progressivement à l’existence du gouvernement et des institutions parallèles », et le lancement immédiat des travaux en vue de l’unification de la banque centrale libyenne et la poursuite des efforts menés en vue de l’unification des forces de sécurité.
« RÉUNION HISTORIQUE » MAIS DES DÉFIS
« C’est une réunion historique » qui a rassemblé pour la première fois des responsables qui ne se reconnaissent pas, s’est réjoui l’envoyé spécial de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, lors d’une conférence de presse finale.
« En s’arrêtant sur des dates et un protocole, plus personne ne pourra dire ‘je ne suis pas d’accord’ puisque (tous les protagonistes-NDLR) étaient là aujourd’hui » et ont donné leur accord, a souligné à ses côtés Emmanuel Macron, saluant une « étape clef pour la réconciliation en Libye ».
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, le pays a été – et est toujours – en proie à des rivalités politiques, dont la plus importante est la division entre le gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, basé à Tripoli et un gouvernement parallèle dans l’est du pays soutenu par le maréchal Haftar.
« Nous allons travailler main dans la main pour que dans le laps de temps qui nous est imparti jusqu’aux élections nous allons créer les conditions propices à l’organisation de ces élections, politiquement et d’un point de vue sécuritaire », a assuré le Premier ministre libyen.
« Personne ne dit que ce sera une voie pavée de roses, les défis sont là, les défis vont aller croissant (…) il y a un certain nombre d’ennemis de ce processus démocratique », a-t-il ajouté.
UN CALENDRIER TROP OPTIMISTE ?
Profitant du vide politique, sur le terrain, les violences – encore récemment à Derna – et les trafics d’êtres humains, de drogue et d’armes se poursuivent. Le 12 mai dernier, douze personnes ont été tuées dans un attentat revendiqué par l’Etat islamique contre le siège de la commission électorale à Tripoli.
« Est ce qu’il n’y aura plus d’attentat terroriste, plus d’action des milices dans les mois qui viennent? C’est impossible de dire que nous allons l’éradiquer », a indiqué Emmanuel Macron. « Mais je pense que le travail conjoint entre les parties libyennes pour soutenir ce texte permettra de lever des malentendus et de réduire la capacité à faire de certains groupes et milices ».
L’initiative française, la deuxième en dix mois après la réunion de la Celle-Saint-Cloud qui avait permis de réunir les deux frères ennemis libyens, suscite toutefois des réserves chez les observateurs face aux profondes rivalités politiques qui traversent toujours la Libye.
La déclaration finale est plus nuancée que les projets d’accord qui circulaient ces derniers jours mais elle prévoit un calendrier « extrêmement optimiste » en terme d’élections, note Claudia Gazzini, d’International Crisis Group.
« Elle risque de provoquer des réactions négatives de la part de ceux qui croient fermement qu’une constitution doit être adoptée avant les élections », ajoute-t-elle. « Et les groupes en Libye pourraient également réagir négativement à ce calendrier étant donné que les conditions de sécurité sur le terrain pourraient ne pas être réunies ».
par Marine Pennetier et John Irish
(Edité par Yves Clarisse)