L'opposition syrienne fixe un calendrier pour le départ d'Assad
LONDRES/BEYROUTH (Reuters) – Le Haut Comité des négociations (HCN) représentatif de l’opposition syrienne a averti mercredi qu’il s’opposerait à l’accord que Russes et Américains s’efforcent de conclure s’il est différent de son propre plan, qui passe par la mise à l’écart du président Bachar al Assad.
Mis sur pied avec l’appui de l’Arabie saoudite et des puissances occidentales dans l’optique de négociations de paix aujourd’hui dans l’impasse, le HCN a présenté ce plan à Londres.
Il propose six mois de négociations en vue de la formation d’un organe de transition constitué de représentants de l’opposition, de membres du gouvernement et de personnalités de la société civile, qui serait chargé d’administrer le pays pendant 18 mois, après quoi des élections seraient organisées.
« Cette période de transition s’ouvrira avec le départ de Bachar al Assad et de sa clique et, bien sûr, de ceux qui ont commis des crimes aux dépens du peuple syrien », a expliqué Riad Hidjab, principal coordinateur du HCN.
« Si les Russes et les Américains s’accordent sur quelque chose de très différent de ce à quoi les Syriens aspirent, nous ne l’accepterons pas », a-t-il poursuivi.
« Il n’est pas question de garder Assad pendant six mois, ni même un mois ou un jour durant cette période de transition. Les Russes et les Américains le savent. Ils connaissent la position du peuple syrien. Il a fait de grands sacrifices et ne renoncera pas à cette exigence », a-t-il rappelé.
Moscou et Washington, qui ont pris des partis diamétralement opposés dans le conflit, seraient sur le point de s’entendre.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov doivent se revoir jeudi et vendredi à Genève, selon Moscou, ce que n’a pas confirmé le département d’Etat américain.
A Washington, le porte-parole du département d’Etat, Mark Toner, a précisé que John Kerry et Sergueï Lavrov avaient discuté pendant 45 minutes et que le secrétaire d’Etat ne serait pas à Genève jeudi.
« Nous n’accepterons pas un accord qui ne répond pas à nos objectifs fondamentaux », a ajouté le porte-parole.
Concernant les perspectives d’un accord, Mark Toner a déclaré: « Nous n’en sommes pas encore là », reprenant les termes de Barack Obama ce week-end.
« Nous n’avons pas été en mesure de parvenir à nous entendre clairement sur la manière d’avancer. Je ne peux pas dire qu’il y ait un grand espoir de succès, nous continuons simplement à travailler », a-t-il dit.
RENFORTS GOUVERNEMENTAUX À ALEP
La « cessation des hostilités » obtenue en février par John Kerry et Sergueï Lavrov a tourné court au bout de quelques semaines, notamment en raison de l’offensive des forces gouvernementales à Alep.
Première ville de Syrie avant la guerre, elle est aujourd’hui le principal enjeu du conflit, mais aussi des négociations russo-américaines, et une trêve dans ce secteur pourrait ouvrir la voie à une cessation globale des hostilités.
Or sur le terrain, les combats semblent au contraire s’intensifier. Les forces gouvernementales soutenues par l’aviation russe assiègent à nouveau depuis dimanche les quartiers Sud et Est aux mains des insurgés. La milice chiite irakienne Harakat al Noudjaba, engagée aux côtés de l’armée, a dépêché ces deux derniers jours un millier d’hommes supplémentaires.
Un peu plus au sud, les rebelles ont lancé la semaine dernière une offensive dans un secteur stratégique de la province de Hama où se trouvent des villes acquises au régime, peuplées de chrétiens et d’alaouites, minorité à laquelle appartient Bachar al Assad.
Les combats y ont fait 100.000 déplacés entre le 28 août le 5 septembre, selon les Nations unies, qui citent le Croissant-Rouge arabe syrien et le gouverneur de la province.
A la frontière turque, qu’Ankara dit avoir débarrassée de la présence de l’Etat islamique (EI) avec l’appui de l’Armée syrienne libre (ASL), 292 habitants de Djarablous ont en revanche pu regagner leurs foyers. Les djihadistes en ont été chassés dans le cadre de l’opération « Bouclier de l’Euphrate », lancée le 24 août par l’armée turque et ses alliés locaux.
OBJECTIF RAKKA ?
Le ministère russe des Affaires étrangères s’est dit mercredi vivement préoccupé par leurs mouvements. « Cela remet en question la souveraineté et l’intégrité territoriales de la République arabe syrienne », juge-t-il dans un communiqué.
« Nous appelons Ankara à s’abstenir de toute nouvelle mesure, qui ne ferait que déstabiliser un peu plus la situation en Syrie », ajoute-t-il.
Outre la lutte contre l’EI, l’opération Bouclier de l’Euphrate avait pour but d’enrayer la progression des miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), soutenus par les Etats-Unis, qui multiplient les victoires dans le nord de la Syrie.
L’administration turque les assimile aux séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), auxquels elle a déclaré la guerre. Ankara les a sommés de se replier à l’est de l’Euphrate, ce qu’ils n’ont pas fait totalement, a déploré mercredi le vice-Premier ministre Nurettin Canikli. Il a par ailleurs fait état de 110 morts dans les rangs de l’EI et des YPG depuis le début de Bouclier de l’Euphrate.
Cité mercredi par le quotidien Hurriyet, le président turc Recep Tayyip Erdogan indique que Barack Obama a évoqué l’idée d’une action militaire commune à Rakka, capitale du califat proclamé par l’EI.
« Nous avons dit que, de notre point de vue, ce ne serait pas un problème. Unissons nos soldats, tout ce qui est nécessaire sera fait (…) Mais, à ce stade, nous devons montrer notre présence dans la région. Nous n’avons pas la possibilité de faire un pas en arrière. Si nous reculons, des groupes terroristes comme Daech, le PKK, le PYD (aile politique des YPG, ndlr) et les YPG s’y installeront », a-t-il ajouté.
(William James, Daren Butler, Tom Miles, Lidia Kelly et Humeyra Pamuk; Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)