Bouillonnant, impétueux, hyper-communicant, fougueux, volontariste. Les qualificatifs ne manquent pas pour définir Matteo Renzi, ancien maire de Florence et président du Conseil depuis le 22 février. Publicitaire de profession, membre du Parti démocrate, l’homme entend mener un train de réformes afin de redynamiser une Italie en proie à une économie morose, et plombée par une instabilité politique chronique.
Au pouvoir depuis moins de trois mois, Matteo Renzi n’a en effet pas tardé à surprendre et à bousculer une classe politique italienne pourtant peu avare en fortes personnalités. L’homme qui promet d’annoncer une réforme par mois d’ici à juin a d’ores et déjà profondément modifié le paysage politique par son style et par sa volonté de sortir l’Italie de l’austérité, en adoptant un plan de relance ambitieux. Figure de proue d’une gauche moderne, réformiste et décomplexée, ses références ne sont pas à chercher du côté de Gramsci ou de la gauche historique, mais bien plutôt du côté de Tony Blair ou de Barack Obama.
Des réformes sans attendre
Dès son arrivée à la présidence du Conseil, une multitude de mesures ont été annoncées. Un décret-loi a été adopté, visant à relancer l’emploi des jeunes, victimes d’un chômage qui frappe 42,3% d’entre eux. Un plan pour réformer la fonction publique a été dévoilé, alors que tous les prédécesseurs de Matteo Renzi y ont échoué et se sont heurtés à l’immobilisme. Ou encore la déclassification de dossiers clés des « années de plomb », aidant ainsi les Italiens à faire la lumière sur cette période traumatisante et empreinte de nombreuses zones d’ombres. Une réforme électorale devrait être entamée, afin de garantir à l’Italie une meilleure stabilité politique. De plus, le Sénat disparaitrait sous sa forme actuelle pour se transformer en un organe représentatif des régions.
« Le bon tournant », une réforme historique
Mais l’annonce la plus retentissante vient du plan de relance de l’économie, intitulé La svolta buona, le « bon tournant ». Dans une Europe en proie à l’austérité, le Premier ministre promet « 10 milliards d’euros pour 10 millions d’Italiens », sous forme de baisses d’impôts. L’Etat s’engage aussi à régler aux entreprises les 60 milliards d’euros qui leur sont dus, à débloquer 3,5 milliards d’euros pour la rénovation des écoles, à investir dans la protection des zones sismiques et inondables, et à accorder des aides aux jeunes, étudiants et chercheurs d’emploi. Comment financer un tel plan sans rompre les critères de Maastricht ? Matteo Renzi annonce qu’il va s’attaquer pour cela aux dépenses publiques ainsi qu’à la bureaucratie. L’Europe, pour le moment, observe l’Italie d’un œil circonspect. Si l’expérience de M. Renzi échoue, l’Italie sera encore plus en difficulté. Si elle réussit, les politiques d’austérité prônées par Bruxelles risquent d’être remises en cause.
Carrière d’un homme pressé
Natif de Florence, Matteo Renzi s’engage très tôt au sein du Parti populaire italien (PPI), se situant au centre et dans la mouvance démocrate-chrétienne. Il y adhère dès 1996 et soutient la candidature de Romano Prodi à la présidence du Conseil. Gravissant les échelons, il prend la tête de l’alliance régionale de centre-gauche L’Olivier et est élu président de la province de Florence en 2004. Entre temps, il rejoint les rangs du nouveau Parti démocrate, crée en 2007 et rassemblant les courants de la gauche et de la démocratie chrétienne.
La « Renzimania », de Florence à Rome
Devenu maire de Florence en 2009, Matteo Renzi bénéficie d’une forte cote de popularité et y trouve une plateforme idéale pour ses ambitions nationales. Pour le journaliste transalpin Giovanni Cocconi, « Renzi et Florence ont profité l’un de l’autre. La ville a retrouvé la place qu’elle avait perdue depuis des décennies. » . En novembre 2013, le voilà élu à la tête du Parti démocrate. Manœuvrant pour évincer Enrico Letta de la présidence du Conseil, il parvient à ses fins et se voit confier par le président de la République Giorgio Napolitano, le 22 février, la tâche de former un nouveau gouvernement. Voilà le plus jeune président du Conseil libre de mener sa politique, à sa manière.
Electron libre
M. Renzi semble à lui seul symboliser la nouvelle génération d’hommes politiques. Sachant exploiter les nouveaux outils de communication, il twitte assidument et utilise Internet afin de promouvoir ses réformes à coups de slogans qui font mouche. Son image se veut tout autant moderne, comme par exemple lorsqu’il va chercher son fils à la sortie de l’école au volant d’une petite voiture électrique. Sous le regard, bien sûr, des journalistes. Les critiques ont beau l’accuser de démagogie, 60% des Italiens lui accordent leur confiance. Exemple même du pragmatisme de Matteo Renzi, il n’hésite pas à recevoir Silvio Berlusconi afin d’obtenir le soutien de l’opposition au sujet de sa réforme électorale. Ses détracteurs aiment d’ailleurs à comparer les deux hommes, et à souligner des traits de caractère communs, tels que l’ambition, l’agilité politique, l’aisance dans la communication et la mise en avant de leur personnalité.
Un volontarisme nécessaire
Les destins de Matteo Renzi et de l’Italie sont désormais liés, et ce de différentes manières. Pour commencer, l’austérité menée en Italie depuis 2011 est très mal vécue par ses citoyens et ne semble pas porter ses fruits au niveau économique. La relance combinée aux réformes souhaitées par le premier ministre a donc pour but de faire sortir la huitième puissance mondiale de l’ornière dans laquelle elle se trouve. Mais une autre raison pousse M. Renzi à agir vite, dans un contexte politique qui a tendance à accorder peu de temps à des leaders qui font souvent figure d’étoiles filantes. Le Premier ministre est donc en perpétuel équilibre, répétant à qui veut l’entendre, à propos de ses réformes : « Si je n’y arrive pas, je considèrerais non seulement mon expérience gouvernementale, mais également ma carrière politique comme terminées. » . Le pari est risqué.
Photos sources : www.abruzzolive.it/ www.s1.reutersmedia.net/