Pierre Omidyar, d'Ebay au journalisme militant
L’annonce est loin d’être passé inaperçue, lorsque, en octobre 2013, l’entrepreneur et philanthrope Pierre Omidyar a déclaré vouloir investir 250 millions de dollars dans la création de First Look Media , une organisation indépendante soutenant la liberté d’expression journalistique. A l’heure des révélations d’Edward Snowden et de Wikileaks, et alors que de graves menaces pèsent sur les libertés individuelles, l’idée d’une plateforme dédiée à une information citoyenne prend un relief tout particulier. D’autant plus que ces moyens financiers conséquents permettront à First Look Media de s’affranchir de toute contrainte et assureront la neutralité éditoriale nécessaire au projet.
Une équipe triée sur le volet et un premier site
Pour mener à bien son pari, Pierre Omidyar a voulu s’entourer de collaborateurs de renom, au nombre desquels Glenn Greenwald, ancien membre du Guardian et militant pour le respect des droits civils, à l’origine de la publication des révélations d’Edward Snowden. Le journaliste a sans hésité saisi l’opportunité de collaboration offerte par Pierre Omidyar, décrivant « une opportunité qui ne se produit qu’une seule fois dans la carrière d’un journaliste et qu’il serait impossible de décliner » .
Autre membre de l’équipe, Jeremy Scahill, auteur de nombreux reportages dénonçant les dommages collatéraux liés à la guerre contre le terrorisme. Enfin, Laura Poitras, documentariste ayant déjà travaillé sur les écoutes de la NSA, complète l’équipe de rédaction. Après les déclarations intentionnelles d’octobre et le déblocage d’une première tranche de 50 millions de dollars, un premier site a été mis en place le 10 février 2014. The Intercept , tout entier dédié à la liberté de la presse et dénonçant les dérives des agences de surveillance liées au gouvernement américain, publie pour l’essentiel des documents procurés par Edward Snowden. D’ici peu, le réseau s’étoffera de nouvelles publications, ayant pour thèmes des sujets sensibles tels que la santé, la technologie, la science, la politique, et l’environnement, mais aussi plus légers, accordant une place pour le divertissement, les sports et les styles de vie.
Un patron de presse hors du commun
En fondant le site d’enchères Ebay, en 1995, Pierre Omidyar a intégré le club des entrepreneurs milliardaires. Mais son parcours est loin de se résumer à ce glorieux fait d’arme, et, à mesure que sa fortune grandissait, une multitude de nouveaux projets à vocation philanthropique se sont concrétisés autour de lui et de son épouse Pamela. Le plus important demeure le réseau Omidyar Network , lancé en 2004 avec le but de soutenir les initiatives favorisant l’auto-habilitation. Le fait que ce français d’origine iranienne, détenteur de la nationalité américaine, s’intéresse au journalisme au point de débourser des centaines de millions d’euros n’aura pas surpris les observateurs. D’abord, sa fortune s’élevant à plus de 8 milliards de dollars le lui permet amplement. Ensuite, cet entrepreneur de 47 ans n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il est à l’origine, en 2010, de la création du site d’information Honolulu Civil Beat . De plus, ses fondations philanthropiques, Omidyar Network et Democracy Fund , ont maintes fois soutenu les libertés d’opinion et d’expression.
La presse, nouvel Eldorado pour les grands patrons ?
La carrière et les engagements passés de Pierre Omidyar et de ses collaborateurs témoignent en faveur de son intégrité et de son réel désir de sauver une certaine vision du journalisme. Il n’en demeure pas moins que depuis peu, les milliardaires du web s’intéressent de très près aux médias, comme le prouve l’investissement de Xavier Niel, patron de Free, dans Le Monde en 2010, et, plus récemment, de Jeff Bezos, patron d’Amazon, dans le Washington Post. La plupart du temps financées sur leurs fonds propres, ces acquisitions, quel que soit le but recherché, pourrait s’avérer à terme bénéfiques pour le renouveau de la presse. En apportant les capitaux nécessaires et des méthodes novatrices, en offrant aux rédacteurs du temps ainsi que l’absence de contraintes financières, une nouvelle forme de journalisme pourrait ainsi voir le jour.
Sources des photos : www.japantimes.co.jp / www.mediawiredaily.com /