Pétrole: Arabie et Russie veulent prolonger l'accord de neuf mois
par Chen Aizhu
PEKIN (Reuters) – L’Arabie saoudite et la Russie ont exprimé lundi leur volonté de prolonger de neuf mois, jusqu’en mars 2018, l’accord de réduction de la production pétrolière en vigueur depuis le début de l’année en vue de faire remonter de façon régulière les cours d’un marché qui est pour l’heure engorgé.
L’annonce, intervenue 10 jours avant la prochaine réunion ministérielle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont la Russie ne fait pas partie, et le choix des mots ont étonné le marché et les cours tant du WTI texan que du Brent de Mer du Nord ont pris plus de 2%.
Le ministre saoudien de l’Energie, Khalid al Falih, et son homologue russe, Alexandre Novak, se sont engagés à « faire tout ce qu’il faut » pour réduire les stocks mondiaux et les ramener à leur moyenne de cinq ans. Ils reprennent ainsi la formule employée au cours de l’été 2012 par le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, pour afficher sa détermination à sauver l’euro.
« Il y a eu une nette réduction des stocks mais nous ne sommes pas encore là où nous voulons être, à leur moyenne de cinq ans », a dit Kahlid al Falih, lors d’un point de presse à Pékin en présence d’Alexandre Novak. « Nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait prolonger l’accord ».
L’Opep, la Russie et d’autres pays producteurs se sont entendus fin 2016 pour réduire leur production de brut de près de 1,8 million de barils par jour (bpj) sur une période couvrant le premier semestre 2017.
CONVAINCRE LES AUTRES PRODUCTEURS
L’Arabie saoudite, chef de file de fait de l’Opep, et la Russie, le premier producteur mondial, représentent 20% environ de l’offre pétrolière mondiale.
Egalement présent à Pékin, Vladimir Poutine a déclaré avoir rencontré récemment les dirigeants des principales compagnies pétrolières russes. Il a affirmé qu’ils étaient favorables à une prolongation de neuf mois de l’accord.
« Je ressens de l’optimisme car notre principal partenaire dans ce processus, et notre principal partenaire est sans aucun doute l’Arabie saoudite, a pleinement respecté tous les accords conclus jusqu’à présent et, deuxièmement, l’Arabie saoudite veut maintenir des prix stables et justes pour le pétrole », a dit le président russe.
La tâche des Saoudiens et des Russes est désormais de convaincre les autres producteurs.
Membre de l’Opep, l’Irak, dont la production est en plein essor, a déclaré qu’il soutiendrait une prolongation limitée à six mois.
Le Kazakhstan, non membre du cartel, a fait savoir lundi qu’il aurait du mal à respecter tout nouvel accord reposant sur les mêmes bases que le précédent en raison de la hausse attendue de sa propre production. Oman s’est pour sa part déclaré totalement favorable à une prolongation de neuf mois.
« Je pense que l’Opep et la Russie admettent que pour rallier le marché à leur cause, il leur faudra employer les grands moyens, allant bien au-delà d’une simple prolongation de l’accord », observe Virendra Chauhan, analyste d’Energy Aspects.
« Le marché attendra aussi une réduction des exportations et pas seulement de la production; c’est ce qu’il faut pour rééquilibrer le marché ».
LE PÉTROLE DE SCHISTE AMÉRICAIN, L’INCONNU
Malgré l’entrée en vigueur de l’accord le 1er janvier, les cours du pétrole ont perdu environ 10% depuis le début de l’année dans un marché qui reste saturé, ce qui a amené les pays producteurs à commencer à envisager de reconduire leur pacte.
Selon une source de l’Opep, les stocks pétroliers en mer ont toutefois diminué d’un tiers depuis le début de l’année.
Si les producteurs maintiennent les coupes au rythme actuel cela pourrait amener le marché à accuser un petit déficit au quatrième trimestre, a déclaré Edward Bell, directeur de la recherche sur les matières premières chez Emirates NBD à Dubaï.
Mais l’inconnue majeure reste la réponse des producteurs de schistes aux Etats-Unis, susceptibles de contrecarrer la volonté russo-saoudienne de rééquilibrage du marché.
Les Etats-Unis ne participent pas à cet effort international et leurs producteurs ont augmenté leurs extractions cette année, encouragés précisément par la remontée des cours qui avait suivi l’annonce de l’accord en novembre.
L’activité de forage aux Etats-Unis a atteint la semaine dernière un plus haut de deux ans, tandis que la production a bondi de plus de 10% depuis son creux de la mi-2016.
Un bond des exportations américaines vers l’Asie, le principal marché mondial, constitue un souci majeur pour le cartel, estime Edward Bell.
(Avec Aizhu Chen à Pékin, Henning Gloystein et Florence Tan à Singapour, Julie Carriat, Wilfrid Exbrayat, Claude Chendjou et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Juliette Rouillon)