Percy « David » Schmeiser contre « Goliath » Monsanto
Monsanto est l’une des entreprises les plus controversées au monde. Régulièrement, la firme américaine est au centre de polémiques liées à l’environnement et à la culture d’OGM. De nombreuses associations de protection de l’environnement se sont, au fil des années, opposées à Monsanto. Percy Schmeiser, un agriculteur canadien maintenant âgé de 84 ans, est l’un des symboles de la lutte contre Monsanto : l’humble fermier contre la multinationale sans scrupule. Retour sur cette affaire.
Percy Schmeiser contre Monsanto, c’est un peu David contre Goliath version XXIe siècle. Cette saga judiciaire a eu un retentissement dans le monde entier, elle a d’ailleurs tout récemment inspirée une pièce de théâtre qui sera présentée cette année au festival de Blyth au Canada . Pourtant Monsanto n’a jamais publiquement reconnu que Percy Schmeiser représentait une menace même si la compagnie a jugé nécessaire d’avoir une page consacrée à cet agriculteur canadien sur son site Web pour livrer sa version des faits .
La licence ou le procès
En 1997, lorsqu’il plantât, comme à son habitude, du colza sur ses terres, Percy Schmeiser ne s’imaginait sans doute pas que cela l’engagerait dans le combat de sa vie. Agriculteur et ancien maire de la ville de Bruno dans la province de la Saskatchewan au Canada, cette année-là, il a dans ses plants des pieds de colza dits « Roundup Ready Canola ». Il s’agit d’une variété de colza génétiquement modifiée, créée par Monsanto, résistante à l’herbicide Round Up. Or, pour pouvoir cultiver ces graines spécifiques, il faut conclure un accord de licence avec Monsanto, impliquant notamment l’impossibilité de garder des graines pour les semis de l’année suivante.
Schmeiser s’est toujours défendu d’avoir lui-même planté ce colza transgénique, toujours est-il que lorsque Monsanto a eu vent de cette culture, l’entreprise de biotechnologie a contacté Schmeiser pour lui proposer soit de signer un contrat de licence avec elle, soit d’aller en justice. L’agriculteur refusant les termes du contrat, la procédure judiciaire est lancé en août 1998.
Percy Schmeiser reconnu tout de même coupable
Alors que les analyses menées par Monsanto sur les terres de Schmeiser montrent que celle-ci sont contaminées par les plants de colza Roundup Ready à 90%, celles que le fermier fera faire par des chercheurs de l’université de Manitoba révèlent, elles une contamination allant de 0 à 68% des terres. Malgré ces données divergentes et sans preuve concrète que le fermier ait sciemment cultivé le colza de Monsanto, la Cour fédérale du Canada donne, en mars 2001, raison à Monsanto avec l’argument que les présomptions étaient suffisamment fortes.
Ce jugement ne satisfaisant personne, aussi bien Schmeiser que Monsanto font appel de la décision. L’appel confirme les conclusions prises en première instance ce qui pousse Schmeiser à s’adresser à la Cour suprême du Canada. En mai 2004, la plus haute instance du pays reconnait finalement qu’effectivement les champs avaient pu être contaminés de manière accidentelle. Malgré cela elle confirme la culpabilité de Schmeiser mais diminue sensiblement sa peine.
Monsanto ne veut pas ébruiter l’affaire
L’affaire aurait pu en rester là, pourtant quelques mois plus tard, le fermier de la Saskatchewan envisage d’attaquer Monsanto en justice car des pieds de colza continuent de pousser alors Percy Schmeiser en a arrêté la culture. Les analyses confirment qu’il s’agit de plantes brevetées par Monsanto. La firme propose alors de prendre à sa charge l’extraction de ce colza indésirable à condition de ne pas ébruiter l’affaire, ce que Schmeiser refuse. Un nouveau procès se prépare alors. Mais à la veille de celui-ci, les deux partis concluent un accord. Sa teneur exacte n’en est pas connue, mais Monsanto accepte tout de même de reconnaitre sa responsabilité.
D’un point de vue strictement légal, Monsanto est sorti gagnant de son opposition avec Percy Schmeiser et celui-ci a été reconnu coupable. On pourrait donc penser qu’avec son armée d’avocats et de lobbyistes, l’entreprise américaine est infaillible en matière de relation publique et de gestion de son image.
Pourtant c’est peut-être cet excès de confiance qui amènent parfois ses porte-paroles à jouer quelques fausses notes dans une partition de communication bien huilée, comme il y a quelques mois dans l’émission Spécial Investigation sur Canal + . Les adversaires de Monsanto ont de l’espoir : le géant n’est pas infaillible et imbattable… et il y aura d’autres Percy Schmeiser !
Sources des photos: denkmalfilm.tv / islandbreath.blogspot.com