Témoignage Chrétien, la voix discordante de l’Eglise
Après une période de difficultés en 2009, le journal historique du “catholicisme de gauche” est revenu grâce au soutien de ses lecteurs en 2013 sous la forme d’une lettre hebdomadaire d’abord, puis aujourd’hui d’un trimestriel revenant sur de grands sujets de société. Sa directrice de publication, Christine Pedotti, insiste sur son héritage résistant et anticlérical des débuts: “La logique reste la même: un fort engagement spirituel et une capacité de saisir le temps politique et de s’y engager”, notamment par des prises de positions qui détonnent par rapport à la voix dominante du clergé catholique.
La résistance spirituelle
Fondé en 1941 par Pierre Chaillet, un prêtre jésuite, Témoignage Chrétien est d’abord un journal clandestin qui se démarque déjà du silence tonitruant de l’Eglise en dénonçant les atrocités du nazisme. Certains de ses fondateurs sont d’ailleurs fusillés. Le périodique, alors mensuel, va payer également la radicalité de ses positions anticolonialistes lors de la guerre d’Algérie, lorsqu’une bombe éclate dans ses locaux en 1961.
Tout au long de son histoire, Témoignage Chrétien s’est démarqué de la position officielle du clergé catholique en adoptant des vues habituellement propres à des intellectuels moins portés sur la religion: féminisme, approbation du mariage pour tous, ordination des femmes prêtres… Le décalage avec la parole habituelle des évêques catholiques est pour le moins marquée.
La pédophilie au sein du clergé catholique
Témoignage Chrétien se positionne ainsi sans ambiguïté et même avec virulence sur ce sujet difficile: “nous appelons à la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de faire toute la transparence sur les crimes pédophiles et leur dissimulation dans l’église catholique”, proclame ainsi sans ambages le dernier numéro du journal, suite aux affaires récemment évoquées dans la presse. Le cléricalisme anachronique de l’Eglise catholique est pointé du doigt dans l’incapacité de l’institution à faire la lumière sur ce problème.
Dans un système où les prêtres se voient comme frères les uns des autres, où les évêques développent un paternalisme vis à vis des ouailles, et où l’église elle-même n’est pas avare de cette aura de figure maternelle par rapport aux croyants, le journal ne s’étonne pas que les difficultés de transparence soient les mêmes que pour tant de familles face à des actes pédophiles ayant eu lieu en leur sein.
L’ordination des femmes prêtres
Un autre sujet sur lequel Témoignage Chrétien s’inscrit profondément en faux contre l’Eglise est celui de la place des femmes au sein de l’institution. Un argument massue est d’abord évoqué: rien dans la Bible ne dit ou même ne sous-entend que seuls les hommes sont habilités à devenir prêtres. A quoi il est ajouté que n’importe quelle personne un tant soit peu en contact avec le monde contemporain ne peut qu’être choquée par le fait qu’une institution gérée par de grandes assemblées entièrement unisexes, exclut intégralement de toute prise de décision la moitié de leurs pratiquants car elles sont des femmes. Ceci alors qu’un nombre de ces dernières sont bien plus qualifiées en matière de connaissances théologiques et bibliques que le curé de campagne lambda.
C’est sur cet écart grandissant entre les usages antiques d’une institution cléricale en perte d’influence et une réalité sociale moderne que nombre de croyants vivent et interprètent d’une manière entièrement différente. Qui est au courant que 40 % des catholiques pratiquants sont favorables au mariage pour tous? Témoignage Chrétien souhaite faire entendre leur voix.
Sources des photos : Niooz.fr / museedelaresistanceenligne.org /la-croix.com / studio.gd /