par Susan Heavey, Makini Brice et Tom Perry
WASHINGTON/BEYROUTH (Reuters) – Donald Trump a prévenu la Russie mercredi que les Etats-Unis pourraient intervenir militairement en Syrie après l’attaque au gaz toxique contre la ville rebelle de Douma, dans la Ghouta orientale, imputée au régime syrien.
Le président américain répondait ainsi aux avertissements lancés par Moscou qui avait prévenu les Etats-Unis que tout missile tiré contre la Syrie serait abattu et que les sites de lancement seraient détruits.
« La Russie promet d’abattre tous les missiles tirés contre la Syrie. Tiens-toi prête, Russie, parce qu’ils arrivent, beaux et neufs(…) », écrit Trump sur Twitter.
« Vous ne devriez pas être les partenaires d’un animal qui tue son peuple avec des gaz et s’en réjouit! » poursuit-il, faisant allusion au président syrien, Bachar al Assad.
La porte-parole de la Maison blanche a ultérieurement précisé que l’hypothèse d’une frappe aérienne contre des cibles militaires situées en Syrie n’était qu’une option parmi d’autres tout en rappelant que Donald Trump tenait la Russie et la Syrie pour responsable de l’attaque aérienne imputée au régime de Bachar al Assad.
Moins d’une heure après ses tweets matinaux, Donald Trump a proposé de contribuer à la relance de l’économie russe et de mettre un terme à ce qu’il appelle une « course aux armements ».
Le ministère russe des Affaires étrangères a réagi aux propos du président américain, estimant que les missiles américains devraient viser les terroristes plutôt que le gouvernement syrien.
« Les missiles guidés devraient filer vers les terroristes, pas vers le gouvernement légal qui combat depuis plusieurs années sur son sol le terrorisme international », a écrit sur Facebook la porte-parole du ministère, Maria Zakharova.
Pour elle, une éventuelle frappe américaine, en effaçant les éléments d’analyse, pourrait viser à empêcher toute enquête indépendante sur l’attaque chimique qui, selon les rebelles syriens, a eu lieu samedi dernier à Douma, près de Damas.
Le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, se montrant plus pondéré que Donald Trump sur l’éventualité d’une intervention militaire, a affirmé que Washington étudiait toujours les renseignements sur le recours présumé à l’arme chimique.
« Nous travaillons toujours là-dessus », a dit Jim Mattis à propos d’éventuelles preuves liant le régime de Bachar al Assad à l’attaque.
LONDRES PRÊTE À PRENDRE PART A UNE ACTION MILITAIRE
Selon la BBC, le Royaume-Uni est prêt à participer à une action militaire en représailles à l’attaque chimique perpétrée à Douma.
Tout indique que les autorités syriennes sont responsables cette attaque, « un acte choquant et barbare », a déclaré la Première ministre britannique Theresa May.
« L’utilisation d’armes chimiques ne peut pas être tolérée », a-t-elle ajouté.
En cas d’intervention militaire, la Première ministre britannique, Theresa May, ne solliciterait pas l’aval du Parlement, affirmait BBC mercredi.
Sollicité par Reuters, un porte-parole de Theresa May a refusé de commenter les informations de la BBC, mais les services de la Première ministre ont ensuite fait savoir qu’un conseil des ministres exceptionnel serait organisé jeudi sans donner de précision sur les sujets qui y seront abordés.
Sky News rapporte que Theresa May en profitera pour demander à son gouvernement d’approuver le principes d’une intervention militaire.
Selon le Daily Telegraph, elle n’a pas pris de décision définitive sur une participation du Royaume-Uni à des frappes aériennes mais elle a ordonné à des sous-marins de se mettre à portée de tir de cibles syriennes afin d’être prête à toute éventualité.
Mardi soir, le président français Emmanuel Macron a déclaré que la France annoncerait « dans les prochains jours », en coordination avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, sa décision quant à une éventuelle riposte militaire contre les « capacités chimiques » du régime syrien.
Des responsables de l’administration américaine ont affirmé à Reuters que l’armée syrienne a repositionné certaines ressources aériennes afin de se protéger contre les éventuelles répercussions de raids aériens.
Les forces pro-gouvernementales ont procédé à l’évacuation des principaux aéroports et des bases aériennes de l’armée, a annoncé l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) après les déclarations de Donald Trump.
Moscou, allié de Damas, est en contact direct avec l’éta-major américain, selon Vladimir Shamanov, président de la commission parlementaire russe de la Défense.
Le président russe, Vlamidir Poutine, a dit espérer que le « bon sens » l’emporterait dans la crise qui oppose le gouvernement syrien à l’Occident.
L’analyse des prélèvements effectués à Douma n’a révélé la présence d’aucun agent toxique, a affirmé l’armée russe, citée par l’agence de presse RIA.
Elle a dit en outre avoir observé des mouvements de la marine américaine dans ses bases du Golfe.
AFFRONTEMENT DIPLOMATIQUE A L’ONU
Damas et Moscou dénoncent une manipulation de l’opposition.
L’affrontement diplomatique entre la Russie et les Etats-Unis au Conseil de sécurité de l’Onu a conduit mardi à une impasse sur une éventuelle enquête sur le recours aux armes chimiques en Syrie.
Moscou a sans surprise opposé son veto à un projet de résolution américain visant à créer un mécanisme d’enquête international. Douze pays ont voté pour, la Bolivie et la Russie ont voté contre et la Chine s’est abstenue.
Peu de temps après, deux projets concurrents de la Russie ont été rejetés faute d’obtenir le minimum requis de neuf voix.
Le premier prévoyait que les enquêteurs rendent leurs conclusions au Conseil de sécurité, qui se serait le seul habilité à établir les responsabilités. Six pays ont voté pour, sept autres ont voté contre, et deux pays se sont abstenus.
Un second texte russe approuvant l’envoi d’inspecteurs de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) à Douma a aussi été rejeté.
Sous la pression des pays occidentaux, le gouvernement syrien a invité mardi l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à envoyer des inspecteurs à Douma. L’OIAC a fait savoir que ses inspecteurs se rendraient prochainement dans la ville.
(avec Dahlia Nehme à Beyrouth, Michelle Nichols aux Nations unies, Andrew Osborn et Maria Kiselyova à Moscou, Stephanie Nebehay à Genève, Steve Holland, Idrees Ali, Mark Hosenball et Patricia Zengerle à Washington, Guy Kerivel, Jean-Stéphane Brosse, Tangi Salaün, Arthur Connan, Jean Terzian et Nicolas Delame pour le service français)