Tariq Krim, est un pionnier du Web français. C’est notamment lui qui a lancé en 2005 Netvibes, une plateforme innovante pour l’époque pré-Facebook, permettant d’agréger du contenu et de contrôler toutes ses utilisations du Web via une seule application. Après avoir revendu en 2012 à Dassault Systèmes ce qui n’était à l’origine qu’un programme maison pour l’aider à gérer ses blogs, Tariq Krim s’est lancé dans de nouveaux projets, dont l’un des derniers est dissident.ai, et est devenu au fil des années une figure emblématique du slow Web français.
Le Slow Web, qu’est-ce que c’est?
« Nous sommes ce que nous mangeons, mais aussi ce que nous consommons en ligne » peut-on lire sur le site Internet de Tariq Krim. Cette phrase résume bien la philosophie du slow Web, un mouvement lancé aux États-Unis l’an dernier par des travailleurs de la Tech, et visant à nous désintoxiquer des géants de l’Internet et notamment des fameux GAFA.
La comparaison est ici faite entre la malbouffe des fastfoods (contre laquelle s’élève le mouvement de la slow food) et la malbouffe informationnelle que nous offre de plus en plus le Web.
Pour Tariq Krim, nos applications sont pensées non pas pour nous faciliter la vie, mais pour construire des expériences addictives. Il faut voir de la publicité en permanence. Le Web se doit donc d’accaparer notre « temps de cerveau disponible ». En rendant toute l’information disponible à tout moment, en accélérant les transactions et les contacts, on pensait qu’Internet nous ferait gagner du temps, il nous en fait perdre. C’est tout ce paradoxe que tente de dénoncer le mouvement slow Web.
Dissident.ai
L’objectif de son dernier projet dissident.ai (aussi connu sous le nom de polite.one) est de nous permettre de reprendre le contrôle sur notre vie numérique et nos données.
A l’heure actuelle, Dissident.ai est décomposé en trois produits permettant tous une expérience de navigation plus personnalisée. Il y a ainsi Reader, une sorte de flux RSS amélioré qui permet d’organiser les informations et médias venant de plusieurs sources, mais selon notre propre méthode, nos propres paramètres. Deuxième service proposé, Desktop est une sorte d’agrégateur de clouds. Ce service permet d’organiser tous vos médias depuis différents clouds et de les lire directement via une seule et même application. Enfin il y a Library qui met à votre disposition une bibliothèque complète de médias libres ou tombés dans le domaine public : des livres, des films, des pièces de théâtre… il y en a pour tous les goûts.
Débuté en 2017, ce projet est en réalité une résurgence d’une vieille idée, celle de créer un système d’exploitation indépendant afin de surfer sur le Web sans être sous les radars des GAFA. Ce système d’exploitation, Tariq Krim l’avait lancé en 2008 sous le doux nom de Jolicloud, mais il n’avait pas récolté le succès escompté.
Inventer un nouveau modèle économique
Pour beaucoup, l’Internet gratuit est un leurre. Comme dans tous les autres domaines de la vie, il faut souvent passer à la caisse pour consommer du contenu de qualité. Soit directement en adhérent à des programmes payant, soit indirectement par l’impôt (sur le modèle de la redevance audiovisuelle par exemple) ou la publicité. Notre surconsommation de contenus non désirés et de publicités invasives est à la base même du financement de contenus plus qualitatifs.
Ces mêmes employés ou freelances du monde de la Tech, qui dénoncent le modèle économique du Web, tirent souvent leurs revenus de ce même modèle, directement ou indirectement. Le slow Web, s’il veut percer, devra donc relever un défi de taille : rendre Internet à la fois performant, intéressant, ouvert au plus grand nombre et économiquement viable.
Photos : nextconf.eu/ marianne.net/ wedevs.com/