Saoudiens et Houthis négocient secrètement la paix au Yémen
ADEN/DUBAI (Reuters) – L’Arabie saoudite et le mouvement houthi mènent des négociations secrètes pour tenter de mettre fin à trois ans de guerre au Yémen, conflit qui a provoqué la pire crise humanitaire de la planète, a-t-on appris de sources diplomatiques et politiques.
Voulant contenir l’influence de l’Iran dans la région, Ryad a pris la tête d’une coalition militaire arabe qui combat les Houthis mais n’est pas parvenue à ramener au pouvoir le président yéménite en exil Abd Rabbou Mansour Hadi malgré le blocus du pays et des bombardements aériens intensifs.
Les Saoudiens accusent le mouvement chiite yéménite d’être soutenu par l’Iran, ce que les Houthis démentent.
Selon deux diplomates et deux responsables yéménites qui ont tenu à rester anonymes, le porte-parole du mouvement houthi, Mohamed Abdoul-Salam, a entamé des discussions directes avec des représentants saoudiens dans le sultanat d’Oman pour trouver une solution au conflit.
« Il y a des consultations entre Houthis et Saoudiens, sans la présence d’un représentant du gouvernement (yéménite) reconnu par la communauté internationale, et il y a clairement une volonté de la part des Houthis et de la coalition de parvenir à un accord », a dit un diplomate à Reuters.
Dans un communiqué transmis à Reuters, un responsable de la coalition a démenti que l’Arabie saoudite avait entamé des pourparlers avec les Houthis. Ces derniers n’ont pas souhaité faire de commentaire.
De sources diplomatiques, on indique que les discussions ont débuté il y a deux mois et que l’espoir des deux camps serait de parvenir à proposer un cadre de résolution du conflit lors de l’arrivée, dimanche prochain, du nouvel émissaire des Nations unies pour le Yémen, le diplomate britannique Martin Griffiths.
Aucun des responsables interrogés par Reuters n’a cependant été en mesure de dire si les discussions avaient progressé.
La dernière session de négociations entre le gouvernement yéménite et les Houthis sous l’égide de l’Onu s’est tenue au Koweït en août 2016.
MATTIS DEFEND LE SOUTIEN DES USA À LA COALITION SAOUDIENNE
Issus du zaïdisme, une école de pensée se réclamant du chiisme, les Houthis se sont emparés de la capitale Sanaa et ont contraint le président Abd Rabbou Mansour Hadi à l’exil.
L’avancée des Houthis a conduit l’Arabie saoudite à prendre en 2015 la tête d’une coalition militaire contre ce mouvement, Ryad bénéficiant dans ce cadre du soutien des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
En trois ans, le conflit a tué plus de 10.000 personnes, provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes et précipité le Yémen – déjà le pays le plus pauvre de la péninsule arabique – au bord d’une famine généralisée.
En l’absence de toute perspective de victoire pour la coalition – malgré des milliers de raids aériens et de modestes gains territoriaux – des responsables saoudiens, dont le tout puissant prince héritier et ministre de la Défense Mohammed bin Salman, ont fait état de leur souhait de voir la guerre se terminer.
Interrogé au sujet du soutien apporté par les Etats-Unis à la coalition – qui prend notamment la forme d’un partage limité d’informations et le ravitaillement des avions – le secrétaire d’Etat américain Jim Mattis a estimé qu’il se justifiait par la nécessité d’aboutir à un accord.
Depuis la fin de l’année dernière, l’administration Trump a averti l’Arabie saoudite que les inquiétudes du Congrès au sujet de la situation humanitaire au Yémen pouvait se traduire par une diminution de l’assistance américaine.
Jim Mattis a souligné que tout retrait américain était susceptible d’encourager les Houthis, qui ont tiré des missiles aussi bien sur des cibles saoudiennes que sur des navires au large des côtes yéménites.
« Nous devons parvenir à un accord négocié et nous pensons que notre politique actuelle est la bonne pour atteindre ce objectif », a-t-il dit à des journalistes dans l’avion le ramenant à Washington après une tournée au Moyen Orient et en Afghanistan.
La question de la participation des Etats-Unis au conflit au Yémen est le dernier épisode d’un différend en cours entre le Congrès et la Maison blanche sur le contrôle des conflits militaires.
Cela fait des années que des élus estiment que le Congrès a concédé trop d’autorité à la Maison blanche en matière militaire. Selon la Constitution, il revient au Congrès – et non le président – de déclarer une guerre.
Dans une lettre du 14 mars adressée au chef de file de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell, Jim Mattis a qualifié le soutien des Etats-Unis au Yémen « d’appui non-militaire ».
(Mohamed Ghobari et Noah Browning, avec la contribution de Phil Stewart à Washington, Tangi Salaün et Benoît Van Overstraeten pour le service français)