Marseille: Une 'startupeuse' en arbitre du choc Mennucci-Mélenchon
MARSEILLE (Reuters) – La bataille s’annonce rugueuse à Marseille entre le député socialiste sortant Patrick Mennucci et le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, fraîchement débarqué et déjà favori d’un combat arbitré par une chef d’entreprise estampillée Emmanuel Macron, Corinne Versini.
Sur les marchés de la deuxième ville de France, comme celui de la Joliette où elle faisait campagne vendredi dans cette quatrième circonscription, on ne se retourne guère sur le passage de la candidate de La République en marche (LREM), qui s’engage pour la première fois en politique.
Corinne Versini est consciente de son manque de notoriété. « Normal, c’est ma première élection », dit-elle. Elle avance donc, tracts à la main la représentant en photo au côté d’Emmanuel Macron.
L’accueil devient alors tout autre. « Lui, je l’aime beaucoup. C’est le seul qui pense aux jeunes », dit une mère de famille qui repart avec deux tracts de la candidate. « L’un pour moi, l’autre pour ma voisine que je compte bien convaincre ».
A la tête d’une start-up spécialisée dans l’électronique depuis 2010, Corinne Versini s’appuie sur son expérience professionnelle pour créer la surprise les 11 et 18 juin.
« La seule stratégie, c’est d’être sur le terrain, écouter les gens pour changer les choses et faire autrement. C’est exactement ce que fait une ‘startupeuse’ dans son travail”, affirme-t-elle, précisant avoir pris les dispositions nécessaires pour se consacrer pleinement à un mandat de députée après avoir assuré la pérennité de son entreprise.
UNE TERRE DE GAUCHE
Changement de décor quelques rues plus loin, où Jean-Luc Mélenchon a choisi de partir à la rencontre des habitants du quartier populaire de Belsunce, au coeur de la ville.
« C’est Cannes à Marseille », lâche un passant d’un ton amusé, tandis que l’on se presse autour du quatrième homme de la présidentielle. Certains veulent un selfie avec lui, d’autres l’interpellent sans ménagement sur ses projets pour la ville.
« Pour Marseille, comme pour le pays, le plus important est le retour au plein emploi. Alors virez ceux qui sont là depuis 30 ans et n’ont rien fait. Votez pour moi », lance le leader de La France insoumise, quatrième homme de la présidentielle.
« Si vous ne changez pas la politique nationale, vous ne changerez rien ici. C’est un député national qu’on élit, pas un conseiller municipal », ajoute celui qui rêve de prendre la tête d’une cohabitation face au nouveau président de la République.
Le candidat malheureux à la présidentielle est arrivé en tête à Marseille au premier tour, avec 24,82% des voix. Si le choix de la 4e circonscription s’est imposé naturellement, dit-il, puisqu’il y est arrivé en tête avec 39,09% des voix, la partie est loin d’être gagnée pour l’eurodéputé qui doit affronter le député socialiste sortant Patrick Mennucci.
Ce dernier dénonce le parachutage d’un « député plateau télé », accusant celui qu’il qualifie de « nomade électoral » d’avoir choisi « la seule circonscription de l’arc méditerranéen où le Front national n’a aucune chance d’être au second tour ».
Depuis près de 30 ans, la 4e circonscription – qui regroupe les 1er, 2e et 3e arrondissements de Marseille et une partie des 5 et 6e arrondissements de la ville – n’a connu que des députés de gauche. Longtemps détenue par le Parti communiste, elle a glissé vers le Parti socialiste en 2007.
MÉLENCHON FAVORI D’UN SONDAGE
Lors des dernières élections législatives en 2012, Patrick Mennucci s’y est imposé largement avec plus de 70% des voix lors d’un duel face au Front national.
« Jean-Luc Mélenchon veut liquider la gauche française, mais elle est là et va l’affronter », souligne le député sortant qui reproche à son adversaire son « manque de clarté » vis-à-vis du parti de Marine Le Pen.
« Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer. Nous allons tourner la page des gens qui nous ont trahi pendant cinq ans », réplique l’intéressé.
Selon un sondage Harris Interactive pour France télévisions, Jean-Luc Mélenchon recueillerait 33% des intentions de vote au premier tour, loin devant Corinne Versini (26%).
Il distancerait encore davantage Patrick Mennucci, qui n’engrangerait que 13% des voix, tandis que les candidates du Front national (12%) et des Républicains/UDI (9%) seraient réduites à un rôle de figuration.
Le député PS a dit « n’accorder que peu d’importance à ce sondage », que la candidate LREM trouve pour sa part « flatteur et plein d’espoir » mais sur lequel elle ne veut pas « s’emballer ». D’autant qu’au second tour, Jean-Luc Mélenchon s’imposerait en duel avec elle avec 56% des voix contre 44%.
Jean-Luc Mélenchon, qui partage son temps entre Marseille et Paris, savoure évidemment cette enquête, mais reste prudent. « Une circonscription gagnée d’avance, cela n’existe pas. »
(par Jean-François Rosnoblet. Edité par Elizabeth Pineau)