Sur la trace d’une bien mystérieuse chouette d'or
26 ans. 26 ans qu’une chouette de 50 centimètres d’envergure fait courir des milliers de chasseurs de trésor. 200.000 selon les estimations, dont certains depuis le 15 mai 1993, date du lancement du jeu. Si son créateur avait tablé sur une durée de un à deux ans avant la résolution de l’énigme, personne n’a, à ce jour, mis la main sur le précieux volatile.
Un million de francs pour l’inventeur
L’aventure de la chouette d’or débute de la manière la plus rocambolesque possible. Dans la nuit du 23 au 24 avril 1993, le concepteur de l’énigme s’engouffre sur un chemin de rase campagne. Dans le coffre de sa voiture, une pelle, une lampe de poche et une statuette en bronze représentant le fameux rapace, qu’il s’apprête à enfouir dans un lieu connu de lui seul. Le 15 m ai suivant parait aux éditions Manya un ouvrage intitulé « Sur la trace de la chouette d’or ». 11 énigmes s’y succèdent, phrases sibyllines illustrées de tableaux contenant eux-mêmes des indices. L’inventeur, comme l’on nomme le découvreur d’un trésor, qui parviendra à localiser la sculpture en bronze se verra remettre le vrai lot du jeu, une chouette de 10 kilos faite d’or, d’argent et de diamants, dont la valeur est évaluée à un million de francs.
La plus longue chasse au trésor de l’histoire
Bénéficiant d’un engouement médiatique sans précédent, l’ouvrage s’écoule à 70.000 exemplaires et se trouve plusieurs fois réédité. Dans toute la France, des « chouetteurs » de toutes catégories socio-professionnelles battent la campagne le livre à la main. Si les premières énigmes s’avèrent assez simples à résoudre, les choses se compliquent nettement au fil des pages. Un serveur minitel est mis en place, sur lequel le concepteur de l’énigme répond personnellement aux interrogations des chercheurs, bientôt suivi par un site Internet. Des liens se créent, des communautés se forment, des hypothèses se font jour. La chouette serait enterrée à Dobo, dans la Moselle. Pour d’autres, c’est du côté de Lus-la-Croix-Haute, dans le Vercors, qu’il faudrait creuser. Mais un quart de siècle plus tard, toujours aucune trace du précieux volatile.
Max Valentin, le génial homme-chouette
Comment 22 pages d’une énigme ont-elles pu tenir en échec tous ceux qui s’y sont frottés ? Le niveau de difficulté était-il trop élevé ? Et, surtout, la célèbre chouette a-t-elle était réellement enterrée ? Plus de 9400 jours après le lancement du jeu, la question s’avère légitime et les suppositions vont bon train. Tous les doutes ont été réfutés par Max Valentin, le créateur de l’aventure et seul détenteur de la solution de l’énigme.
Ce communiquant, de son vrai nom Paul Régis Hauser, s’était auparavant illustré dans la confection de jeux de piste à destination des entreprises. Puisant son inspiration dans Masquerade, chasse au trésor alors célèbre outre-Manche et promettant au vainqueur un lièvre d’or, il s’associe au début des années 1990 avec l’artiste Michel Becker, qui se voit chargé de confectionner la chouette et d’illustrer l’ouvrage. En 2009, la disparition de Max Valentin, décédé seize ans jour pour jour après avoir enfoui son trésor sème le trouble dans le microcosme des chercheurs.
La chouette au tribunal
Cette même année 2009 marque un tournant dans l’histoire de la chouette : au décès de Max Valentin se rajoute la liquidation judiciaire de la maison d’édition Manya. Jusqu’alors conservée dans un coffre sous la responsabilité d’un huissier, la véritable et précieuse chouette se voit restituée à Michel Becker, seul organisateur du jeu encore en vie. Ce dernier commet envers les chouetteurs un crime de lèse-majesté que ces derniers ne lui pardonneront pas : en 2014, les chercheurs découvrent par hasard que l’artiste met en vente la sculpture aux enchères. La vente est annulée in extremis, et les membres de l’Association des chercheurs de la chouette d’or assignent Michel Becker en justice. Ce dernier se doit, selon un jugement confirmé en 2017, de conserver la chouette en attendant qu’un participant ne trouve enfin la contremarque en bronze. Mais cette contremarque est-elle encore trouvable ?
Une quête toujours d’actualité
Certains chercheurs en arrivent à douter de l’honnêteté de Max Valentin. Pourtant, une enveloppe contenant la résolution du mystère aurait été confiée à un huissier. D’autres suggèrent que si la chouette a bien été enterrée, une construction imprévue aurait pu recouvrir le lieu d’enfouissement. Les membres de l’association A2CO, qui rassemble les participants les plus actifs, peinent à s’accorder sur les démarches à entreprendre. Faut-il ouvrir l’enveloppe scellée contenant la clé du mystère et procéder à des vérifications afin de s’assurer que le très convoité volatile ne s’est pas envolé ? Beaucoup de chercheurs s’opposent à cette hypothèse, qui pourrait selon eux fausser le jeu.
Un jeu qui séduit toujours, puisque le livre, qui peut se consulter gratuitement sur un site de passionnés , est encore téléchargé entre 5 et 10 fois par jour. Près de trois décennies après son lancement, l’énigme de la chouette d’or perdure toujours.
Photos : leparisien.fr / liberation.fr / lachouettedorpareric.a.l.f.unblog.fr / YouTube