Nike : le géant américain qui n’a pas d’usine aux Etats-Unis Nike : le géant américain qui n’a pas d’usine aux Etats-Unis Nike : le géant américain qui n’a pas d’usine aux Etats-Unis
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Nike : le géant américain qui n’a pas d’usine aux Etats-Unis

Publié le 10 avril 2013,
par VisionsMag.
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Michael Jordan, Cristiano Ronaldo, Roger Federer, ces champions dans leur discipline respective partagent un point commun : ils sont sponsorisés par le géant américain Nike. La marque est l’un des symboles de l’hégémonie culturelle américaine. Paradoxalement, aucune production estampillée Nike n’est manufacturée sur le sol américain.  Nike est la firme qui a initié l’externalisation des productions.

1964, Etats-Unis. Phil Knight et Paul Bowerman créent une entreprise sous le nom de Blue Ribbon Sport (BRS). Dès le début de son histoire, la firme est marquée par les échanges internationaux.  En 1950, Bill Bowerman, entraîneur d’athlétisme à l’université de l’Oregon, et Phil Knight, décident d’importer du Japon des chaussures d’athlétisme peu chères et de haute technicité. A l’époque, Adidas avait encore la primauté du marché.

Pour quelques dollars de plus

Phil Knight aura la vision extraordinaire de penser à l’externalisation de la fabrication des articles. Pour Adidas, les produits sont manufacturés dans des pays développés, le coût de la main-d’œuvre est donc élevé. Phil Knight est alors convaincu de pouvoir s’imposer sur le marché avec des articles de sport fabriqués dans des pays  où la main d’œuvre est bon marché. Etant donné que les deux fondateurs de Nike ont déjà tissé une relation de collaboration avec des opérateurs économiques du Japon, ils ont choisi le pays du Soleil levant pour leur première expérience de délocalisation. Avec un investissement initial de 1000 dollars, la firme commence à importer des chaussures de haute qualité fabriquées par l’entreprise japonaise Onitsuka Tiger. Au début des années 1970, BRS commence à concevoir ses propres gammes de chaussures, fabriquées par des sous-traitants japonais, notamment Nippon Rubber et Nippon Koyo. La sous-traitance est la formule qui propulse l’entreprise au sommet. En 1972, la firme atteint un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 millions de dollars.

Trouver chaussure à son pied

L’adoption du « swoosh », la célèbre virgule en 1971 marque un tournant dans l’histoire de l’entreprise. En 1974, Nike compte 250 employés directs et réalise un chiffre d’affaires de 4,8 millions de dollars. Du fait du contexte macro-économique ambiant, le choc pétrolier essentiellement, et du développement économique du Japon, Nike doit rechercher d’autres pays aux coûts de main d’œuvre plus abordables pour faire fabriquer ses chaussures, comme en Corée ou en Thaïlande. C’est une nécessité pour l’entreprise qui a opté pour le modèle de la sous-traitance. Dès lors, la production sera délocalisée vers d’autres pays asiatiques plus profitables. Avantageux pour la multinationale, ce « process » l’est également pour les pays d’implantation des unités industrielles. Certains pays, comme la Corée ayant même mis en place des incitations au développement de l’industrie des articles sportifs.

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Le monde à ses pieds

Signe du succès de la multinationale, elle entre en bourse en 1980. Elle emploie 2700 salariés directs et réalise un chiffre d’affaires de 269 millions de dollars. L’Asie profite de l’embellie de Nike. En 1982, 86 % des chaussures qu’elle fabrique proviennent de la Corée et de Taiwan. Paradoxalement, le développement économique de ces deux pays réduit petit à petit leur attractivité du fait de l’augmentation des coûts salariaux. C’est l’un des revers de la médaille de ce choix économique. Nike l’a bien appris à ses dépens.

Bien que d’autres facteurs entrent en ligne de compte comme l’accès aux matières premières et l’exploitation des différentiels des taux tarifaires, les coûts salariaux demeurent la principale raison explicative des délocalisations successives. A cause de l’embellie de l’économie asiatique, une nouvelle fois, Nike doit délocaliser ses activités productives vers des sous-traitants dans les autres pays du Sud-Est asiatique, comme l’Indonésie et la Thaïlande, puis vers la Chine et le Vietnam. Cette période correspond à la barre symbolique d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires…

Le salaire de la peur

Depuis, le modèle Nike a fait des émules. La mondialisation des échanges et surtout la logique du profit ont poussé les autres multinationales à arpenter la voie de la délocalisation. Les principaux avantages de l’externalisation portent sur des économies du coût du facteur travail, selon les spécialistes. Ce sont surtout les secteurs qui emploient une main d’œuvre importante qui privilégient cette alternative. Dans le textile, comme dans celui de la chaussure, la main-d’œuvre accapare  un peu plus de 60 % du prix de revient. Par comparaison, le salaire d’un ouvrier du textile français peut payer l’émolument de 35 Vietnamiens.

Tous les secteurs sont affectés par les délocalisations : l’horlogerie, le jouet, la fabrication de téléviseurs, de téléphonies, de radios, etc.  Menaces pour l’économie des pays développés, les délocalisations seront, un jour ou l’autre, limitées par la croissance des pays en développement comme ce qui s’est passé pour Nike dans les années 70. Taiwan, un des premiers pays à avoir accueilli des productions étrangères, a vu son taux horaire augmenter à mesure de son essor. Les multinationales préfèrent délocaliser leur unité une nouvelle fois pour trouver de nouveaux marchés attractifs.  Malgré l’essor que ces externalisations apportent au pays-hôte, elles ont néanmoins leurs parts d’ombre. Ainsi, Nike a été accusé d’encourager le travail des enfants à travers les manufactures qui fabriquent ses articles. Ainsi, un contrat éthique a dû être établi par le géant pour rassurer ses clients.  Il est sûr que la multinationale américaine n’abandonnera pas ce procédé qui l’a propulsée au firmament.