Les sénateurs brésiliens décident de juger Dilma Rousseff
BRASILIA (Reuters) – Les sénateurs brésiliens se sont prononcés tôt mercredi matin en faveur de la tenue d’un procès contre la présidente Dilma Rousseff, suspendue depuis mai dernier pour maquillage des comptes publics.
Après 20 heures de débats tendus en plein Jeux olympiques de Rio, les 81 membres de la chambre haute du Parlement ont voté par 59 voix contre 21 l’ouverture d’un procès en destitution.
Les sénateurs, qui jugeront eux-mêmes la chef de l’Etat, devraient rendre leur verdict à la fin du mois.
S’ils se prononcent par une majorité des deux-tiers pour la destitution, soit 54 voix, Dilma Rousseff sera définitivement démise de ses fonctions et remplacée jusqu’à la fin de son mandat, en 2018, par l’actuel président par intérim Michel Temer.
Le vote des sénateurs fait suite à la publication la semaine dernière d’un rapport qui a conclu que la présidente s’était rendue coupable de violation de la Constitution en manipulant les comptes publics en vue de favoriser sa réélection en 2014.
Ce rapport a manifestement renforcé la détermination des sénateurs à juger Dilma Rousseff puisqu’en mai, sa suspension temporaire n’avait été votée « que » par 55 voix contre 22.
Dilma Rousseff nie avoir enfreint le droit et affirme être victime d’une conspiration organisée par l’opposition de droite, dont Michel Temer est le chef de file.
« LES DÉS SONT PIPÉS »
Sa destitution mettrait fin à 13 années de pouvoir du Parti des travailleurs (PT), entamées avec l’élection de Luiz Inácio Lula da Silva en 2003. L’ex-président a lui-même été inculpé fin juillet pour tentative d’entrave à la justice dans le cadre de l’enquête sur le scandale de corruption lié au groupe pétrolier Petrobras.
« Les dés sont pipés. Il n’y aura pas de procès, juste un verdict écrit à l’avance », a dénoncé mardi le sénateur du PT Jorge Viana pendant le débat au Sénat présidé par le ministre de la Justice, Ricardo Lewandowski.
La procédure en destitution est orchestrée par une élite qui s’oppose au progrès social, a affirmé Jorge Viana. Les partisans de Dilma Rousseff dénoncent aussi le fait que la chef de l’Etat soit jugée par le Sénat, dont de nombreux élus sont soupçonnés par la justice d’avoir reçu des pots-de-vin dans le cadre du scandale Petrobras.
Conspué lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Rio, Michel Temer a jusqu’à présent eu le plus grand mal à asseoir son autorité et à s’attaquer à la crise budgétaire qui menace de faire plonger l’économie brésilienne dans sa pire récession depuis les années 1930.
La perspective de le voir s’installer définitivement à la présidence a cependant été saluée sur les marchés financiers, où la monnaie brésilienne s’est renforcée alors que la Bourse de Sao Paulo a gagné 30% depuis le début de l’année.
(par Anthony Boadle. Avec Carolina Marcello and Bruno Federowski; Tangi Salaün pour le service français)