Ancien ministre, fin stratège et chef d’entreprise avisé, Thierry Breton est aujourd’hui PDG d’Atos, géant des services informatiques, et semble détenir les clés d’une carrière réussie. A 60 ans, celui qu’on surnomme le « redresseur d’entreprise » a su se forger une réputation d’homme de confiance que ce soit en affaires ou en politique. Parfois décrié pour ses méthodes de management, il sait mettre la rigueur budgétaire au service de l’efficacité.
Diplômé de l’École supérieure d’électricité (Supélec), Thierry Breton entame sa carrière comme professeur d’informatique et de mathématiques au Lycée français de New York. Il crée sa première entreprise en 1981 -une société d’analyse de systèmes et d’ingénierie informatique dont il devient président-directeur général- puis s’attèle au projet du futuroscope de Poitiers.
Après avoir passé trois ans à la tête du groupe CGI, il prend en 1993 les rennes de Bull, alors en grande difficulté. D’abord arrivé au poste de directeur de la stratégie et du développement, il gravit les échelons pour siéger, trois ans plus tard, au conseil d’administration en qualité de vice-président, et devenir l’administrateur délégué de l’entreprise. Lors de cette expérience, il sera notamment à l’origine de la fusion de la filiale microinformatique de Bull (Zenith Data Systems) avec Packard Bell.
C’est en mars 2007 que le gouvernement le nomme à la tête de Thomson. Il oriente alors l’entreprise vers les nouvelles technologies de l’image et Internet. Un choix judicieux, puisque grâce notamment aux brevets hérités de Général Electric, et à une recapitalisation de l’entreprise par l’État -1,7 milliards de Francs, l’entreprise se refait une santé financière. Cette stratégie vaut à Thierry Breton d’être élu « Stratège de l’année » par La Tribune en 2001.
Impossible ? Pas Breton
Fort de ce premier « redressement » réussi et d’une réputation solide dans ce domaine, Thierry Breton est ensuite nommé -à nouveau par le gouvernement- à la tête de France Télécom. L’opérateur accuse alors une dette de 70 milliards d’euros à la suite de l’éclatement de la bulle financière de l’Internet. On s’y réfère comme « l’entreprise la plus endettée au monde ». Lorsqu’il prend ses fonctions, le cours de l’action est inférieur à 7 €. En moins de deux mois, le cours de bourse augmente de 170 %.
Thierry Breton choisit d’orienter France Télécom vers l’ADSL et la téléphonie mobile et lance « Ambition FT 2005 ». Ce plan de relance de l’entreprise se base sur trois points visant chacun à réduire la dette de 15 milliards d’euros : un renforcement des fonds propres de l’entreprise, un refinancement auprès des marchés et un programme d’amélioration opérationnelle. Il signe également la fin de l’aventure Orange en Bourse et reprend le contrôle à 100 % de l’entreprise et de ses bénéfices. Il lance par ailleurs le plan « Internet haut débit pour tous » – juillet 2003- ayant pour objectif de mettre le haut débit à disposition de 90 % des Français, relance l’innovation, réintègre Wanadoo, et propose avec la Livebox la première offre « Triple Play » de l’opérateur.
Á la suite de toutes ces mesures – prises en l’espace de trois ans – Thierry Breton aura ramené la dette de l’entreprise sous la barre des 40 milliards d’euros. Il quitte alors France Télécom pour le ministère de l’économie, non sans être élu président d’honneur de la firme, suite à son refus de percevoir des indemnités de départ. En janvier 2010, Thierry Breton occupe la 62ème position au classement des 100 patrons les « plus performants » au monde de la Harvard Business Review.
Une action en politique à l’image de sa carrière en entreprise
La carrière politique de Thierry Breton démarre en 1986 lorsqu’il intègre le cabinet de René Monory au ministère de l’Éducation nationale en tant que conseiller pour l’informatique et les technologies nouvelles. Il siège également pendant plusieurs années au conseil régional du Poitou-Charentes sous la présidence de Jean-Pierre Raffarin.
C’est en février 2005, à la suite de son mandat à la tête de France Télécom qu’il est appelé au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, pour prendre la place d’Hervé Gaymard à la direction de Bercy. Il y passera deux ans et demi à essayer d’assainir les comptes publics et de réduire la dette publique. Avec la même détermination que dans le monde des affaires et conscient que la France « vit au dessus de ses moyens » selon ses propres mots, il met en place une série de mesures destinées à ralentir le déficit public et relancer la croissance.
Arrêt de la baisse des impôts, réduction du nombre de postes de fonctionnaires, privatisation des autoroutes françaises -qui rapportera 14 milliards d’euros à l’État-, accès plus facile aux marchés financiers pour les PME, un meilleur intéressement pour les salariés, mais aussi l’ouverture du capital de Gaz De France ou encore des travaux sur le patrimoine immatériel de l’État -qui contribue pour 10 milliards d’euros d’actifs au bilan de l’État pour 2010-, sont autant de mesures qui font qu’á la fin de l’exercice 2005, le déficit de la France retombe à 2,9 % du PIB. L’année suivante, il est ramené à 2,5% et la dette publique enregistre une forte baisse, à 63,9% du PIB. Par ailleurs, en février 2007, le taux de chômage se situe à 8,4%, score le plus faible enregistré depuis juin 1983. Il quitte son poste de ministre de l’Economie le 15 mai 2007, au terme du mandat de Jacques Chirac.
Aujourd’hui, l’aventure Atos
Après un passage de deux ans à l’université de Management et d’Economie de Harvard aux États-Unis, Thierry Breton est nommé président du directoire d’Atos. Quelques mois plus tard, il est président-directeur général du groupe.
Au cours de ce mandat, il transforme complètement la dimension opérationnelle de l’entreprise. Il fait notamment l’acquisition des activités informatiques de Siemens, ce qui permet au groupe de s’agrandir et d’être présent dans 42 pays.
En 2014, Atos a également intégré Bull – ancienne entreprise dirigée par Thierry Breton – pour former le groupe numéro un du cloud en Europe. L’entreprise, qui fait l’effet d’un rouleau compresseur, a également racheté Xerox ITO -filiale informatique du groupe Xerox- avec la volonté de tripler sa taille aux Etats-Unis et de figurer parmi les cinq premiers acteurs mondiaux de l’externalisation informatique.
Tout ce que Thierry Breton touche…
Si ses méthodes de management sont parfois critiquées – un rapport du cabinet Technologia à l’augmentation des facteurs de risque psychosociaux réalisé lors de son mandat à France Télécom décrit des objectifs difficiles voire impossibles à atteindre pour les salariés – force est de constater que sa méthode est efficace.
L’action Atos est celle du secteur informatique qui a le plus progressé par rapport à tous ses concurrents français et internationaux au cours des cinq dernières années. Atos a vu son chiffre d’affaires augmenter de 55%, les effectifs augmenter de 50 %, et enregistre la meilleure performance boursière de tout le secteur. Un bilan qui ferait envie à plus d’un chef d’entreprise.
Sources des photos : lopinion.fr / www.bbc.co.uk