Marin Alsop : une femme à la baguette Marin Alsop : une femme à la baguette Marin Alsop : une femme à la baguette
Biographie

Marin Alsop : une femme à la baguette

Publié le 8 mars 2014,
par VisionsMag.
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Spécial Journée internationale des femmes

En septembre 2013, Marin Alsop a dirigé le prestigieux concert du Last of the proms. Une première pour une femme. La chef qui se produit sur toutes les scènes du monde, a dû forcer bien des portes pour imposer l’idée d’une femme à la baguette.

Lorsqu’elle apparaît sur la scène du prestigieux Royal Albert Hall de Londres, Marin Alsop déclenche un tonnerre de cornes de brume… comme dans un stade de football. C’est pourtant bien un concert classique que les 6000 personnes réunies dans l’enceinte du mythique théâtre, sont venues voir. Un concert classique, peu classique : the last of the proms est le plus prestigieux et le moins académiques des shows classiques du Royaume-Uni. Il est retransmis en direct sur écrans géants à Hyde Park, Belfast, au Pays de Galles et en Ecosse. Dans cette ambiance typiquement british, Marin Alsop savoure une victoire personnelle. C’est en effet la première femme de l’histoire à diriger The Last of the proms. Comme l’écrira un quotidien le lendemain : the last est devenu the first.

Violoniste de rue

Il a fallu bien de la persévérance à Marin Alsop pour obtenir cette consécration. C’est à l’âge de neuf ans en assistant à un concert dirigé par Leonard Bernstein que Marin Alsop se découvre une vocation pour la direction d’orchestre. Née dans une famille de musiciens, Marin Alsop est alors apprentie violoniste à la Juilliard School of Music de New-York. Lorsqu’elle annonce à ses professeurs son désir de devenir chef, on lui répond qu’une fille ne dirige pas.

Dès le début le ton est donné. Face à cette adversité, Marin Alsop pourra compter sur le soutien indéfectible de ses parents. Son père lui offre une boite contenant une multitude de baguettes qu’il a lui-même confectionnées. Marin Alsop, s’en servira comme d’un talisman. Aujourd’hui encore, elle dirige toujours avec une baguette fabriquée par son père. A la veille du concert pour The last of the proms, c’est encore ses parents qui l’encouragent alors que les critiques sont plutôt réservées à l’idée d’une femme chef pour cette prestigieuse soirée.

L’idée d’une femme à la baguette pose décidément bien des problèmes. Une fois terminée ses études de violons en 1978, Marin Alsop tente d’intégrer la classe de direction d’orchestre de la Juilliard School. L’entrée lui est refusée. On l’avait prévenue ce n’est pas un métier pour fille. Elle devra donc se former par ses propres moyens, notamment en prenant des leçons privées auprès de Carl Bamberger. En attendant, elle se produit comme violoniste et tout d’abord dans la rue, devant la cathédrale de New-York !

Rencontre avec Leonard Bernstein

Mais elle ne renonce pas pour autant à son désir de diriger. Elle fonde son propre ensemble, l’orchestre Concordia, qui compte à ses débuts une trentaine de musiciens. C’est en 1985, à l’âge de 31 ans, qu’elle dirige son premier concert public. Le souvenir reste cuisant, la critique est dure. Pourtant, elle expérimente déjà ce qui fera sa plus tard se renommée : une programmation qui mélange l’ancien et le moderne – Brahms et John Adams – et met l’accent sur le répertoire américain : Samuel Barber, Gershwin, Philip Glass.

C’est avec Leonard Bernstein qu’elle va enfin pouvoir intégrer une formation de chef lors des sessions d’été du prestigieux Boston Symphony. Si la première rencontre avec celui qu’elle considère comme son maître est un échec, lors de la seconde entrevue le compositeur de « West side story » reconnaitra le talent de la jeune femme.

Marin Alsop : une femme à la baguette
La chef qui se produit sur toutes les scènes du monde, a dû forcer bien des portes pour imposer l’idée d’une femme à la baguette.

90% des musiciens contre sa nomination

Peu à peu les portes s’ouvrent. Au début des années en 1990, Marin Alsop dirige le New-York Philarmonic, c’est son premier grand orchestre. En 1991, elle grave son premier CD. Cependant, elle doit toujours faire face à l’incrédulité de ses pairs. Même Leonard Bernstein montre parfois de la réserve. « Quand je ferme les yeux et que je vous écoute, lui déclare-t-il, je n’entends pas une femme ». A quoi Marin Alsop répond qu’il n’est pas besoin d’ouvrir les yeux pour écouter.

Cependant la jeune femme n’est pas au bout de ses peines. Lorsqu’en 2004, elle est pressentie pour prendre la direction du Boston Symphonie Orchestra, elle doit faire face à la fronde des musiciens qui se prononcent à 90% contre sa nomination. Prête à renoncer, elle va cependant rencontrer l’orchestre et se faire adopter en une seule séance. Marin Alsop devient alors la première femme à prendre la direction d’un des orchestres majeurs des Etats-Unis. Un an après, en 2005, elle est nommée artiste de l’année à l’occasion des Awards du classique.

« Le pouvoir de la musique est immense » dira-t-elle lors de la soirée de The last of the proms. « Nous devons croire en nous, suivre nos passions et ne jamais renoncer », conclura-t-elle au milieu d’une nouvelle salve de cornes brume. Cette femme de toutes les premières sait de quoi elle parle.

Sources photos : www.i.telegraph.co.uk / www.musicweb-international.com