« Petit » Pierre Avezard : un grand rêveur et un artiste hors normes

Venu au monde de manière prématurée en 1909 à Vienne-en-Val, une petite commune située à une vingtaine de bornes d’Orléans, Pierre Avezard est né atteint du syndrome de Franceschetti-Lein. En résulte une déformation génétique qui le rend sourd et quasi-muet, borgne et au visage malformé. Sans palais ni pavillon d’oreille, il est raillé, pour ne pas dire tourmenté, par les autres enfants. À seulement 7 ans, il est ainsi retiré de l’école… 

La vie à la ferme

Heureusement, celui que ses parents surnomment affectueusement « Petit Pierre » est en revanche béni par une famille aimante. Sa sœur Thérèse, de deux ans son aînée, lui enseigne ainsi les rudiments de la lecture et de l’écriture. Son frère, ingénieur en aéronautique, l’amènera plus tard dans ses nombreux voyages, et lui ramènera constamment des matériaux pour ses futures œuvres. En attendant, Pierre Avezard travaille dans les fermes de l’agglomération d’Orléans comme garçon vacher. Il y observe la nature, le mouvement des bêtes et des machineries agricoles, qui deviendront des inspirations majeures de ses travaux à venir.

À 26 ans, en 1935, il est engagé dans une ferme de Fay-aux-Loges. Là encore, les autres employés se moquent de lui, détruisent ses quelques affaires… Et comme à l’école, petit Pierre s’isole. Au-dessus de l’étable où est conservée la paille pour les bêtes, il se crée un refuge inaccessible. D’ici, il fabrique un brillant « système mécanique de distribution de betteraves aux vaches méritantes » avec un tapis roulant à actionner via un pédalier de vélo. 

20 ans plus tard, les machines ont toutefois remplacé Petit Pierre. Mais son patron, monsieur Hareng, est si admiratif du brave inventeur autodidacte qu’il lui offre un petit lopin de terre sur lequel il pourra vivre protégé des railleries et surtout, pratiquer son art. 

Plus un reclus

Ici il meule, assemble, ajuste et peint des figurines articulées, dresse une Tour Eiffel en acacia… En quelques années il aura édifié des dizaines de tableaux mécaniques : traite des vaches, danseurs, avions et trains parcourent joyeusement la cour de Petit Pierre. Jusqu’à ce que l’atelier et son étrange propriétaire commencent à attirer des visiteurs émerveillés et sans le vouloir, Petit Pierre est devenu une célébrité des dimanches campagnards ! Son fameux manège en particulier, fait de matériaux de récupération et virevoltant au rythme d’un vieux tourne-disque donne à son atelier des airs de fête foraine qui ravit petits et grands.

Les années continuent de passer, désormais dans une joie légère… Mais Petit Pierre vieillit. Atteint d’hémiplégie, il ne peut plus protéger son théâtre féerique de la rouille et de la montée des hautes herbes. Sans parler du vandalisme et du vol des passants… Cependant, nombreux sont ceux à s’émouvoir du dépérissement du monde de Petit Pierre. Emmanuel Clot par exemple, lui consacre un court-métrage documentaire qui sera récompensé par un César. Vient plus tard une bande-dessinée de Florence Lebonvallet. Jean-Pierre Jeunet aussi lui rend hommage avec un personnage portant son nom dans le film « Micmacs à tire-larigot ».

Enfin, le désormais célèbre Manège de Petit Pierre est démonté puis reconstruit pour être exposé à la Fabuloserie, dans l’Yonne, 3 ans avant sa disparition en 1992. Un dernier hommage pour cet artiste hors-normes qui nous a prouvé que par l’imaginaire et l’ingéniosité, il est toujours possible de communiquer et même d’émerveiller un monde qui nous avait pourtant rejeté.

photos : loiret.fr et radiofrance.fr/

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