Porto Rico pour le rattachement aux USA, lors d'un référendum boycotté
SAN JUAN (Reuters) – Les Portoricains ont voté pour faire de leur île des Caraïbes hispanophone le 51e Etat des Etats-Unis, lors d’un référendum purement consultatif marqué par une forte abstention.
Mais d’âpres tractations à Washington seront requises pour qu’un jour pareil scénario devienne réalité.
Selon le gouvernement de San Juan, la perspective d’un statut d’Etat américain à part entière a obtenu 97% des suffrages lors du référendum organisé dimanche. Sur 2,2 millions d’inscrits, la participation n’était cependant que de 23%.
Le gouverneur de Porto Rico, Ricardo Rossello, avait fait campagne pour ce statut, présenté comme source de croissance pour l’île, croulant sous une dette de 70 milliards de dollars (62,5 milliards d’euros) et handicapée par un taux de pauvreté de 45%, un système scolaire inefficace et des caisses de retraite et d’assurance maladie au bord de la faillite.
« A partir d’aujourd’hui, le gouvernement fédéral ne pourra plus ignorer la voix de la majorité des citoyens américains de Porto Rico », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le statut politique flou de Porto Rico, qui remonte à l’acquisition de l’île par les Etats-Unis à l’Espagne en 1898, a contribué à la crise économique en cours, qui a conduit début mai le gouverneur à demander à ce que le territoire soit déclaré en situation de faillite.
« J’ai voté pour devenir un Etat », déclarait Armando Abreu, un retraité de 74 ans, après avoir glissé son bulletin dans l’urne. « Même si cela reste encore dans un horizon lointain, c’est notre seul espoir. »
Les partisans de ce statut estiment qu’il permettra de placer l’île sur un pied d’égalité avec les 50 autres Etats, d’accéder à davantage de financements fédéraux et au droit de vote à l’élection présidentielle.
En vertu du statut actuel d' »Etat libre associé », les 3,5 millions de citoyens américains de Porto Rico ne paient pas d’impôts fédéraux et ne perçoivent pas de financements fédéraux pour des programmes comme Medicaid, bien que l’administration américaine supervise les domaines financiers et les questions de défense, de commerce et d’infrastructures.
Le sort de Porto Rico n’est généralement pas considéré comme une priorité à Washington. Ce référendum sur le statut de l’île est le cinquième du genre à Porto Rico depuis 1967. Le principe d’une accession au statut d’Etat des Etats-Unis l’a emporté lors du dernier scrutin du même type en 2012.
« PLÉBISCITE FORCÉ », DIT L’OPPOSITION
Le référendum demandait aux électeurs de choisir entre un statut d’Etat à part entière, un maintien du statu quo, ou une indépendance des Etats-Unis.
Les deux principaux partis d’opposition ont boycotté le scrutin.
Pour Rafael Hernandez Colon, ex-gouverneur membre du PPD (Parti populaire démocratique) et partisan de variantes du statut actuel, « ce plébiscite forcé a fabriqué une majorité artificielle pour le statut d’Etat en privant de voix des centaines de milliers de partisans du Commonwealth ».
Une troisième formation, le Parti de l’indépendance de Porto Rico (PIP), soutient l’idée d’une sécession complète.
Environ 500 personnes ont manifesté à San Juan, la capitale, en faveur d’une sécession des Etats-Unis, brandissant le drapeau portoricain et brûlant le drapeau américain.
« C’est un plébiscite bidon. L’avenir c’est l’indépendance. Nous devons être en mesure de décider de notre propre destinée », estimait l’une des organisatrices de la marche, Liliana Laboy.
D’autres habitants partageaient plus ou moins cet avis.
« On est en faillite et 85% d’entre nous ne parlent pas anglais. Pourquoi voulez-vous que le gouvernement américain s’embarrasse d’un problème comme Porto Rico », estimait Carolina Santos, une jeune mère célibataire.
(par Tracy Rucinski. Eric Faye, Julie Carriat et Gilles Trequesser pour le service français)