Qui est Josiah Zayner, le biohacker prêt à s’injecter de l’ADN de méduse ?
Le biohacker californien Josiah Zayner aimerait que chaque individu ait la main sur son patrimoine génétique et qu’il puisse le modifier quand il le souhaite. Lui-même l’a fait sur son propre corps et ses prises de position attisent la curiosité autant qu’elles interrogent.
Génie libertaire au service de l’humanité ou bien gourou scientifique un brin givré ? Difficile de rester neutre lorsqu’il s’agit d’évoquer Josiah Zayner, le biohacker le plus connu au monde. Ce californien de 40 ans au look atypique et déjanté, réputé toujours d’humeur joviale, est un spécialiste du système CRISPR (Clustered Regulary Interspaced Short Palindromic Repeats). Ce système désigne les familles de séquences répétées dans l’ADN. En clair, Josiah Zayner est un spécialiste de la modification de l’ADN et il met tout en œuvre pour rendre la science de la génétique accessible au plus grand nombre.
D’abord, l’histoire de Josiah Zayner démarre par une enfance compliquée, où sa mère subit des maris violents tout en se démenant pour que ses quatre enfants effectuent des études. Lui choisit l’université de Chicago, où il est accepté en doctorat parmi les élèves de Luciano Marraffini, un des pionniers du CRISPR. Peu à l’aise avec le réseau et le copinage, l’étudiant apprécie modérément le monde universitaire mais il demeure passionné par la recherche. Il réussit un concours de recrutement pour intégrer la NASA où il est chargé de trouver un moyen de réduire plus rapidement les déchets plastiques pour alléger les stations spatiales.
Des kits d’ADN à acheter en ligne
Comme à l’université, le jeune homme ne se familiarise pas avec les contraintes réglementaires, alors il se lance seul dans son aventure folle. En 2015, il crée The Odin dans un petit studio : son objectif, lancer une start-up qui met à la disposition du grand public le savoir-faire en matière de génétique. Son opération de crowdfunding lui rapporte 75.000 dollars, lui permettant d’installer de plus grands locaux et de salarier trois autres personnes.
C’est alors que Josiah Zayner commence à bâtir sa légende : il édite des kits DiY (Do it Yourself) composés de pipette, de tubes, d’échantillons ADN, de levure et de bactéries, destinés à être expédiés aux quatre coins des États-Unis pour des sommes allant de 60 à 150 dollars. Ses clients sont des étudiants, des passionnés de génétique ou simplement des curieux. Lui-même réalise des expériences qu’il estime réussies : confronté à des soucis intestinaux, il ingère des bactéries issues de la matière fécale d’un ami en pleine santé et il affirme ne plus avoir eu de soucis depuis. Il tente aussi d’obtenir une peau bronzée, de faire gonfler son avant-bras ou de s’implanter de l’ADN de… méduse !
Une idéologie libertaire
À travers ses initiatives, Josiah Zayner veut avant tout défendre une idée libertaire partant du principe que l’humain sera davantage proactif en matière de médecine au cours des prochaines années. Selon lui, l’humain doit s’approprier son corps. Par exemple, tout en faisant encore confiance au médecin, il pourrait lui-même réaliser ses extractions sanguines lors des analyses médicales. Ses prises de position, défendues par George Church, un gourou de la biologie synthétique très influent qui conseille Zayner et ses équipes, posent un problème éthique majeur. L’humain doit-il modifier son patrimoine génétique sans aucune raison que celle d’en avoir envie ?
Le législateur interdit aujourd’hui la modification génétique mais le biohacking est de plus en plus prisé pour des raisons médicales mais aussi esthétiques. Où doit être fixée la limite et pourquoi ? Peut-on contribuer à créer des êtres hybrides entre la méduse et l’humain ? Faut-il protéger l’accès à cette science pour ne pas que l’humain en tire un mauvais parti ? Lors de la pandémie de Covid, par exemple, certains biohackers amateurs ont fait le pari de créer leur propre vaccin alors qu’ils n’ont aucune compétence en immunologie.
Créer un dragon plutôt qu’une race supérieure
Ces questions ont leur place dans le débat politique et l’action de Josiah Zayner ne laisse personne insensible. Lui ne vise pas la recherche d’une race « supérieure » ou « parfaite » mais simplement l’idée d’ôter des souffrances aux progénitures en estimant que le patrimoine génétique ne doit pas être réservé aux recherches des universitaires et des laboratoires privés. Surtout, il milite pour le droit de chacun à faire ce qu’il souhaite de son propre corps.
Le domaine scientifique s’est de son côté d’abord montré unanime pour critiquer le CRISPR en soulignant sa dangerosité mais il est depuis revenu sur ses conclusions, estimant qu’il manque encore des éléments pour dire « non » à ce système. Fan de la première heure de la série futuriste Star Trek qui l’a bercé pendant son enfance, Josiah Zayner verrait d’un bon œil la science-fiction devenir réalité; un de ses rêves: créer un dragon! Raisonnable, excitant, fou ou effrayant ? Chacun est libre d’en juger.
Photos : buzzfeed.com – technologynetworks.com – biohackinfo.com